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Princesse Delphine : "Mes enfants ont rencontré leur grand-père, c'était très émouvant"

La princesse Delphine de Saxe-Cobourg arbore le ruban de la 7e édition du ruban Pink Ribbon, pour la prévention du cancer du sein.
La princesse Delphine de Saxe-Cobourg arbore le ruban de la 7e édition du ruban Pink Ribbon, pour la prévention du cancer du sein. © Noortje Palmers pour Pink Ribbon
Emmanuelle Jowa , Mis à jour le

Ses enfants ont été présentés à Albert II, comme Delphine l’a confié en primeur à Paris Match Belgique. Mais, à quelques jours de sa grande expo dans le nouvel et troisième espace de la galerie Guy Pieters de Knokke, sous son nom d’artiste, Delphine, la fille du roi Albert évoque sa nouvelle tranche de vie qui, fondamentalement insiste-t-elle, n’a pas changé. 

Dans un entretien exclusif à Paris Match Belgique, elle évoque l’impact de cette reconnaissance de filiation. La fin du port d’un secret de famille pesant, a engendré chez elle un regain de confiance, d’énergie créative. Elle parle de son travail d’artiste, auquel elle consacre plus de temps que jamais. Et ces actions caritatives qu’elle soutient de façon ciblée. Elle mentionne aussi ses relations avec la famille royale, ces liens du sang qui prennent aujourd’hui une autre dimension. S’il est prématuré de tirer des plans, et si Delphine a toujours refusé de « faire du Walt Disney », on a le sentiment, en l’écoutant, que, décidément, “Love is in the air”.

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Delphine travaille d'arrache-pied. Chaque minute compte. Ce n’est pas neuf. Cela fait des années que nous la connaissons acharnée, le métier chevillé au corps. Vêtue d’une salopette ou d’un jean taché de peinture, les manches littéralement retroussées. Le “mood” est identique aujourd’hui. Mais le rythme s’est encore accéléré. Elle fonctionne montre en main. Plus que jamais. Elle est en plein bouclage du catalogue de l’expo chez Guy Pieters à Knokke, avec, lequel elle travaille depuis 2008. Sur le site de la galerie, son nom apparaît, entre de grands noms des arts plastiques – Wim Delvoye, Jan Fabre, tant d’autres. Il y a la signature, Delphine toujours. Et puis le nom complet, parmi les autres créateurs qui ont exposé chez Guy Pieters. Il est écrit en flamand : van Saksen-Coburg Delphine. Sur la bio du site, elle est présentée comme une « non conformist statement artist ».

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Le titre de princesse qu’elle porte désormais, ce lien légitime et reconnu, fille d’Albert II, n’a jamais été un atout dans les métiers de l’art. Elle sait pertinemment que son destin repose en ses mains. Une forme de « positive thinking » qui frise parfois la monomanie. Sa vie est rythmée par les rituels exigeants. Discipline permanente pour elle et ses enfants. « Never give up » - Ne jamais abandonner : c’est le titre d’un de ses slogans, une règle d’or qu’elle applique au quotidien. 

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Ruban rose et amour toujours

“La princesse Delphine de Saxe-Cobourg dévoile la 7e édition du ruban Pink Ribbon” Il y a deux ans encore, ou quasi, l’intitulé aurait semblé irréel. Sa signature, celle d’une “Love Line” imprimée sur le fameux ruban rose, une signature artistique importante de son œuvre : The love line – la ligne de l’amour ».

L'amour est un élément récurrent dans le travail de Delphine. On songe par exemple à ce tableau intitulé « Flexible Love Machine ». Un programme en soi.

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Parmi les œuvres qu’elle propose dans la nouvelle salle de la galerie Guy Pieters, il y a ces miroirs à l’encadrement de style Empire où est gravée la phrase « I love you ». “J’ai une série de peintures autour du mot “love” », nous dit Delphine. Ce mot que j’écris constamment sur toutes les surfaces pour me rappeler l’amour de la vie, et me souvenir aussi de m’aimer moi-même pour mieux transmettre cette amour, pour qu’il soit contagieux. Et contribuer à ma manière, je l’espère du moins, pour un monde meilleur. »

