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Marie*, une jeune cadre d’une grande entreprise française, se voit confier la gestion d’une équipe, jusque-là encadrée par un homme sur le point de prendre sa retraite. Avant de partir, il prend soin de lui transmettre quelques « bons conseils » : « Fais attention, garde tes distances avec les membres de l’équipe, surtout qu’il s’agit en majorité d’hommes ! Ne les laisse pas commencer à te tutoyer. Et gare aux relations informelles : ne prends pas de verre avec eux, tu perdrais leur respect. Fais aussi attention à garder certaines informations pour toi, pour ne pas te mettre en position de fragilité. » Marie, qui a peu d’expérience dans le management d’équipe et manque de confiance en elle, débute ainsi sa mission en suivant les conseils de son prédécesseur. Très vite, elle se rend compte de sa difficulté à garder ses distances avec les membres de son équipe. Marie est d’un naturel plutôt chaleureux et jovial. Aussi, ses collaborateurs perçoivent très rapidement une sorte de dissonance entre sa nature et sa posture. Croyant à l’expérience de son prédécesseur, elle persiste néanmoins à vouvoyer ses collaborateurs et à ne pas entretenir de relations informelles avec eux. Un malaise s’installe progressivement, jusqu’à générer chez certains une méfiance vis-à-vis de leur nouveau leader. La dissonance cognitive étant difficile à tenir dans la durée, Marie se décide à tomber le masque et à être elle-même. Le tutoiement et des relations plus informelles s’établissent – des pratiques alignées avec sa personnalité. Elle se retrouve en position de coach et de soutien à son équipe. Le respect de ses membres ? Elle le gagne ce jour-là.

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Un leadership authentique

Cet exemple témoigne de l’enjeu de l’authenticité dans les relations. Les recherches scientifiques soulignent ainsi qu’un leadership authentique génère de la confiance et encourage la communication ouverte. Elles montrent aussi qu’être aligné avec ses valeurs est essentiel dans l’atteinte du bien-être eudémonique (la dimension eudémonique du bien-être envisage le bien-être au travers de la réalisation de soi et de son plein potentiel, elle s’inspire de la conception classique d’Aristote, le père de « l’eudemonia » : les individus les plus heureux sont ceux qui sont le plus en accord avec leur « daïmon », leur « vrai-soi »).

Ainsi, les compétences clés du manager aujourd’hui doivent être techniques mais surtout de plus en plus interpersonnelles. Ces nouvelles aptitudes émergent en réponse à un bouleversement dans l’approche classique du management, comme par exemple une remise en cause de la « culture du chef » et du modèle pyramidal, ou encore la réhabilitation de la dimension émotionnelle du travail. Elles constituent aussi des compétences nécessaires dans un monde professionnel de plus en plus digitalisé et empreint de technologie, dans lequel les nouvelles formes de travail, telles le télétravail et l’économie de plateforme, modifient en profondeur la nature des liens sociaux en entreprise. Par ailleurs, ces aptitudes sont aussi sollicitées par les collaborateurs eux-mêmes, en quête de plus d’autonomie et de responsabilisation pour mener à bien leurs missions. De nombreuses études montrent combien l’autonomie au travail est vecteur de bien-être.

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L’acquisition de ces compétences – appelées aujourd’hui, en Europe comme en Amérique du Nord, les soft skills est au cœur du développement personnel. Cela signifie que l’individu va devoir développer une expertise forte en matière de connaissance de soi et de relation à l’autre.

Du développement personnel

Néanmoins, de nombreuses voix s’élèvent contre cet engouement pour le développement personnel en entreprise, dénonçant à la fois une dictature du bien-être dans nos sociétés contemporaines, un nouvel instrument d’exploitation des travailleurs, ou une intrusion de l’entreprise dans la vie privée des individus. Ces approches critiques contribuent à mieux cerner ce que devrait être le développement personnel pour des managers :
– une démarche d’amélioration choisie, ouverte, bienveillante et sécurisante ;
– un cheminement individuel, continu, évolutif, selon la maturité, la culture et les besoins de chacun ;
– un projet dépassant le simple développement du « soi » pour développer son « intériorité citoyenne » et trouver sa place au sein de la communauté.

