Le cinéaste Federico Fellini l’avait surnommée la « perle noire de l’édition ». Sophistiquée en diable, la revue d’art bimestrielle FMR obéissait à un code esthétique précis : jaquette de soie noire, papier bleu Ingres de Fabriano, photographie pleine page sur fond noir, exceptionnelle qualité d’impression et tirage limité. En un mot raffinée, à l’image de son fondateur, Franco Maria Ricci. Eclectique, dandy portant toujours à la boutonnière le gardénia rouge artificiel offert par son ami Ottavio Missoni, érudit et notoirement excessif, l’éditeur italien est mort le 10 septembre, à l’âge de 82 ans, à Fontanellato, en Italie.
Franco Maria Ricci est né le 2 décembre 1937, à Parme, sous le signe de la culture et de la curiosité, au sein d’une famille aristocratique d’origine génoise. Dès l’âge de 12 ans, son père le pousse à faire un grand tour de l’Italie de l’après-guerre. « Toute la famille était angoissée de voir un enfant partir tout seul, nous a-t-il confié voilà une quinzaine d’années. Quand je rentrais, on me faisait un interrogatoire pour savoir ce que j’avais vu. Petit à petit, c’est devenu une drogue. »
A 18 ans, sa vie se partage entre les rallyes automobiles et la tournée des églises et des musées. Passionné par les grosses cylindrées italiennes, l’ex-champion se lance plus raisonnablement dans des études de géologie. Toutefois, il bifurque une première fois, en autodidacte du graphisme, développant un talent pour dessiner le logo de banques, ainsi que les billets d’avion d’Alitalia.
Editeur vorace
En 1965, nouveau coup de volant quand il découvre l’œuvre du typographe Giambattista Bodoni (1740-1813). Une révélation ! Commence alors la folle entreprise de reproduire en fac-similé son Manuel typographique (1818), manifeste, selon Ricci, du génie parmesan. On lui prédit un four. Ce sera un coup de maître. Publiée après deux années d’effort et, d’après l’hebdomadaire L’Express, 70 millions de lires d’investissement, cette bible rejoindra les plus grandes bibliothèques du monde.
La signature Ricci est déjà là : papier de qualité, impression parfaite. Il la déclinera en 1966 dans sa luxueuse collection « Les Signes de l’homme ». Son principe ? Exhumer des artistes sous-estimés, comme Tamara de Lempicka ou Antonio Ligabue, ainsi que des textes et des codex oubliés.
Editeur vorace, Ricci multiplie les collections (« Quadreria »…), réédite l’Encyclopédie, de Diderot et d’Alembert, « un amour d’enfance ». Avec une infinie émotion, il aimait raconter l’une de ses plus belles aventures, sa rencontre avec l’écrivain argentin Jorge Luis Borges (1899-1986), qu’il convainc de publier en 1976 la légendaire Bibliothèque de Babel rassemblant sa sélection des trente plus grands textes de littérature fantastique, de Franz Kafka à Henry James.
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