“No more blabla” traduit la prolongation d’un concept: ce rejet féroce des bruits de couloir, des potins nocifs, des chuchotements à son propos qu’elle maudissait enfant. “Le blabla, les potins, les ragots peuvent être vraiment destructeurs . Les thèmes que je traite sont similaires. Dans mon tableau “No more blabla”, je transforme le positif en négatif. Si vous regardez la peinture de près, vous y voyez ne explosion de couleurs joyeuses, comme des confetti… »

Il y a les sculptures d’un mètre, dont le fameux “Blabla”. On remarque ici, dorée aussi, “Truth can set you free”. Toujours cette obsession de la vérité, le culte d’une certaine transparence. “Les fake news peuvent détruire la réputation de quelqu’un. » 

On repère encore ces allusions directes aux médias, à ces trains qui n’arrivent pas à l’heure. Du sang, des larmes, de la boue parfois. “J’ai décoré une série de journaux censés représenter ces “bad news” dont on nous abreuve non-stop. J’ai voulu transformer ces mauvaises nouvelles en bonnes nouvelles : “Beautifying the press » . Dont cette page du New York Times, peinte, retravaillée, colorisée sur un mode naïf. Un cactus vert pétant fleurit ainsi entre les colonnes du quotidien.

 

I love you, no more blabla. Nouvelle expo de Delphine dans le nouvel espace, le 3e, de la galerie de Guy Pieters Gallery. Knokke. Du 8 au 21 novembre 2021. Zeedijk 755, 8300 Knokke-Heist – www.guypietersgallery.com - 050 61 28 00

(*) Pink Ribbon finance aussi les projets du Fonds Pink Ribbon. Ceux-ci visent l’amélioration du traitement médical et de la qualité de vie des personnes touchées par le cancer du sein et de leur entourage. Le Fonds Pink Ribbon est géré par la Fondation Roi Baudouin. www.pink-ribbon.be

Delphine de Saxe Cobourg au côté de Rosette Van Rossem, créatrice et administratrice de l'association Pink Ribbon
Delphine de Saxe Cobourg au côté de Rosette Van Rossem, créatrice et administratrice de l'association Pink Ribbon © Noortje Palmers pour Pink Ribbon

Vous avez récemment customisé une voiture de course avec l’inscription « Never give up » (N’abandonnez jamais), un de vos thèmes emblématiques : la Lamborghini Huracán du jeune pilote belge Esteban Muth qui participait cet été au championnat allemand Deutsche Tourenwagen Masters (DTM) sur le circuit de Zolder. Vous avez également conçu une collection de robes ornées de certains de vos motifs et slogans. C’est plutôt novateur pour un membre d’une famille royale.
Delphine de Saxe-Cobourg. J’ai décoré sa voiture avec mes poèmes. Ce qui m’a fait plaisir, c’est qu’avec cette notoriété maintenant publique, reconnue légalement, légitime donc, je peux appuyer l’action de certains jeunes, les aider à poursuivre leur rêve. Ce pilote, qui a tout juste 19 ans, poursuit une carrière très compliquée et doit renoncer à une vie normale. Ce jeunes doivent sacrifier toute une partie de leur vie pour tenter de percer dans leur projet.

 

Ce sont aussi des sports d’argent. Ils doivent réunir des fonds importants, c’est un autre type d’énergie à déployer…
Ça c’est un autre volet. Mais ce que je vois surtout, c’est qu'ils doivent, pour réussir, mettre beaucoup de choses de côté. Ils n'ont pas le temps d‘avoir une vie privée, ils doivent renoncer à tant de choses pour réussir leur rêve et ça, j'y crois profondément. Ce type de carrière peut susciter beaucoup de jalousie, de l’envie. Mais ils doivent poursuivre leur ligne coûte que coûte. J’admire beaucoup ce genre de parcours.

 

Il y aussi cette compétition qui oblige à se dépasser.  
Ce n’est pas ce qui retient le plus mon attention. Je vous dirais que, personnellement, les voitures ça ne me dit rien. Pour moi, c’est un truc en fer qui m’emmène d’un endroit à un autre, au départ, je n’en ai franchement rien à faire ! Mais quand je sais combien ils doivent vivre dans la discipline et mettre tant de côté de leur vie pour réussir, ne pas abandonner, cela me touche. C’est un exemple.

