Le magasin idéal des enfants

Baisse de trafic, recul des ventes, montée des achats en ligne… Alors que les marchés enfants sont rattrapés par les nouveaux enjeux de la distribution, LSA s’est penché sur les attentes spécifiques des enfants en matière de retail. Zoom sur ces petits consommateurs aussi logiques qu’émotionnels.

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Le magasin idéal des enfants
Le type de magasins où les enfants aiment en premier aller avec leurs parents est, sans surprise, les magasins de jouets, cités par 76% des 6-14 ans sondés par Génération & Co pour LSA.

12,22 M Le nombre d’enfants âgés de 0 à 14 ans en France au 1er janvier 2018 (soit 18,2 % de la population française totale), à - 0,6 % versus 2017

Source : Insee

Quel est le magasin que voudraient vraiment les enfants ? « C’est la question que tout le monde se pose », répond Franck Mathais, porte-parole de JouéClub. À l’heure où les marchés des produits pour enfants sont chahutés, subissant pour beaucoup une baisse du trafic et des ventes, cette interrogation vaut son pesant de bonbons. « On parle souvent de fracture digitale à propos des jeunes générations. Mais loin d’être seulement technologique, cette rupture est culturelle », estime Nathalie Peron-Lecorps, directrice générale de Picwic. Nos chérubins seraient-ils devenus des aliens pour la grande consommation ?

Pour mieux cerner ces petits consommateurs, le cabinet Génération & Co, éditeur du label Approuvé par les Familles, a sondé en exclusivité pour LSA 460 jeunes âgés de 6 à 14 ans. D’abord, qu’on se rassure, ils restent attachés aux magasins physiques. En premier lieu à ceux qui proposent des produits qui les intéressent, comme les magasins de jouets – cités en tête des points de vente qu’ils aiment visiter avec leurs parents –, devant les espaces culturels, les enseignes textiles et les grandes surfaces alimentaires. Le Net est le dernier circuit cité, ne récoltant que 18 % des suffrages. Logique, selon Isabelle Cussac-Mazarguil, directrice de Génération & Co : « Pour un enfant, un magasin est d’abord un lieu physique permettant une expérience concrète du produit. L’achat en ligne, apprécié par les parents pour sa praticité, ne leur correspond pas ». Franck Mathais renchérit : « L’e-commerce ne s’inscrit pas assez dans le registre de l’émotion : c’est un achat rationnel où il est difficile pour les plus jeunes de visualiser l’étendue de l’offre. » Les magasins physiques, chouchous des pitchounes, disposent donc encore de cartes maîtresses à jouer auprès de cette cible.

D’autant qu’en termes d’attentes, les enfants ressemblent fort au portrait-robot du consommateur idéal. Ce qu’ils veulent trouver en magasin ? D’abord, des produits qui les intéressent, premier critère avec un écrasant score de 88 %. Et ils en veulent à profusion : le choix est le deuxième item cité (54 %). « Ce résultat remet en question la stratégie de certaines enseignes de réduire l’offre en rayon pour la prolonger via un catalogue en ligne : certes pratique pour les parents, cette solution ne convient pas aux enfants qui sont encore demandeurs d’être inondés de produits », explique Isabelle Cussac-Mazarguil. Un magasin comme une caverne d’Ali Baba où ils pourraient expérimenter les produits – troisième critère cité – mais également dénicher les dernières nouveautés et tendances à la mode. « Le magasin s’inscrit aussi dans une dimension sociale : ils veulent pouvoir y chiner, zapper entre les produits et faire un “benchmark” des nouveautés dont ils pourront parler avec les copains », expose la directrice de Génération & Co. Et si le décor est joli et agréable, c’est encore mieux.

