Il avait marqué l'OGC Nice et les Niçois... Inoubliable Marko Elsner

Le défenseur Marko Elsner a marqué l'OGC Nice et les Niçois. Il est parti, ce lundi, à l’âge de 60 ans

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Philippe Camps Publié le 19/05/2020 à 08:10, mis à jour le 19/05/2020 à 08:15

Il était l’élégance, le calme, la finesse. Sur un terrain, Marko Elsner avait une allure folle. C’est cette image qui a jailli de nos souvenirs quand est tombée la triste nouvelle. Marko Elsner est mort. Il avait 60 ans. A Nice, personne ne l’a oublié. On n’efface pas les joueurs de ce calibre, de ce talent.

Quand il arrive au Gym, Elsner a 27 ans. Il est international yougoslave. Il a joué à l’Olimpija Ljubljana et surtout à l’Étoile Rouge de Belgrade, le club de Dzajic, Stoijkovic, Prosinecki, Mihajlovic. Un club de stars. Un club qui vous pose un homme. Le nouvel entraîneur de l’OGCN a validé la venue du défenseur central avec un sourire en coin. Nenad Bjekovic connaît le football. A l’aube de cette saison 1987-1988, le Gym voit aussi débarquer Marsiglia, Ricort, Bravo, Kurbos et Djelmas. On a connu des pioches plus moches...

"Impassable dans le un contre un"

A l’issue du premier entraînement, tout le monde a compris. Elsner, c’est le top niveau. « Il avait tout : les deux pieds, une technique sans faille, l’art du placement. On s’est tous regardé pendant la séance. Il a contrôlé un dernier ballon. On était conquis », raconte Roger Ricort, son vieux compagnon de route. Les jeunes l’observent, le regard brillant. « Il était beau à voir jouer. Aussi à l’aise dans le jeu court jeu que le jeu long. Il dégageait une telle facilité, une telle intelligence. Et c’était un vrai défenseur, impassable dans le un contre un. Le meilleur en France », affirme Fred Gioria. Avis partagé par Jean-Philippe Mattio : « Évoluer à côté de lui était rassurant. Il ne s’affolait jamais. »

Marko, le Yougo, devient vite l’un des chouchous du Ray. Ce n’est pas le cas de son pote Milos Djelmas longtemps sifflé avant d’être adulé. Cette saison-là, Elsner, qui peut tout aussi bien évoluer au milieu, dispute 37 matchs pendant que Carlos Curbelo (autre défenseur inoubliable) est au crépuscule de sa carrière. Curbelo parti, Elsner s’installe à temps plein dans le fauteuil de libero. Un libero qui ne balance jamais un ballon. Pas le genre de la maison. Pas le genre non plus à avoir la main moite ou le pied qui tremble.

"Avec lui, rien n’était grave"

« Parfois, je l’appelais ‘‘Mosieur deux de tension’’. Il ne connaissait ni le trac, ni la pression. Rien ne l’atteignait. Rien n’était grave. L’année où on s’est retrouvé dans la tourmente, je lui disais : ‘‘Mais Marko on va descendre !’’ Il me répondait : ‘‘Pas grave, Roger, on remontera’’. Sur le terrain quand il se mettait à reculer, on lui hurlait dessus avec Rohr ou Guerit. Lui souriait. Il nous disait : ‘‘Vous, milieux. Vous courir. C’est votre job’’. Il était fantastique » rappelle Roger Ricort.