Ce type de vie, faite de persévérance et d’une forme d’ascèse, où l’on fait souvent une croix sur une partie de sa jeunesse, vous vous y reconnaissez ?
C’est aussi le propre de professions comme la médecine, la magistrature, tant d’autres… Je suis d’ailleurs très fière d’avoir l’honneur de remettre tous les deux ans une sculpture récompensant le lauréat du Prix de la Faculté de droit et de criminologie de l’Université libre de Bruxelles. Ce qui m’a particulièrement intéressée dans ce Prix prestigieux, créée en 2018, c’est qu’il ne récompense pas simplement un étudiant qui a réalisé une« brillante carrière » mais plutôt celui qui a « par son activité professionnelle, son engagement citoyen ou politique, contribué de manière remarquable à l’émancipation et la dignité humaines ». Le premier lauréat de ce Prix, Marc Sanda Kimbimbi, par exemple, a passé toute sa vie comme représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés dans de nombreuses régions, principalement d’Afrique, en proie à des conflits armés, des attaques xénophobes, à la famine ou à d’autres crises humanitaires. Lui non plus n’a jamais abandonné...

 

"L'amour est un élément récurrent dans le travail de Delphine."
"L'amour est un élément récurrent dans le travail de Delphine." © Noortje Palmers pour Pink Ribbon

 

Vous avez beaucoup utilisé le mot “taboo” dans vos œuvres. Un tabou est tombé dans votre vie. Un éclairage neuf, sain baigne désormais votre quotidien. Quels sont aujourd’hui à vos yeux les tabous majeurs dans la société ?
Oh il y en a sans doute une série. Mais ce qui me vient spontanément à l’esprit c’est la maladie, le cancer en particulier. La maladie peut faire peur, en parler peut être un tabou. C’est quelque chose qui nous appartient et qu’il faut respecter bien sûr. Tout le monde n’a pas envie de communiquer là-dessus. Mais il faut pouvoir en parler aussi, pour éviter d’isoler la personne qui traverse la maladie. Les choses évoluent bien dans ce sens, mais pas encore suffisamment. Il faut qu’on puisse vivre ouvertement une maladie, quelle qu’elle soit. Sauf bien sûr si le malade n’en a pas le souhait.

 

Parmi les actions/causes auxquelles vous avez apporté votre soutien récemment, il y a notamment Pink Ribbon (*), association nationale vouée à la lutte contre le cancer du sein. Vous avez apporté votre patte à la nouvelle campagne en personnalisant le7e ruban de l’organisation, millésimé 2021. Vous y avez apposé l’un de ses sceaux personnels : la love line, qui fait partie intégrante de votre travail. « Love is what we all need”, dites-vous.
L'amour dans son sens le plus générique me transporte. Amour dans le sens de soutien, écoute, empathie, de s’aimer soi-même pour mieux aider les autres. On peut résoudre tant de choses grâce à ce sentiment. C’est particulièrement crucial dans le cas d’une maladie. Le cancer du sein reste le plus fréquent chez les femmes en Belgique, touchant une femme sur neuf en moyenne. Il a un impact très lourd sur divers pans d’une vie. Ce qui me touche le plus, c'est le sentiment de solitude que les malades peuvent ressentir. Lors de la crise sanitaire, les personnes frappées par un cancer ont été, par la force des choses, souvent plus isolées encore que la moyenne de la population. Le dialogue, les échanges, la communication sont brisés. Il faut lutter contre l’angoisse et la solitude.

 

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Si je vois que mon travail caritatif commence à empiéter sur ma vie familiale si je néglige mes enfants, alors je suis obligée de refuser certaines propositions. 

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En décembre dernier, vous avez lancé, à l’hôpital universitaire de Gand, la fondation caritative qui porte votre nom. Dirigée par la professeure Tessa Kerre, docteur en hématologie, et dont vous êtes présidente d’honneur.
Cette Fondation essaie d’intégrer de l’art à l’hôpital. Les patients ont besoin d’énormément d’attention et d’écoute. Ils ont besoin de bien-être. L’art peut y contribuer, j’en suis convaincue. Comment introduire l’art dans les hôpitaux au bénéfice de la personne qui traverse une maladie. Dans le respect du patient et bien sûr du personnel soignant. L’art est dans les bureaux, dans le métro, par exemple je ne vois pas pourquoi il n’entrerait pas dans les hôpitaux. C’est quelque chose qui me tient profondément à cœur.