Consommateurs avides de choix et de découverte, les bambins ne semblent, en revanche, guère intéressés par l’aspect transactionnel. « Le prix n’est pas leur sujet, plutôt vu sous l’angle de la contrainte – car l’enfant voudrait tout acheter – et du côté rébarbatif de l’adulte répétant sans cesse “Non, c’est trop cher” », rappelle Isabelle Cussac-Mazarguil. De même, les primes et cadeaux ne les motivent pas. « Ils savent que recevoir des cadeaux reste occasionnel. Ce n’est donc pas un motif de visite pour eux », explique Franck Mathais. Ce n’est pas non plus avec des promotions qu’on les attire. « C’est seulement à partir du collège, âge auquel les jeunes disposent d’argent de poche, qu’ils commencent à appréhender le prix. En matière de promotion, les rabais les intéressent peu. Ils préfèrent le deuxième produit moins cher ou le petit cadeau offert… à condition que le gain soit immédiat », analyse Yves Cognard, directeur du cabinet Junior City. Exit, donc, les offres de remboursement différé ou les bons d’achat à renvoyer pour obtenir son cadeau…

De même, les enfants ne sont pas vraiment en demande d’aires de jeux en magasin. « Ils ne sont pas dupes et comprennent bien que ces espaces ne s’adressent pas à eux – sinon, il y aurait un clown pour les animer – mais à leurs parents. Ces espaces ne profitent donc pas à l’image de marque de l’enseigne auprès des enfants, d’autant qu’ils excluent d’emblée ces petits consommateurs qui s’occupent de leur côté, sans découvrir l’offre du magasin », pointe Isabelle Cussac-Mazarguil. Une fausse bonne idée, donc… surtout si on leur propose des produits dédiés. « L’enfant a besoin de s’approprier le magasin. Plutôt que de le combattre, les enseignes doivent trouver comment l’accompagner », martèle Alexandre Banach, responsable des études et communautés du cluster dédié à l’enfance Nova Child.

Séduire les plus jeunes…et les adultes

C’est là que, pour les commerçants, les choses se compliquent nettement : comment plaire aux plus jeunes… tout en séduisant l’adulte, jamais très loin quand il s’agit de consommation enfant et, surtout, acheteur final ? « C’est toute la difficulté : faire en sorte que l’enfant ait l’impression que le magasin est fait pour lui, alors qu’il s’adresse à lui et à l’adulte. Or, les deux veulent être considérés comme des consommateurs à part entière », observe Franck Mathais. Et la conscience consumériste n’attend pas le nombre des années : « Les moins de 6 ans comprennent ce qu’est un magasin, qu’ils identifient d’abord par les produits qu’il propose. Dès l’école élémentaire, ils reconnaissent les marques – et connaissent les slogans –, même si la notion d’image de marque ou d’enseigne ne vient que plus tard », détaille la sociologue Catherine Pinet-Fernandes. Inutile, donc, de vouloir les bercer d’illusions : « À force de s’entendre répéter “Ne touche pas”, les enfants comprennent très vite qu’un magasin est un lieu marchand où on attend d’eux un comportement spécifique et le respect de règles », ­explique Alexandre Banach.

Corvée ou plaisir, la perception du magasin dépend surtout du moment passé à l’intérieur. Or, sur cet item, leurs attentes rejoignent celles des parents : « Ce qu’ils veulent avant tout, c’est partager un moment agréable ensemble, car, quoi qu’on en dise, les courses restent une activité de loisir pour les familles », expose Isabelle Cussac-Mazarguil. Et si l’expérience est positive, même ses côtés les plus rébarbatifs sont acceptés. « L’attente aux caisses, par exemple, n’est pas un problème en soi pour l’enfant. Il peut le devenir si ces dix minutes à patienter suivent une heure de visite désagréable et anxiogène. Or, pour les plus jeunes, le magasin, vu comme un empilement labyrinthique de boîtes éclairées aux néons, a un côté anxiogène », note Alexandre Banach. De là à transformer le point de vente en parc d’attractions ? Peut-être pas – les enfants étant conscients de la vocation marchande d’un magasin – mais s’en inspirer pour transformer les courses en moment agréable et si possible inoubliable. « Pour eux, faire les courses, c’est comme assister à un spectacle : c’est une comédie qui se joue dans un théâtre avec une unité de lieu, de temps et d’action », s’enthousiasme Yves Cognard. Reste à trouver le bon scénario.