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Cette réflexion sur les soft skills constitue une transition importante vers un changement de posture dans la formation au métier de manager. En effet, ces qualités sociales et relationnelles ne peuvent s’apprendre sur la base d’une approche pédagogique normative, mais demandent de se tourner davantage vers une approche pédagogique réflexive Le choix des dispositifs pédagogiques est vaste et leur adaptabilité illimitée : séminaires, cours dédiés, ateliers de coaching, carnets d’introspection… Leur mise en place doit permettre de former les dirigeants à saisir ce changement comme une opportunité et viser à renforcer leur conscience d’eux-mêmes dans l’action et la relation à l’autre, à développer leur capacité à se former et à s’auto-développer en permanence et en toute autonomie, ainsi qu’à stimuler leur flexibilité cérébrale pour savoir déconstruire et reconstruire leurs schémas mentaux.

Une formation réflexive

Les managers doivent ainsi travailler sur le décryptage et l’analyse de leurs propres comportements et croyances. Le développement de la réflexivité en formation peut se baser sur l’analyse d’expériences passées, soit professionnelles, soit personnelles, pour faire ressortir des patterns, des situations récurrentes, qui ne demandent qu’à être analysés pour être transformés en apprentissage. Test de positionnement, atelier d’erreurs, coaching, codéveloppement, prise de conscience de phénomènes de projections et de biais cognitifs ainsi que des croyances sous-jacentes, techniques empruntées à la programmation neurolinguistique, à l’analyse transactionnelle ou encore à la communication non violente… Autant de techniques (la liste n’est pas exhaustive) qui peuvent être mobilisées et qui doivent être adaptées au parcours, aux objectifs et à la maturité des participants, toujours accompagnées d’un professionnel. A titre d’exemple, voici l’extrait d’un travail d’un jeune manager qui, au bout de plusieurs séminaires de développement personnel, a été invité à s’adresser une « lettre de félicitation » : « M’écrire ces quelques lignes me permet de prendre du recul sur ma situation, mon parcours. Cette prise de recul me fait du bien puisqu’elle met des mots sur des sentiments, sur des choses qui m’ont affecté et qui finalement m’ont changé : un jour j’ai eu ce déclic qui m’a fait prendre conscience que ce que j’étais n’était pas ce que je voulais être. »

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La légitimité et l’assertivité des managers auprès de leurs équipes viendront en partie du regard qu’ils ont sur leurs propres capacités et leur aptitude à s’accepter tels qu’ils sont. Leur propension à déléguer (si souvent enseignée) sera confrontée à leur capacité à faire confiance, à leur besoin de contrôle et plus profondément aux croyances qu’ils ont sur les autres. Autant de compétences qui permettront aux managers de toujours se questionner pour mieux s’adapter aux différentes situations professionnelles qu’ils rencontreront.

Alors que l’enseignement des compétences sociales est un sujet polémique, les experts semblent unanimes sur l’importance de la connaissance de soi pour améliorer la relation à l’autre. Le développement personnel doit être pleinement intégré dans les formations au management. Peut-être même faut-il élargir le spectre de la réflexion et s’interroger sur sa place dès le plus jeune âge. Car, comme le souligne Stanislas Dehaene, neuroscientifique et titulaire de la chaire de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France : « L’école en France n’est pas suffisamment bienveillante et n’apprend pas assez les soft skills comme la confiance en soi, ou la capacité à coopérer avec les autres. » Or leur développement requiert ainsi un apprentissage spécifique, et sans cesse renouvelé.

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*Le nom a été changé, mais les faits sont réels.

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