Vous nous avez dit être inondée de propositions de la part d’œuvres caritatives. Comment gérer ces demandes ?
Je les choisis avec soin. Je suis tout particulièrement sensible aux organisations qui viennent en soutien aux malades car si on a la santé, on peut reconstruire. Mais j’ai encore besoin de recul car depuis cette reconnaissance officielle de ma filiation, les propositions affluent. Je dois pouvoir évaluer les projets à tête reposée. Mes amis se plaignent de ne plus me voir, même pour un café. Certains croient que je les snobbe… C’est évidemment faux ! Il y a tant de projets à boucler. Et ce qu’il me reste comme temps, je le consacre à ma famille. La charité commence à la maison mais si je vois que mon travail caritatif commence à empiéter sur ma vie familiale si je néglige mes enfants, alors je suis obligée de refuser certaines propositions. 

 

Le fait de devoir vous protéger après ce happy end engendre donc parfois de nouvelles barrières ?
Pour certains, mon statut crée des distances. Tout à coup ils se disent que j’ai changé, que je ne suis plus du tout humaine ! Mais c’est dans leur tête, je vous assure ! Vous savez que je n’ai pas changé d’un iota! Mais il est vrai que cela crée un isolement, une solitude car les gens se disent : mon dieu, elle ne peut pas être comme avant ! Pendant ces années cela a été assez lourd. Maintenant on n’en parle plus et on continue notre petit bout de chemin. Je vous ai toujours dit aussi que le titre ne nous impressionnait pas. Pour nous, les choses se sont installées tout naturellement.

Vous aviez été fustigée par certains lors de l’officialisation de votre titre. D’autres sont venus vers vous vous féliciter de votre combat pour les enfants en quête d’identité. Comment le grand public vous perçoit-il aujourd’hui ?
Depuis la reconnaissance, les échos sont positifs dans l’ensemble. J’ai droit à beaucoup de respect. J’ai des commentaires de gens qui me disent être heureux de voir une belle fin à cette histoire assez compliquée et un peu tristounette. Beaucoup me disent aussi que ça leur a donné beaucoup d’espoir, en particulier dans le contexte d la crise sanitaire qui a suivi de peu hélas.

En termes médiatiques, sur la scène internationale, avez-vous été mieux ou moins bien traitée qu’avant la reconnaissance ?
Vous savez, je refuse la plupart des demandes d’entretien qui me sont proposées, même par des titres mondialement reconnus. Et j’essaie de ne pas trop lire. J’ai beaucoup trop de travail pour ça.

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 J’ai beaucoup aimé le contact avec Astrid, j’éprouve énormément de sympathie pour elle. C’est ma soeur, ça se voit.

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Avez-vous des échanges avec la famille royale concernant vos activités sociales notamment ?
Non. Nous n’avons pas ce type d’échange. Comme vous le savez, je n’ai pas de dotation. J’ai une liberté dans le choix des activités bien sûr et j’ai mon métier avant tout, auquel je tiens plus que tout. Je n’ai pas le même rôle que mes frères et sœur dans ce sens. J’ai sans doute plus de liberté et d’indépendance. J’ai une liberté professionnelle et j’ai énormément de travail.

Vous aurez aussi d’autres responsabilités ou challenges prochainement. Ce regain d’énergie, de carburant vous permet aussi d’adhérer et d’appuyer concrètement d’autres causes. Ces nouvelles “fonctions” pourraient-elles encore s’élargir ?
Oui, mais je ne peux pas encore vous en parler.

Vous étiez présente aux cérémonies du 21 juillet dernier. Une sacrée première. Comment avez-vous perçu cette journée, placée sous le signe du deuil, de l’émotion, de la sobriété dans le contexte des inondations meurtrières dont a souffert le pays ?
J’avoue franchement que les circonstances - ces inondations tragiques – étaient tellement puissantes, tragiques que je n’ai évidemment pas ressenti autre chose qu’une énorme tristesse. En revanche, j’ai perçu également une solidarité de la population, une véritable union. C’était terriblement émouvant, tellement « overwhelming ». Face à la situation qui frappait alors les Belges de plein fouet, j’avais la gorge serrée, l’émotion m’a submergée. Regarder aussi ces performances extraordinaires de jeunes stars belges. Je ne sais pas si j’étais particulièrement sensible ce jour-là mais j'ai le sentiment que le contexte de la pandémie a donné à ces artistes aussi plus de force encore. On sent que cette force venait de leurs tripes. De même le défilé et les images de toutes ces femmes et ces hommes – militaires, services de secours, police, soignants...- qui se sont investis corps et âme dans la crise sanitaire m’ont bouleversée. C’était une journée vraiment spéciale. Et tout cela a contribué si j’ose dire à ce que ma présence apparaisse comme normale. Avoir pu partager ces moments aux côtés de mes frères et sœur dans la tribune est inoubliable. Je pense que ces circonstances tragiques ont épargné un crique médiatique, tout un tralala autour de ma présence. Du moins c’est ainsi que je l’ai ressenti. Mon souhait a d’ailleurs toujours été que les choses entrent dans une normalité petit à petit.

