Récit

Economie circulaire : l'exécutif dégaine un projet de loi ambitieux

Consigne, bonus-malus selon la performance écologique des produits, financement de la gestion des déchets par les producteurs de matériaux de construction, d’articles de sport, de bricolage, de jardinage ou de cigarettes... Le projet de loi «pour une économie circulaire» qui sera présenté lundi par le gouvernement comporte plusieurs avancées concrètes.
par Coralie Schaub
publié le 29 mai 2019 à 15h54

Emmanuel Macron pourra-t-il bientôt se targuer d'avoir sa grande loi sur l'écologie, comme François Hollande a eu la loi de transition énergétique en 2015 et Nicolas Sarkozy la loi Grenelle I en 2009 ? C'est bien possible, à la lecture du projet de loi «pour une économie circulaire», qui a fuité mardi dans la presse. Un texte très attendu, que le gouvernement doit présenter lundi aux membres du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Préparé et porté depuis deux ans pas la secrétaire d'Etat Brune Poirson, celui-ci vise à passer d'une économie linéaire («j'extrais, je consomme, je jette») à une économie circulaire («j'extrais moins, je consomme mieux, je répare et recycle»), un objectif qui figure en tête du code de l'environnement depuis la loi de transition énergétique de 2015.

«Responsabilité élargie du producteur»

Pour atteindre rapidement cet objectif, l'exécutif veut utiliser et renforcer un levier clé, la «responsabilité élargie du producteur». Concrètement, un producteur est obligé de financer par avance la gestion des déchets issus des produits qu'il met sur le marché. Pour assumer ce coût supplémentaire, il peut le répercuter sur le consommateur. Depuis les années 90 et la création d'Eco-emballages (devenu Citéo), l'Etat a déjà désigné quatorze familles de produits pour lesquels les producteurs sont mis à contribution : emballages, papiers, équipements électriques et électroniques, meubles etc.. Le projet de loi du gouvernement prévoit d'assujettir de nouvelles familles de produits à cette obligation. En 2021, les producteurs de matériaux de construction, d'articles de sport, de bricolage, de jardinage, de deux et trois roues motorisés ou de cigarettes vont eux aussi devoir contribuer à la réduction et la réutilisation des déchets que leur commerce génère.

Comment financer ces nouvelles filières et ces nouveaux éco-organismes ? En élargissant l'assiette de l'éco-contribution, en étendant le nombre des producteurs devant la verser et en créant un «bonus-malus». En clair, un producteur se verra infliger un bonus ou un malus selon que son produit répond ou non à des critères de performance écologique. Ce qui peut faire varier le prix du produit de plus ou moins 20%. Non négligeable, si la mesure est effectivement mise en place, car le consommateur pourrait alors enfin payer moins cher des produits plus verts.

Consigne

Autre mesure déjà très discutée : le retour de la consigne que connaissaient déjà nos grands-parents. Le projet de loi veut aussi améliorer l'information du consommateur en créant un «indice de réparabilité» des produits et en verdissant la publicité : celle qui incite à casser des objets sera interdite et celle qui encourage à les jeter devra comporter un message d'information pour rappeler qu'il est possible de réparer ou de recycler. Enfin, le projet de loi renforce la lutte contre l'éco-délinquance avec un arsenal répressif contre les dépôts sauvages de déchets.

Déjà jugé ambitieux par les spécialistes de la gestion des déchets et du droit de l'environnement, le texte peut donner l'occasion à l'exécutif de démontrer qu'il peut (enfin) passer des paroles aux actes. A la veille des élections européennes de dimanche, il avait tenté de verdir son discours. En vain, puisque les voix qu'il espérait capter se sont portées vers la liste Europe Ecologie-les Verts. Qu'il s'agisse de pollution de l'air, d'agriculture ou de développement des énergies propres, l'exécutif peinait jusqu'ici à convaincre. Ce projet de loi lui donne donc l'occasion de défendre sa bonne foi.

Argent privé

D'autant qu'il va surtout mobiliser de l'argent privé et très peu d'argent public, puisque ce sont les producteurs qui devront verser une contribution financière à des éco-organismes chargés de gérer les déchets de leurs activités. Un avantage non négligeable dans un contexte de disette budgétaire. Face à la fronde prévisible des acteurs économiques qui seront appelés à payer plus pour la gestion des déchets, le gouvernement pourra rappeler qu'il est tenu de transposer un paquet de directives européennes votées en 2018 et qui ont justement pour objectif de promouvoir une économie circulaire en Europe. «Pas le choix», donc.

Le gouvernement veut aller vite. Et il en a les moyens, puisqu'une large concertation a déjà été organisée avec tous les acteurs de décembre 2017 à avril 2018, pour aboutir à une «feuille de route pour l'économie circulaire». En janvier, il avait présenté une première version du projet de loi, mais le Sénat avait protesté contre le recours aux ordonnances sur un sujet qui intéresse fortement les élus locaux, historiquement en charge du service public de collecte et de traitement des déchets.

Après le passage en CNTE lundi, le texte devrait atterrir sur la table du Conseil des ministres début juillet, puis au Parlement à la rentrée de septembre. Nul doute qu'il suscitera d'intenses débats. Car certaines questions ne sont pas tranchées, comme celle des biodéchets. Et les élus locaux entendront discuter de la réforme de la fiscalité des déchets. «Make the planet great again» grâce à l'économie circulaire ?

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