De son côté, Jean-Philippe Rohr n’ignorait rien du phénomène. Il l’avait affronté en demi-finale des JO 1984 à Los Angeles avec l’équipe de France : « On avait battu une belle équipe de Yougoslavie 4-2 et je l’avais remarqué. Marko était un joueur exceptionnel. Le meilleur défenseur central avec qui j’ai joué. Plus fort que Battiston. Plus complet que tous les autres. Avec un sens de l’anticipation que je n’ai vu chez personne d’autre. Il n’était jamais battu. Il taclait rarement. Il était placé à la perfection. »

Pendant trois saisons, il est intouchable, indiscutable, incontournable. On écrit son nom et ceux des autres autour. Ce qui ne grossira ni son tour de tête, ni ses certitudes. Marko Elsner est la simplicité même. Un amour pour ses coéquipiers comme pour les journalistes. « Il était la gentillesse, la bienveillance. Le matin, il arrivait avec le sourire. Les sautes d’humeur, ce n’était pas son truc. Impossible de s’embrouiller avec lui », confesse Jean-Philippe Rohr.

"Il ne se plaignait jamais"

Un modèle pour beaucoup. Un exemple pour les jeunes. « Un Monsieur. Je l’ai vu jouer avec une fracture de la clavicule et effectuer toute une préparation avec la mâchoire cassée. On était à Saint-Martin-Vésubie. Le pauvre, le midi et le soir, on le chambrait : il mangeait tout à la paille. Je ne l’ai jamais entendu se plaindre. Jamais une grimace. Oui, un Monsieur », rembobine ‘’Jean-Phi’’ Mattio.

"Il aurait pu jouer au Real"

Marko Elsner, c’est aussi une aile de pigeon géniale pour un but légendaire de Tony Kurbos contre le PSG, le 17 octobre 1987. Le buteur se souvient : « Tu sais pourquoi Elsner fait une aile de pigeon ? Il était en avance et je lui dis en slovène ''Druga'', ça veut dire deuxième (poteau). Comme je le connais bien et qu'il a une super technique, je sais qu'il peut le faire. Il le fait. Derrière, je mets ce ciseau retourné dont on me parle tous les jours ou presque. C'est le plus beau but de ma carrière. » Et l’un des plus beaux de l’histoire du Gym.

Tony Kurbos, neuf clubs sur son CV et des centaines de matchs au compteur, nous a dit un jour : « Marko Elsner est le joueur le plus fort avec qui j’ai évolué. Avec les qualités qu’il avait, il aurait pu jouer au Real Madrid. Il lui a manqué un peu de taille (1,75m) pour aller tout en haut. »

"Clope et coca ou clope et café"

C’est l’heure des hommages. Des larmes et des souvenirs. L’heure aussi de se rappeler que Marko Elsner aimait follement le Gym, ses couleurs, son histoire, son public. Au point de refuser Saint-Etienne qui, en 1990 lui propose un contrat de 4 ans en béton armé, pour aller se consoler une année à Vienne. Jean Fernandez alors aux commandes du Gym rêve de Roche, Foerster ou Casoni. Il n’aura aucun des trois. Il aura surtout des regrets d’avoir laissé partir Elsner. Le plus Niçois des Yougoslaves et des Slovènes réunis reviendra quelques mois plus tard pour une pige en D2.

Une fois hors-jeu, il restera à Nice. Normal, c’est chez lui. La famille Elsner (Marko, son épouse Nada et leurs deux fils Luka et Rok) habite Fabron. Les petits jouent au Gym. Lui se lance dans la restauration. Il ouvre Lou Passagin, proche du boulevard Joseph Garnier. Une parenthèse avant le retour au pays. Marko Elsner avait le foot dans le sang. Il est le fils de Branko, ancien joueur puis entraîneur et sélectionneur de l'équipe d’Autriche et le père de Luka, coach d’Amiens. Le relai est passé.

Une image, la dernière. Avant chaque interview, Marko s’allumait une petite cigarette. Une de plus. Une de trop. « Je le surnommais Marlboro. Marko, c’était clope-coca, ou clope-café », souffle Roger Ricort. Derrière la cigarette, Marko Elsner avait un joli sourire et un accent qui résonnera longtemps dans nos têtes. Hier, il est mort des suites d’un cancer du poumon. L’image du joueur ne souffre d’aucune tâche.

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