Vous avez côtoyé à cette occasion votre fratrie. Avez-vous pu avoir un échange avec le roi Philippe ?
La journée était très intense et ne se prêtait pas aux échanges. Vous savez c’était une grosse journée de travail pour eux, pour tous! Ils bossent ! Le contexte officiel, surtout en ces circonstances, n’est évidemment pas détendu. Ce n’était ni le lieu, ni le moment pour se lancer dans de grandes conversations. Mais mon frère m’a adressé de gentils sourires et des mots bienveillants.

Vous nous avez dit avoir eu notamment un excellent contact avec Astrid. Vous expliquez que vos échanges ont été fluides, comme instinctifs.
J’ai beaucoup aimé le contact avec Astrid, j’éprouve énormément de sympathie pour elle. C’est ma soeur, ça se voit. Les choses se sont mises en place plus naturellement qu’on aurait pu l’imaginer. Est-ce que c’est le sang, je ne sais pas. C’est très étrange mais c’est une réalité. 

 

La princesse Astrid a, comme votre père, une aisance dans tous les contextes, une grande faculté d’adaptation. C’est un trait que vous avez apprécié aussi ?
Il se dégage de ma sœur une énorme gentillesse, de la douceur. Son mari Lorenz aussi est très sympathique... Jim s’est bien entendu avec lui également.

Avez-vous ressenti cela lorsque vous avez revu le roi Albert, une forme d’instinct de la chair ?
Oui. Il n’y a rien à faire, c’est inexplicable. Quand j’ai revu mon père, après pourtant de longues années, j’ai senti aussi que quelque chose se passait physiquement. Et c’est ce que j’ai vécu avec mes frères et ma sœur. Le contact s’est fait tout naturellement, il a été très simple. Ce n’était pas coincé.

Avez-vous déjà en tête un “agenda” familial. Des projets pour l’un ou l’autre événement que vous partageriez ?
Une fois encore, tout le monde travaille beaucoup. Moi aussi. Personnellement, j’ai négligé mes amis et n’ai pas pris de vacances. Mais les choses se feront petit à petit, naturellement. Si on se retrouve tel jour pour aller manger une glace, ça doit rester privé. Quand on reconstruit, ça prend du temps. Mais l’évolution est positive. Je suis de mon côté très active, je prépare l’expo et j’ai d’autres projets. C’est moi qui ne cherche pas le contact pour l’instant. En tout cas j’apprécie beaucoup Philippe, Astrid et Lorenz. C’était tellement réconfortant de rencontrer mes frères et ma sœur après autant d’années et d’une manière finalement aussi naturelle.

"Ce travail d’artiste est un vrai boulot, à prendre au sérieux, comme toutes les professions. Je travaille avec d’autant plus d’acharnement que je sui libérée justement de ce poids, de cette angoisse, de cette peur" dit Delphine.
"Ce travail d’artiste est un vrai boulot, à prendre au sérieux, comme toutes les professions. Je travaille avec d’autant plus d’acharnement que je sui libérée justement de ce poids, de cette angoisse, de cette peur" dit Delphine. © Noortje Palmers pour Pink Ribbon

 

Laurent, vous le connaissiez déjà.
Oui, je le connaissais depuis longtemps.

 

Le roi Albert était absent lors de la cérémonie du 21 juillet. Avez-vous pu le revoir depuis ? 
Oui. Je peux vous dire que mes enfants ont rencontré leur grand père aussi et que ça s’est très bien passé. Ils étaient très heureux. C’était vraiment très émouvant pour eux. Albert est, comme vous l’avez parfois souligné, quelqu’un d’extrêmement sympathique, il l’a prouvé encore et le courant est bien passé entre eux.