Mise en situation

« L’enfant réagit à l’émotionnel. Or, l’émotion passe par les cinq sens, en premier lieu la vue », détaille Franck Mathais. La démesure est ici permise : « Les enfants ont besoin d’avoir les yeux qui s’écarquillent. Les décors monumentaux, comme des Monopoly géants, ou les parades de héros fonctionnent bien pour créer l’effet “wahou ”», explique Anne-France Mareine, commissaire générale du salon Kidexpo. Quitte à aller parfois contre ses principes de commerçant : « Il faut donner une impression de profusion de produits et organiser un désordre pour créer des aspérités », ajoute Franck Mathais.

Car le décor, aussi beau soit-il, doit surtout mettre en scène les produits. Objectif : permettre à l’enfant, via des vitrines ou des mises en démonstration, de se projeter dans la situation d’utilisation. Le mieux est ensuite de pouvoir le tester : « Quand un enfant essaye des chaussures de foot, il s’imagine déjà foulant le gazon ! Mais on peut aussi les faire se projeter via une belle théâtralisation ou les faire rêver en leur offrant de rencontrer leurs héros, en vrai ou en mascotte », illustre Yves Cognard.

Et l’avantage, c’est qu’ils sont curieux de tout. Depuis un an, Picwic a remis l’accent sur les animations de ses points de vente : « Nous sommes revenus à notre concept originel de ”magasin pour jouer” et de moments de bonheur en famille. Initiation au codage ou au langage des signes, venue d’un apiculteur, ateliers ­créatifs… Tout peut les amuser », explique Nathalie Peron-Lecorps, qui a récemment organisé La Semaine de la bêtise, permettant aux plus jeunes de faire tout ce qui leur est interdit à la maison, comme se rouler dans la peinture ! Gare cependant à l’encadrement des activités. « Débal­ler un produit sur une table ne suffit pas : il faut des animateurs pour accompagner l’enfant, même pour du simple coloriage », avertit Anne-France Mareine. Un investissement, certes, mais qui, pour créer du lien, vaut toutes les campagnes de bons de réduction… 

Les enjeux

  • Touchés par l’évolution des modes de consommation et les baisses de trafic et de ventes, les magasins demeurent pourtant le circuit préféré des enfants.
  • Les courses restent un loisir familial qu’enfants et parents considèrent d’abord comme un moment à partager ensemble.
  • L’expérience dans le magasin prime et passe aussi par de nombreux leviers : mise en scène de l’offre, démonstration, accueil…

Moi, ce que j'aime dans les magasins, c'est 

  • 88% voir les produits que je préfère
  • 54% avoir beaucoup de choix
  • 39% pouvoir tester les produits
  • 33% découvrir les dernières nouveautés
  • 33% trouver les produits à la mode  
  • 30% la belle présentation des produits
  • 22% participer aux animations

La culture en tête

Avec près de 10 % des citations, la Fnac arrive en tête des enseignes préférées des 6-14 ans, avantagée par ses nombreux rayons intéressant les enfants (jouets, BD, jeux vidéo…), devant Cultura. Les spécialistes des jouets, davantage plébiscités par les plus jeunes, se placent dans un mouchoir de poche. « Au total, les enfants sondés ont cité 119 enseignes différentes », précise Isabelle Cussac-Mazarguil. Des enfants éclectiques…

 

 

Le Net n’est pas l’idole des jeunes

On s’en doutait, les enfants placent les commerces de jouets en tête des magasins dans lesquels ils aiment se rendre, devant les grandes surfaces culturelles, les enseignes de textile et les grandes surfaces alimentaires. L’e-commerce est le dernier circuit cité : pratique pour les parents, il ne semble pas satisfaire les plus jeunes, d’avantage en quête d’émotion que d’achat rapide et rationnel.

 

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