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La kalachnikov, une arme en vogue chez les voyous français

Le fusil d'assaut d'origine soviétique est l'arme prisée des voyous français. Désormais, c'est la version chinoise en provenance de Libye qui fait son apparition sur le territoire.

Le Monde

Publié le 02 décembre 2011 à 20h25, modifié le 02 décembre 2011 à 20h46

Temps de Lecture 4 min.

Lot de kalachnikovs placées sous scellés à Marseille le 1er décembre 2011, suite à une série d'enquêtes de police pour parvenir à démanteler un réseau de trafiquants.

Deux attaques à main armée en 24 heures dans l'agglomération marseillaise en début de semaine. Deux malfaiteurs tués et un policier gravement blessé. Un point commun entre ces deux faits divers, l'arme employée. Des fusils d'assaut de type kalachnikov. Les plus répandus au monde. Une arme de guerre d'origine soviétique éprouvée par les guérillas du monde entier, prisée par les terroristes et les mafias. En France, cette redoutable pétoire du 20e siècle, autrefois l'apanage des braqueurs professionnels, est désormais aussi entre les mains de délinquants et de trafiquants de moindre envergure. Car les malfaiteurs qui ont ouvert le feu sur les policiers dans la nuit du dimanche 27 novembre au lundi 28 novembre n'étaient pas des professionnels aguerris, mais des petits voyous inexpérimentés qui braquaient sans méthodologie un supermarché et un magasin de bricolage. Un grand écart entre les armes utilisées et un butin dérisoire, composé notamment de produits alimentaires surgelés. La kalachnikov ou l'arme de la misère et des grands crimes…

MAFIAS D'EUROPE ET D'AILLEURS

Le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, pointe une "généralisation des kalachnikovs" qu'il faut "éradiquer du circuit". Le "circuit" évoqué puise sa source dans les Balkans. Depuis la chute du mur de Berlin et la disparition du monde bipolaire, les stocks d'armes soviétiques irriguent les mafias d'Europe et d'ailleurs. "L'arc balkanique, où règne depuis longtemps la 'gun culture' et où les hommes conservaient à leur domicile leur arme de dotation après leur service militaire, a donc connu une forte multiplication des filières d'approvisionnement dans les années 1990", a écrit l'officier de gendarmerie Jean-Charles Antoine dans la revue Questions internationales. Et ce doctorant en géopolitique d'ajouter : "Ces filières se sont internationalisées et certaines de ces armes ont été retrouvées dans les milieux criminels de France, d'Allemagne ou des Pays-Bas".

La libre circulation dans l'Union européenne a naturellement profité à ces trafiquants qui transportent les armes le plus souvent par la route. "On n'est pas sur des gros trafics de milliers de fusils d'assaut trafiqués dans des sortes de go-fast de kalachnikovs", tranche un policier en exercice. "Cela peut être un émigré de retour dans son village pour l'été, qui ramène sur le territoire français une ou plusieurs kalachnikovs pour la vente. Bien sûr, il y a des réseaux très structurés", ajoute-t-il. Ce qui complexifie le travail d'enquête, d'identification et d'interception des policiers français.

"PILLAGE DES ARSENAUX LIBYENS"

Pour le criminologue Alain Bauer, la France connaît sa troisième vague d'importation illégale d'armes de guerre. La première remonte à la période de la Résistance avec une partie de l'armement ensuite récupérée par le grand banditisme. Il explique la suite : "Après le pillage des arsenaux albanais dans les années 1990, qui marque une profusion de la kalachnikovs, on assiste aujourd'hui au pillage des arsenaux libyens depuis la chute de Mouammar Kadhafi", observe cet expert.

Ces kalachnikovs libyennes sont en fait des copies chinoises importées en son temps par Kadhafi et aujourd'hui écoulées par des trafiquants en Europe et en Afrique."On en trouve de plus en plus en France et elles sont vendues à moins de 1 000 euros", indique M.Bauer.

Depuis l'effondrement de l'URSS, les voyous français n'ont plus vraiment de mal à se procurer des kalachnikovs, rapportent les spécialistes. Un avocat partage sa surprise lorsqu'un de ses clients lui a confié sa méthode pour s'en procurer : "Il avait acheté sa kalachnikov sur un site Internet russe qui livre en pièces détachées et en plusieurs paquets envoyés à intervalles irréguliers." Cette arme est aussi réputée pour sa simplicité mécanique et sa facilité à être démontée.

400 À 500 EUROS, VOIRE LA MOITIÉ POUR LES KALACHNIKOVS CHINOISES

En France, une kalachnikov déjà utilisée se négocie entre 400 et 500 euros. Neuve, le prix se situe autour de 2 000 euros. Mais l'apparition récente de kalachnikovs chinoises en provenance de Libye diviserait par deux ces tarifs. Autrement dit, une bouchée de pain pour des trafiquants de drogue ou des braqueurs. Et un prix accessible à des jeunes malfrats. Autrefois privilège des "équipes" de voyous professionnels et expérimentés, ces fusils d'assaut se sont considérablement démocratisés. Il est plus facile de s'en procurer et les prix baissent.

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Il n'existe pas de statistiques officielles sur la circulation de kalachnikovs sur le territoire. Mais les saisies constituent un indicateur. En 2009, les forces de l'ordre ont saisi 1 487 armes à feu toutes catégories, contre 2 710 l'année suivante. Et depuis le début de l'année 2011, près de 3 355 armes à feu ont été saisies, dont près de 380 armes de guerre, indique l'AFP. Dans les Bouches-du-Rhône, la préfecture de police a calculé la proportion de fusils d'assaut parmi les armes à feu saisies cette année. Il en ressort que les kalachnikovs représentent un quart des armes saisies depuis début 2011.

Pour Frédéric Lagache du syndicat de police Alliance, les forces de l'ordre n'ont actuellement pas les moyens nécessaires pour endiguer cette "prolifération" de kalachnikovs. Selon lui, ce qu'il manque, pour réduire l'avance des criminels, "c'est une véritable police de renseignement sur la criminalité organisée qu'il faudrait mettre en place pour enquêter en amont et anticiper sur leurs actions". Un service qui existe à Paris, où une section de la direction du renseignement se consacre entièrement à ces missions. "Mais pas dans les grandes villes de province", déplore M. Lagache. Un constat partagé par M. Bauer qui conseille le président de la république sur les questions sécuritaires : "Il y a une très faible organisation du renseignement de terrain en France. C'est un des enjeux de la sécurité publique."

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