Peut-on parler d’affection instinctive, voire d’amour instinctif dans le ressenti de vos enfants ?
Parler d’amour serait évidemment trop facile, et prématuré. Mais peut-être un jour. Je peux juste vous dire que la rencontre a été importante et que ça s’est bien passé. Ç’aurait pu ne pas être le cas, surtout entre une génération de préadolescents et un couple de personnes plus âgées. Ce n’était pas gagné et ça s’est vraiment déroulé de façon fluide et agréable. Et, le plus important : ils se sont vus.
Vous nous aviez dit dans le passé que vos enfants avaient été très impressionnés par la présentation à l’école du père de Jim, vétéran de la Deuxième Guerre mondiale, largement décoré et qui a combattu l’ennemi allemand sur le sol belge.

Pour la rencontre avec Albert, avez-vous dû en quelque sorte les “reconditionner” en les familiarisant à cet autre grand-père si longtemps absent?
Non. Nous ne parlons pas de tout cela à la maison.

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Les gens me font parfois cette réflexion que je trouve absurde: Ah, vous continuez à travailler ? Comme si désormais j’allais m’asseoir et manger des bonbons toute la journée!

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Les enfants sont souvent des éponges. Pendant des années ils ont dû ressentir, au moins ponctuellement, votre stress, votre souffrance. 
C’est vrai, ils ont vu des choses quand même, ils ont pu, indirectement, vivre ce stress. Mais je leur ai toujours fait partager me valeurs, et elles sont claires : il faut essayer d’aller toujours de l’avant dans la vie et de donner une chance à chacun. Nous sommes au début d’une nouvelle relation familiale, au début d’une reconstruction. Laissez-nous un peu de temps.

 

Avez-vous éprouvé, comme d’autres personnes en quête d’identité, un mélange d’amour et de haine, de fascination et de rejet ?
Peut-être mais je n’ai guère eu le temps d’y réfléchir. Le combat que j’ai mené et mon travail ont capté toute mon énergie et mon attention.

 

Votre carrière a donc été un outil de survie ?
Oui. Je dois sacrifier énormément de choses pour ma carrière. Comme tant d’autres professions. Je songe encore, par exemple, aux médecins ou aux avocats qui se retrouvent face à des dossier gigantesques.

 

Vous avez ce côté “workaholic” déjà évoqué ?
Peut-être. D’ailleurs les gens me font parfois cette réflexion que je trouve absurde : certains me disent: Ah, vous continuez à travailler ? Comme si désormais j’allais m’asseoir et manger des bonbons toute la journée! Ma vie ne consiste pas à assister à des déjeuners mondains où s’échangent des potins. Je préfère me consacrer à fond à mon art, qui est mon métier. Il est fait de deadlines, d’échéances régulières. Ce travail d’artiste est un vrai boulot, à prendre au sérieux, comme toutes les professions. Je travaille avec d’autant plus d’acharnement que je sui libérée justement de ce poids, de cette angoisse, de cette peur.

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 J’ai eu très tôt conscience en tout cas que dans la vie, pour obtenir un bon résultat, il n’y a pas de miracle : il faut s’y mettre 

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Avec, à la clé, une libération du flux créatif ?
Totalement. Ça m’a donné une inspiration débordante car elle n’es plus bloquée par les écueils qu’il a fallu surmonter. Tout est plus fluide, comme si le corps arrivait à mieux bouger, à déployer plus d’énergie, sans cette lourdeur, ces obstacles, qui nous prennent du temps et la tête. J’ai d’autres priorités aussi dans ma vie. Des enfants qui grandissent, qui sont en phase de puberté. Toute cette énergie que j’ai dû mobiliser sur un processus juridique a mangé l’essentiel de ma vitalité. C’était vraiment une période compliquée. 

 

Vous vous êtes aujourd’hui diversifiée, vous avez élargi votre champ d’activité. 
C’est comme s’il y avait, de fait, un débordement d’inspiration, une surabondance de créativité. Le travail sur la voiture, la création de la collection de vêtements, tout cela en effet contribue à une diversification. La collection de vêtements évolue. J’ai plusieurs articles – de la jupe au poncho, en passant par des chemises entre autres – qui sont en phase de production. J’y travaille comme je le ferais sur un tableau. C’est pour moi une façon de rendre l’art vivant.

Un titre comme le vôtre est rarement un atout, soulignez-vous, dans les métiers artistiques, en l’occurrence dans l’art contemporain.
Delphine, artiste et princesse, ce n’est pas un concept facile. Mon background n’est certainement pas un plus dans le monde de l’art, c’est au contraire un gros, gros moins! Ça peut paraître prétentieux mais c’est une réalité. Je dois travailler énormément pour obtenir cette reconnaissance. Cela m’oblige à prouver davantage encore que ceci n’est pas une blague. Ma carrière reste primordiale.

