AboDécès de Michel BühlerCamarades, proches et amis ont entonné leur adieu à «Bubu»
Politiciens, chanteurs, artistes, habitants de Sainte-Croix sont venus en nombre, ce mardi, rendre hommage au musicien disparu au cours d’une cérémonie émouvante.

«Tu n’as jamais aimé être un porte-étendard. Et pourtant tu le sais, tu as mis en mouvement des milliers d’hommes et de femmes.» Ils n’étaient pas aussi nombreux, mais c’est tout de même plusieurs centaines, amis, proches ou simples admirateurs, le «camarade» Josef Zisyadis en tête, que Michel Bühler a fait converger vers son village de Sainte-Croix, ce mardi en début d’après-midi.
Pour dire un dernier adieu à l’artiste décédé une semaine plus tôt, tous avaient rendez-vous au temple. Au temple, oui… «Bubu» en personne savait que son souhait de les rassembler en ces lieux avait quelque chose «d’usurpé» vu son rapport plutôt distant à la religion. «Mais quelqu’un d’aussi spirituel que toi ne peut être que bienvenu ici», a souligné le pasteur Jean-Christophe Jaermann, histoire de couper court à toute mauvaise interprétation.
Émotion profonde
De fait, les interprétations ont surtout été musicales. À commencer par cet instant où le temps s’est arrêté et où la voix du poète entonnant son «Matin d’automne» s’est élevée dans l’église comble, tandis que les dernières personnes cherchaient encore à y prendre place. Et puis, alors qu’ils s’asseyaient, surgit cette émouvante «Chanson de l’attente (et du confinement)». Un texte écrit pour Anne Crété, son épouse, sa «Nanou» au moment où la pandémie les avait tenus éloignés, lui à Sainte-Croix, elle à Paris.
En la cherchant du regard, pour lui adresser un sourire de soutien en cet instant si particulier, si prenant, si intense, le public a sans doute croisé celui, photographique, de son «Bubu». Calé sur un tréteau, le portrait jouxte le cercueil de bois clair sur lequel ont été déposés des fleurs, bien sûr, mais aussi une bouteille de vin rouge et un verre, rappelant s’il en était besoin que le chanteur était un bon vivant.
«Je perds un ami, mais la Suisse perd une conscience, elle qui en manque tant.»
Les hommages divers, sincères, touchants se sont succédé. En musique et en chansons pour Sarclo, Eric Frasiak ou Gaspard Glaus. Ou par le texte pour Josef Zisyadis, Paul Schneider au nom des habitants de Sainte-Croix, ou Nago Humbert, fondateur de Médecins du monde Suisse. Pendant plus d’une heure, ils ont tour à tour rappelé combien la poésie de Bühler était parfois tendre, parfois mordante. Et combien il avait l’humanisme et l’humanité chevillés au corps, en évoquant ses combats internationaux – la Palestine, les migrants – comme ses luttes locales – la débâcle HPI en 1984 –, qui attestent de sa grande disponibilité pour les démunis, les laissés-pour-compte et surtout pour toutes les causes justes à ses yeux. «Je perds un ami, mais la Suisse perd une conscience, elle qui en manque tant», a conclu, des sanglots dans la voix, mais sous les applaudissements Nago Humbert.
D’autres amis avaient tenu à être là, mais n’ont pas pris la parole. Comme Henri Dès, comme Fernand Cuche, comme Barrigue ou comme Jean-Philippe Rapp, qui parle sur le parvis de l’église d’un «être exceptionnel», tout en soulignant qu’en cette triste après-midi de novembre «il fait très froid dans mon cœur».
Chants et bis
Tant d’hommages, tant de mots, qui disent ce qu’il laisse dans le cœur des gens, dira Anne Crété: «Si tu voyais ça aujourd’hui, tu serais vraiment étonné. Mais tu serais heureux et flatté, modestement flatté.» Avec élégance, force et dignité, elle a résumé leur amour trentenaire: «Je suis tombée dans tes bras en 1992, tu t’es écroulé dans les miens en 2022. Trente ans d’amour, c’est court, mais tu me laisses tes amis, ta voix, ton vieux pull en laine bleu, tes livres et tes chansons.»
C’est du reste l’une de ses dernières œuvres qui a sonné le glas de cette cérémonie, l’assistance reprenant en chœur le refrain de «Chanter» (c’est vivre un peu plus). Avant de se lever comme un seul homme pour bisser comme à la fin d’un concert réussi. Le concert de toute une vie.
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