Patrick Juvet était bien plus qu'une simple idole disco
Le chanteur et compositeur suisse est décédé à l'âge de 70 ans. Sa carrière faite de très hauts et de très bas est bien plus riche qu'on ne le pense.
- Publié le 01-04-2021 à 21h35
- Mis à jour le 08-04-2021 à 13h53
Il a enflammé les dancefloors disco dans les années 70 avec son tube “Où sont les femmes ?”. Patrick Juvet s’est éteint à 70 ans à Barcelone. Victime – une de plus… – du Covid-19 dit la rumeur. Son manager, qui a annoncé la triste nouvelle, évoque une autopsie. Il y a trois jours, ils avaient encore conversé au téléphone et rien ne laissait supposer ce qui est arrivé.
Retracer la carrière du natif de Montreux, en Suisse, c’est un peu comme s’adonner aux montagnes russes. Il y a eu des très hauts et des bas presque inimaginables. “Où sont les femmes”, extrait de l’album Paris By Night (1977) fait partie des sommets. Ce disque, c’est le fruit de la collaboration qu’il a menée avec Jean-Michel Jarre, son parolier sur cet opus. Et cantonner l’artiste à ce titre, c’est totalement méconnaître ce qu’il a fait et ce qu’il a représenté.
"Le lundi au soleil"
Produit du conservatoire de Lausanne, il file à Paris au début des années 70 après avoir été sollicité pour remplacer un mannequin. Il parvient à se faire repérer par Eddie Barclay. Le premier 45 tous sort en 1971, “Romantiques pas morts”, le second l’année suivante. C’est “La musica”, son premier grand succès. Une carte de visite à nulle autre pareille puisqu’en 1972 toujours, il l'amène à composer la musique du “Lundi au soleil” pour Claude François. Le titre ouvre l’album éponyme. Plus de 600 000 exemplaires vendus. Véronique Sanson, Alain Chamfort et bien d’autres viendront sonner à la porte du jeune Patrick… Sans oublier le concours Eurovision pour le compte de la Suisse, en 1973.
À l’époque toujours, il sort l’album Love sur lequel figure le morceau “Rappelle-toi minette”. La chanson est également un de ses titres emblématiques. Mais elle le verse dans la catégorie des chanteurs à midinettes. Problème : la situation ne colle pas vraiment avec les orientations sexuelles du chanteur, lui qui se déclare bisexuel...
"I Love America"
En 1978, Patrick Juvet s’exporte aux États-Unis. Direction Los Angeles où il va multiplier les collaborations. C’est la naissance de "I Love America" qu’il cosigne avec le Français Jacques Morali et Victor Willis des Village People. "Avec 'I love America', en 1978, j’ai été numéro un aux États-Unis. J’ai été un des rares Européens à y arriver. Avec Cerrone, Patrick Hernandez et Sœur Sourire. “Dominique nique nique”, je m’en souviens… J’avais même acheté le disque”, confiait-il à la DH en 1994 lorsqu’il vivait à Miami. La ville de Floride était à l’époque the place to be et Patrick Juvet y était bien entouré. “J’y ai rencontré Madonna parce que nous fréquentons le même club de gym. Les Bee Gees vivent là-bas. Je connais un peu Barry Gibb. Ça date du temps de 'I love America'. Sean Penn y a également ouvert un bar. Iglesias y est depuis toujours. Sardou y a aussi une maison, mais il n’y vient jamais. Peut-être en été, mais alors, moi, je n’y suis pas. Trop chaud.”
Au fond du trou
La glorieuse aventure américaine ne durera cependant pas bien longtemps. Au début des années 80, le succès esquive Patrick Juvet. Il plonge dans la drogue et l’alcool et disparaît des écrans radar pour n’émerger qu’au début de la décennie suivante. Et encore. Le soutien de Luc Plamondon, Marc Lavoine et Françoise Hardy ne suffit pas à lui redonner un nouvel envol.
Il s’essaye à la techno et c’est chez nous qu’il venait graver ses productions. “Pour enregistrer mes albums, je viens en Belgique, en pays flamand. Je considère que pour tout ce qui concerne la musique dance ou la techno, les musiciens belges sont très forts. On peut difficilement trouver mieux ailleurs. Aux États-Unis, peut-être, mais pas à Miami. Là-bas, leur truc, c’est plutôt la musique latino-américaine. Moins la dance.”
Les remixes de ses titres emblématiques finissent par le remettre en selle. En 2002, Patrick Juvet écrit pour Hélène Ségara (“Je rêve”). On le retrouve aussi à l’affiche du festival de Dour pour une prestation qui reste dans les annales de l’événement mais pas dans les bons souvenirs du chanteur. Tomates et gobelets ont fusé. L’idole des années 70 est restée moins de 30 secondes sur scène. Dur, dur…
Âge tendre, la renaissance
Le retour en grâce est arrivé avec la tournée Âge tendre. Il n’était pourtant pas chaud du tout lorsqu’il a été sollicité pour remplacer au pied levé Richard Anthony hospitalisé en 2008. “Tout simplement parce que ce n’était pas mon époque”, confiait-il à la DH d’une voix douce et dans laquelle, malgré les années, traîne toujours un fond d’accent vaudois. “J’écoutais ces gens-là, Frank Alamo, Daniel Gérard, quand j’étais à l’école… Je suis l’un des plus jeunes de la troupe et pourtant, je vais avoir 58 ans.” Il finira par se prendre au jeu. “Je vous dois la vérité, je n’avais plus chanté en live depuis 25 ans. Je pensais que ce serait difficile, mais ça a été une bonne école, de recommencer comme ça.” Il résignera pour les éditions 2009, 2011, 2014 et 2018. Pour quelqu’un qui n’avait pas envie…
De Bach à Metallica
L’habitude veut que l’on classe Patrick Juvet dans la catégorie disco et puis basta. C’était bien mal connaître le Suisse. S’il a toujours été un fan des musiques destinées aux dancefloors, ses choix personnels étaient pour le moins variés. “Au réveil, j’écoute du classique. Bach ou Mozart. C’est en souvenir de mes dix années de piano au Conservatoire. En début de soirée, je suis très hard rock : Metallica, Gun’s N’Roses. Et en fin de nuit, après les boîtes, je reviens au classique. Mais plutôt Malher ou Wagner.” Il a même repris Alice Cooper en français avec "Only women bleed devenu "J'ai peur la nuit". Étonnant, non ?