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Disparition

Mort du gaulliste Albin Chalandon, une carrière aux affaires

Ancien résistant, député et garde des Sceaux dans les années 80, Albin Chalandon est mort ce jeudi, à l'âge de 100 ans. Originaire de l'Ain, ce gaulliste fut également banquier et homme d'affaires.
par Matéo Larroque
publié le 30 juillet 2020 à 17h06

Cent ans, un mois, dix-huit jours. Mort ce jeudi, Albin Chalandon, garde des Sceaux entre 1986 et 1988, a traversé les époques, les mondes de l'entreprise et de la politique, toujours en brillant par son élégance. Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, lui a rendu hommage, ce jeudi matin, sur Twitter : «Avec le décès d'Albin Chalandon, la France perd un de ses combattants de la Libération, la République un de ses grands serviteurs et le ministère de la Justice un de ses anciens gardes. A cet instant, je pense avec émotion à son épouse, à ses enfants et à ses proches», écrit-il.

En 1940, Chalandon a 20 ans lorsque la France chavire dans l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Il s’engage dans la Résistance et, en 1944, prend la tête d’un réseau de maquisards basé dans la forêt d’Orléans. Blessé lors d’affrontements avec un régiment SS, il participe à la Libération de Paris.

Les «chalandonettes»

Fils d'un industriel maire de Reyrieux (Ain), sa ville natale, Albin Chalandon intègre l'inspection générale des finances à la fin de la guerre. Entre 1946 et 1947, il travaille pour les gouvernements de gauche de Léon Blum et Paul Ramadier. Qualifié de «dernier des barons gaullistes» par Gérald Darmanin, sur Twitter également, l'ancien garde des Sceaux et patron d'Elf Aquitaine a en effet rejoint le Rassemblement du peuple français (RPF) dès 1948 pour devenir «délégué général à l'action ouvrière et professionnelle».

En 1952, Albin Chalandon crée la Banque commerciale de Paris avec Marcel Dassault, dont il sera PDG de 1964 à 1968. Mais il ne s’éloigne jamais trop de la politique. En 1958, il est nommé trésorier de l’Union pour la nouvelle République (UNR), puis secrétaire général du parti l’année suivante. Entre 1960 et 1964, il préside Inno France, société de grandes entreprises de distribution, puis devient membre du Conseil économique et social jusqu’en 1967. Par la suite, l'Aindinois devient député des Hauts-de-Seine, réélu deux fois en 1968 et 1973. Il cumule aussi les fonctions ministre de l’Industrie (de mai à juillet 1968), et de ministre de l’Equipement et du Logement (de juillet 1968 à juillet 1972). Lors de cette mandature, il résorbe le déficit autoroutier français, en développant les financements privés, et décuple la vitesse de construction des autoroutes, passant de 50 kilomètres par an à 500.

Il ne rencontre toutefois pas le même succès sous sa casquette de bâtisseur, même s'il martèle à l'envi son intention de «libérer l'urbanisme», et promeut le développement de l'habitat individuel. Surnommés les «chalandonettes», 70 000 pavillons individuels seront créés, mais le projet sera un fiasco, et les maisons bon marché seront rapidement délabrées.

Chalandon propose sans succès la fin du droit du sol

PDG d'Elf Aquitaine d'août 1977 à juin 1983, il sort l'entreprise du scandale des «avions renifleurs», un investissement inutile et très dispendieux qui visait à détecter à distance des gisements de minéraux sans forage.

Alors député du Nord, il refuse le portefeuille des Affaires étrangères qui lui est proposé en 1986 pour ne pas «devenir le télégraphiste pris dans une bagarre Mitterrand-Chirac». A cela, il préfère choisir le ministère de la Justice afin d'incarner une politique sécuritaire, et propose sans succès la fin du droit du sol. En 2010, Albin Chalandon est placé en garde à vue dans le cadre de l'affaire Visionex, soupçonné d'être intervenu pour obtenir des autorisations d'exploitation pour procéder à des paris clandestins en ligne. Père de trois enfants, il a été marié à la princesse Salomé Murat, dont il s'est séparé en 1970, après dix-neuf ans de vie commune. En 2016, il s'est remarié avec la journaliste politique Catherine Nay. L'ex-garde des Sceaux Rachida Dati a fait part de sa tristesse à la suite du décès de celui qu'elle décrivait comme son «mentor en politique» : «Je le considérais comme un membre de ma famille.»

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