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La romancière Christine de Rivoyre est morte

Auteure de romans à succès public et critique, celle que l’on surnommait la « demoiselle des Landes » s’est éteinte le 3 janvier, à l’âge de 97 ans.

Par Frédéric Maget (Président de la Société des amis de Colette)

Publié le 04 janvier 2019 à 14h55

Temps de Lecture 3 min.

Christine de Rivoyre, en 1968.

Elle avait dit : « Je ne suis pas faite pour mourir. » La romancière et journaliste Christine de Rivoyre, membre du jury Médicis, prix Interallié pour Le Petit Matin (Grasset, 1968), prix Paul-Morand et Prince-Pierre-de-Monaco pour l’ensemble de son œuvre, est morte la nuit du jeudi 3 janvier, à Paris. Son œuvre, elle la résumait d’un trait : « Pas un bide. » En quarante ans et quatorze romans, elle avait enchaîné les succès.

Née le 29 novembre 1921, à Tarbes (Hautes-Pyrénées), où son père, officier de cavalerie, était en garnison, elle passe son enfance entre Bordeaux et la maison familiale d’Onesse-et-Laharie (Landes). Elle gardera intacte la vision des paysages landais, le goût du contact avec la nature et une relation privilégiée avec les chevaux. Après des études de journalisme aux Etats-Unis, elle est engagée au Monde. Pendant cinq ans, elle « couvre » la danse, les expositions, le théâtre.

En 1955, elle doit quitter le journal pour raisons de santé et décide d’écrire, en s’inspirant du monde de la danse découvert brièvement, comme attachée de presse, aux Ballets des Champs-Elysées créés par Roland Petit. L’Alouette au miroir (Grasset) paraît en 1955. Remarqué par la critique et plusieurs académiciens, parmi lesquels Paul Morand et Emile Henriot, le roman reçoit le prix Max-Barthou et le prix des Quatre Jurys. Deux ans plus tard, La Mandarine (Plon) s’arrache en librairie : 80 000 exemplaires en quelques semaines. Sa première phrase, « L’amour me donne faim », est restée célèbre.

Beauté stylistique saisissante

Ce succès n’échappe pas au patron de presse Jean Prouvost, qui lui confie la direction littéraire du magazine Marie Claire. Pendant douze ans, elle sollicite des auteurs contemporains au talent prometteur qu’elle sait imposer à une direction plutôt frileuse et conservatrice. Certains deviendront ses amis : Félicien Marceau, Michel Déon ou François Nourissier qui l’invite, en 1963, à rejoindre Grasset dont elle sera pendant plus de trente ans une des « locomotives ».

En 1966, la romancière débute un travail difficile et douloureux, loin des comédies sentimentales drôles et acides qui avaient marqué ses débuts. S’inspirant de l’histoire vraie d’une jeune Landaise qui avait eu pendant l’Occupation une liaison avec un officier allemand, elle offre à ses lecteurs un livre fort, d’une beauté stylistique saisissante. Son chef-d’œuvre. Le Petit Matin, sorti en 1968, est couronné par le prix Interallié.

La romancière rejoint en 1971 le jury du prix Médicis, dont elle est restée membre jusqu’à sa mort. Sensible aux démarches les plus originales, « pourvu qu’elles soient sincères », elle se disait fière des prix remis à Jean Echenoz, Christian Oster, Elsa Morante, Philip Roth, Jean-Philippe Toussaint, Dany Laferrière et Joan Didion.

A l’école de Colette

Personnalité littéraire en vue, la romancière décide, à la fin des années 1970, de s’installer à Onesse-et-Laharie. Dans son « désert élu », elle retrouve la joie de monter à cheval et redécouvre le patrimoine d’une région dont elle fera une de ses principales sources d’inspiration. Belle Alliance (Grasset, 1982), Crépuscule, taille unique (Grasset, 1989) et Racontez-moi les flamboyants (Grasset, 1995) forment, avec Le Petit Matin, un « cycle landais » et imposent l’image de la « demoiselle des Landes ».

Entre elle et Colette, bien des convergences : l’attention au réel, le goût du banal et du quotidien, la préférence accordée aux anonymes, aux êtres étranges, aux éclosions…

En 1996, la romancière décide de mettre un terme à sa carrière d’écrivain. Il faudra attendre dix ans pour qu’elle sorte de son silence, d’abord sous la forme d’un « tombeau » à son ami disparu, Alexandre Kalda (Archaka, Grasset, 2007), puis en 2014, avec Flying Fox (Grasset), portraits et souvenirs tirés de l’album de sa vie. « Je ne suis d’aucune école, sauf celle de Colette », déclarait Christine de Rivoyre. De Colette, elle avait tout lu et s’était amusée à glisser des références cachées dans presque tous ses romans. Entre la Landaise et la Bourguignonne, bien des convergences : l’attention au réel, le goût du banal et du quotidien, la préférence accordée aux anonymes, aux êtres étranges, aux éclosions, l’amour des animaux, et, bien sûr, la recherche du mot juste, précis, « meilleur que meilleur ».

Il y a, toutefois, dans l’œuvre de Christine de Rivoyre, une colère, une révolte, que son illustre devancière avait su, ou voulu, étouffer dans la contemplation des beautés du monde. Quand le tragique de l’existence prenait le dessus, quand la nouvelle de la mort d’un ami lui parvenait – « ma vie est un cimetière », disait-elle –, on pouvait l’entendre murmurer, le poing serré, dressé devant elle : « Horreur ! Horreur ! Horreur ! »

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