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Les Fédérés de la Commune

jeudi 27 février 2020, par Cyril (CC by-nc-sa)

Anarchistes au combat [1]. Titre choc d’une brochure éditée par Partage Noir, expliquant, à travers moult analyses historiques, comment des anarchistes (et plus largement des socialistes anti-autoritaires) peuvent être amenés à combattre pour défendre une révolution. L’exemple venait de loin. Des Fédérés de 1871, plus précisément...

Genèse du Comité Central, la Garde Nationale avait été reformée en août 1870, au début de la guerre franco-prussienne. Si les premiers bataillons recrutaient surtout dans les quartiers aisés de Paris, conservateurs et « politiquement sûrs », il n’en fut pas de même pour les suivants, émanations des milieux populaires. Travaillée par les adeptes de ) Proudhon et de Blanqui, violemment antimilitariste et anti-prussienne, la Garde cessa rapidement d’être un soutien au gouvernement bourgeois installé à l’Hôtel de Ville lors du siège de l’hiver 70-71. L’insurrection ratée du 31 octobre, la sanglante boucherie de Buzenval et la proclamation de l’armistice attiseront d’autant la colère de ces ouvriers provisoirement sous l’uniforme, mal équipés et laissés sans entrainement. Pire, la fuite des populations aisées de Paris, lors du siège ou de l’armistice, assure l’hégémonie ouvrière sur la Garde Nationale, devenue alors véritable émanation du peuple en armes.

Le 22 janvier 1871, la Garde manifeste rue de Rivoli, mais se heurte à une partie de la troupe régulière « loyaliste ». A la mi-mars, les bataillons sont fédérés et, dotés d’un Comité Central, échappent totalement au pouvoir bourgeois de l’Hôtel de Ville . La Garde Nationale doit désormais remplacer les armées permanentes, qui ne furent jamais que des instruments de despotisme et amenèrent fatalement avec elles la ruine du pays [2]. Les responsables sont élus, à tous les niveaux. Plus de rois, plus de maîtres, plus de chefs imposés. Le « Fédéré » était né.

Place au peuple, aux bras nus...

Le 18 mars 1871, le gouvernement réactionnaire, tenu à présent par le sinistre Thiers, tenta d’arracher à la Garde Nationale une partie de son artillerie. Les Fédérés se soulèvent, marchent sur l’Hôtel de Ville et bousculent l’armée régulière qui se replie sur Versailles avec les débris du gouvernement. Au milieu du chaos ambiant, le Comité Central de la Garde, seule force ayant conservé toute sa cohérence, assure la gestion de l’immense cité avant la tenue d’élection visant à doter Paris d’un Conseil de Commune. Le 28, la Commune est proclamée. Une offensive en direction de Versailles, lancée sans réelle préparation, échoue complètement et coûte la vie aux responsables insurgés. Le délégué à la guerre de la Commune, Cluseret, tente alors maladroitement de « discipliner » la Garde Nationale, quitte à briser l’élan révolutionnaire. Les hommes de plus de 40 ans, vieux lutteurs anti-bonapartistes, sont renvoyés à leurs foyers. Pire, l’obligation de servir est renforcée. Au mépris de toute pratique insurrectionnelle, le « général » Cluseret durcit de jour en jour ses décrets et néglige d’aguerrir les Fédérés par des engagements propres à développer l’esprit d’initiative. Son successeur Rossel, militaire imbu de préjugés patriotiques [3], ne fera guère mieux...

La suite est connue. Le 21 mai 1871, les versaillais envahissent Paris sur les indications d’un traître et se répandent dans les quartiers ouest. Le dernier délégué à la guerre, Delescluze, adresse une proclamation pathétique à la Garde Nationale : Assez de militarisme, plus d’état-majors galonnés et dorés sur toutes les coutures. Place au peuple, aux combattants, aux bras nus ! L’heure de la guerre révolutionnaire a sonné [4]. La Commune redécouvrait les vertus de l’insurrection armée.

Mais il était bien tard. La Semaine Sanglante commençait...

Bibliographie sommaire :
Outre la brochure précédemment citée, on consultera avec profit le recueil consacré à La commune et la question militaire, dans la collection 10/18.
Instrument indispensable pour suivre l’évolution jour par jour de la Garde Nationale, la lecture du Journal Officiel de la Commune est aussi chaudement conseillée.

[1Titre original de la la brochure Défendre la révolution

[2Préambules des statuts de la Fédération, fin février 1871.

[3Le « capitaine » Rossel est à présent encensé par un groupe musical ex-alternatif dont nous tairons le nom par charité. On a les héros que l’on mérite...

[4Proclamation du délégué à la guerre et du Comité de Salut Public, Paris, le 21 mai 1871.