Procès Dekhar : "Je lui ai dit que je n’irais pas plus loin car j’avais rendez-vous chez mon médecin", raconte l’ex-otage du "tireur parisien"

Publié le 22 novembre 2017 à 20h54
Procès Dekhar : "Je lui ai dit que je n’irais pas plus loin car j’avais rendez-vous chez mon médecin", raconte l’ex-otage du "tireur parisien"

JUSTICE – Chabane O., a été pris en otage le 18 novembre 2013 par Abdelhakim Dekhar. Ce mercredi, devant la cour d’assises où l’accusé est jugé pour "tentatives d’assassinat" et "enlèvement et séquestration", le sexagénaire a raconté ce moment passé avec le "tireur parisien".

Il a été l’otage d’Abdelhakim Dekhar. Quand ce dernier est monté dans son véhicule, le lundi 18 novembre 2013 un peu avant midi, Chabane O. ignore encore ce que son passager vient de faire durant l’heure et demie qui a précédé dans les locaux de Libération et à La Défense . Il est aussi à mille lieues de s'imaginer ses actes commis trois jours plus tôt dans les locaux de BFM TV. 

Ce mercredi, devant la cour d’assises où Abdelhakim Dekhar est jugé pour "tentatives d’assassinat" et "enlèvement et séquestration", Chabane O. a raconté la demi-heure passée dans sa voiture avec cet homme, entre Puteaux et les Champs-Elysées. 

Je suis connu, je viens de m’évader de la prison de Nanterre"
A. Dekhar à son "chauffeur"

Vers 11h42 ce jour d’automne il y a quatre ans, Chabane O. sort d’une épicerie rue Nelaton à Puteaux où il vient de faire quelques commissions puis se met au volant de sa Twingo. Un homme s’approche et lui fait signe d’attendre, avant de monter dans le véhicule dont les portières côté passager sont ouvertes. "Il me dit tout de suite je suis cocu, je viens de m’évader de la prison de Nanterre. J’étais en transfert à l’hôpital. J’ai réussi à m’évader" raconte Chabane O. 66 ans, lunettes rectangulaires sur le nez, cheveux poivre et sel, costume gris, chemise blanche, cravate rouge, chaussures noires en cuir. 

L’ex-otage, aujourd’hui témoin et partie civile, dit qu’il voit alors le fusil sur les genoux de cet individu qu’il trouve très "énervé".  Avec son accent de titi parisien, il poursuit : "Il m’a dit : ‘Emmène-moi aux Champs-Elysées voir des potes, on m’attend. Je veux juste que tu me déposes, je suis prêt à mourir, j’ai ce qu’il faut". Abdelhakim Dekhar sort alors une grenade quadrillée de sa poche et lui montre. "En y repensant je me dis que c’était peut-être un briquet en forme de grenade"précise Chabane O. devant la cour. 

Il en avait "après la vie"

Le retraité obtempère et conduit Abdelhakim Dekhar sur la plus belle avenue du monde comme il le lui a demandé. Selon l’otage, le trajet dure environ une demi-heure au cours de laquelle les deux hommes ont peu discuté. 

Chabane O. lui demande son prénom. Dekhar répond "Abel" et lui demande le sien. "Il m’a expliqué qu’il n’en avait pas après moi ni après la police, ni après les matons mais après la vie, en ajoutant 'Ils me prennent tout et ils me bouffent'", détaille Chabane O. 

L’ancien conducteur de RER, qui a "fait le chauffeur" ce jour-là, questionne son passager pour savoir où il doit le déposer exactement. "Il m’a répondu : 'T’occupe ! Avance ! Je te dirai où t’arrêter. On m’attend' !"répond Chabane O. 

Le président lui demande si Dekhar le tutoies. Il répond par l’affirmative. 

- "Et vous vous le tutoyer ?" demande le président. 

- "Oui bien sûr", répond Chabane O.

Sur la route, Chabane O. tente de faire "redescendre  la pression" en discutant avec son passager. Et le conducteur garde son sang-froid. "Arrivés à sur l’avenue, je lui ai dit que je n’irai pas plus loin que Champs-Elysées Clémenceau car j’avais rendez-vous chez mon médecin à 12h30", explique-t-il. "J’ai aperçu la voiture de mes potes, fais demi-tour", lui rétorque Dekhar. 

"Une fois que je t’ai déposé, je quitte les lieux, je rentre chez moi ?" interroge le chauffeur d’un jour. Chabane O. confie alors avoir un peu "flippé". "Il m’a menacé en me disant : ' Oui, ne préviens pas la police, si tu le fais, je saurais où te retrouver, j’ai des potes, j’appartiens au milieu'". 

Me Lévy, avocat de Dekhar, fait remarquer au témoin qu’au cours de ses auditions, il avait indiqué également que Dekhar lui avait dit : "De toute façon, ils vont déclencher le plan Epervier". Chabane O. ne s’en souvient pas, "mais si ça a été écrit par les enquêteurs, c’est que c’est vrai".

Je l’ai rappelé car il avait oublié sa casquette"
Chabane O. l'homme qui a malgré lui convoyé le tireur

Puis Chabane O. dépose l’homme. "Il m’a serré la main. Il est reparti en redescendant les Champs-Elysées. Je l’ai rappelé car il avait oublié sa casquette que je lui ai rendue". Puis Abdelhakim Dekhar, qui s’était changé dans la voiture, a disparu. La police a perdu sa trace ce jour-là peu après 13 heures.  Chabane O. lui, est rentré chez lui. "J’avais oublié mon téléphone, je suis parti le chercher chez moi, j’ai croisé une voisine et je lui ai raconté ce qu’il m’était arrivé. Elle m’a parlé des événements du matin. J’ai appelé la police". 

Deux courriers envoyés à l’otage

Depuis les faits, Chabane a reçu à son domicile deux courriers d’Abdelhakim Dekhar postés depuis de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis.  "Comment peut-on envoyer des courriers comme ça ?!", s'étonne Chabane O. qui a déposé plainte après le 2e courrier. "Pour moi c’était un danger, c’est pour ça je  vais déménager prochainement".  Le président lui demande s’il a lu les lettres, qui contiennent notamment des extraits de livres : "Oui, répond Chabane O. Avant de préciser : "Mais c’était du chinois". 

Depuis les faits, le sexagénaire dit souffrir d'un syndrome post-traumatique. Il a dû prendre des anxiolytiques, des "trucs pour le sommeil" et a consulté un psychologue. Depuis le début du procès, l’ex-otage est venu tous les jours à l’audience et fait savoir qu’il sera là jusqu’à la fin. Le verdict est attendu vendredi soir. 


Aurélie SARROT

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