Jean Clémentin, ex-journaliste du Canard Enchaîné accusé d’espionnage, est mort à 98 ans

Surnommé « Tintin », il aurait assumé ses premières sympathies pour le bloc de l’Est pendant la guerre d’Indochine, écœuré par les méthodes de l’armée coloniale française. Il était aussi décrit par son officier traitant comme un homme qui aimait l’argent.

Il aurait participé à trois opérations de désinformation, en publiant dans Le Canard enchaîné des articles conçus par la StB, les services secrets tchécoslovaques. (Illustration) LP/Cidjy Pierre
Il aurait participé à trois opérations de désinformation, en publiant dans Le Canard enchaîné des articles conçus par la StB, les services secrets tchécoslovaques. (Illustration) LP/Cidjy Pierre

    Le journal s’était tourné vers l’investigation « sous son impulsion ». Le journaliste Jean Clémentin, ancienne grande plume du Canard Enchaîné accusée d’avoir été un espion de l’Est dans les années 1960, est « décédé le 5 janvier à 98 ans », a annoncé ce mercredi l’hebdomadaire satirique.

    « Durant les années 1970-80, (Jean Clémentin) avait été l’un des piliers du Canard Enchaîné », rappelle dans un entrefilet le journal. Jean Clémentin « dit Tintin, dit Jean Manan », avait rejoint l’hebdomadaire en 1960, après avoir travaillé pour l’Associated Press pendant la guerre d’Indochine (1946-1954), puis à « Combat », aux « Temps modernes » et à « Libération » (fondé par Emmanuel d’Astier de La Vigerie et publié de 1941 à 1964).

    L’auteur d’ouvrages comme « Quasi » et « Les poupées de Kirchenbronn » avait pris sa retraite de journaliste en 1989 pour se consacrer à la littérature. Mais il est revenu dans l’actualité l’année dernière : une enquête de l’Obs l’accusait alors d’avoir été, de 1957 à 1969, un « espion stipendié (payé, corrompu) des Tchécoslovaques, donc du camp soviétique ». La Tchécoslovaquie, scindée depuis 1993 en deux États (République tchèque et Slovaquie), était alors un État satellite de l’Union soviétique.

    Opérations de désinformation

    « Pipa » (son nom de code) a « remis pas moins de 300 notes, au cours de 270 rencontres en France et à l’étranger », relevait l’Obs, s’appuyant sur un dossier du StB, les services secrets tchécoslovaques, exhumé par un historien. Il a également « participé activement - et consciemment - à trois opérations de désinformation, en publiant dans Le Canard enchaîné des articles conçus par la StB ». « Nous ne sommes évidemment pas au courant, nous sommes sidérés », avait affirmé l’année dernière Nicolas Brimo, directeur actuel du Canard.



    Jean Clémentin aurait assumé ses premières sympathies pour le bloc de l’Est pendant la guerre d’Indochine, écœuré par les méthodes de l’armée coloniale française, avant de collaborer avec un membre de l’ambassade tchécoslovaque à Paris.

    Appât du gain

    Attiré par les « démocraties populaires » de l’Est mais aussi par « l’appât du gain », il était décrit par son officier traitant comme un homme qui « aime l’argent », revendique « cinq maîtresses » et n’a pas les revenus suffisants pour subvenir à son train de vie.

    Protégé de toute poursuite par la prescription, Jean Clémentin « n’avait pu répondre à ses détracteurs » l’année dernière en raison d’une « santé chancelante », affirme ce mercredi le Canard Enchaîné. « Fin de partie. Tchèques et mat ! », conclut le journal.