Avez-vous le sentiment de vouloir, à travers votre œuvre, votre accomplissement professionnel, démontrer encore et toujours à votre père que vous avez pu, par vous-même, briser des barrières parfois compliquées ?
Peut-être. Mais avant tout je pense être une femme moderne qui prend son métier très au sérieux. C’est en moi et c’est plus puissant que tout.

Une façon de prouver à votre famille que tout cela vous ne le devez qu’à vous et que vous conservez quoi qu’il arrive la maîtrise, le contrôle de votre vie ?
Peut-être. Mais c’est avant tout pour moi-même que je fais tout cela. Et pour cette passion qui m’anime. Guy Pieters, qui est un immense galeriste international, est très fier de moi artistiquement. Il sait à quel point je me suis battue pour ma carrière. Quand on travaille depuis trente-cinq ans comme moi, les galeristes constatent une évolution. Et elle se poursuit bien sûr. J’ai la chance d’avoir participé à des expos de haut niveau avec d’autres artistes qui sont de grandes stars internationales. J’en éprouve de la reconnaissance mais c’est surtout un stimulant. Je me bats pour être à la hauteur de ces challenges. Par ailleurs, je participe pour l’instant à une expo collective, Aeroplastics à Bruxelles (**) , une galerie très renommée, avec une série d’artistes d’envergure internationale.

 

Ce goût de la discipline est-il lié à votre éducation, le contraire du cliché de l’enfant gâté?
Je ne sais pas si j’ai ça en moi. Mais je sais que les choses n’ont jamais été très faciles pour moi. A l’école notamment. J’étais certainement dyslexique. Depuis toute petite, pour obtenir certains résultats, j’ai compris que je devais travailler beaucoup. Je n’ai jamais tenu les choses pour acquises. J’ai eu très tôt conscience en tout cas que dans la vie, pour obtenir un bon résultat, il n’y a pas de miracle : il faut s’y mettre. On ne peut pas devenir un grand cinéaste si on ne tourne pas, ni un grand pianiste si on ne joue pas au piano presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

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J’ai toujours été la fille de Sybille et d’Albert, c’était ce qui était caché et que je ne pouvais dire. Aujourd’hui, cette vérité soulage

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Voyez-vous ce trait avec le recul comme lié au mensonge familial et à l’insécurité qu’il a provoquée, comme lié aussi à la solitude de l’enfant ?
Sans doute. L’insécurité, je l’ai vécue. Instinctivement, je sais que les choses peuvent changer brutalement. Nous connaissons tous des personnes qui ont perdu leur toit du jour au lendemain. J’ai toujours eu ce sentiment, cette conviction que tout peut arriver. Et que tout peut m’arriver à moi aussi bien sûr. Certains se sentent intouchables, moi non. Donc l’effort, c’est quelque chose que je trouve normal. Je bosse énormément, il faut le faire. C’est à soi de prendre sa vie en main, sans attendre que les autres le fassent sinon on n’arrive nulle part. Quand on fait des efforts, on est souvent récompensé. C’est ce que je dis à mes enfants tous les jours. Je crois très fort à l’action et à l’effort. 

Il y a aussi rappelez-vous l’attitude : un thème récurrent dans votre production.
Oui. Attitude est un mot que j’adore et que j’utilise dans mon art depuis quelque temps. C’était aussi le titre de mon expo en 2020 chez Guy Pieters. L’attitude est cruciale. C’est une façon d’appréhender les choses. J’essaie d'inculquer à mes enfants que derrière tout élément négatif, il y a du positif, c’est une question de travail mais aussi, souvent, de vision. Il y a des manières stimulantes d’envisager la vie. Le bonheur ne tombe pas du ciel. On le construit et on le perçoit soit-même. 

 

Il y avait cette création en 2020, ce tableau baptisé « Fear is not an option ». Une question d’attitude aussi ?
La peur engendre une paralysie. Il faut envoyer les peurs par la fenêtre et voir les choses différemment.

Les champs de votre prochaine expo évoquent encore, indirectement votre vécu, même si c’est dans une autre mesure.
Oui. Globalement, j’ai moins envie d’en parler à travers mon art. En découvrant les nouvelles pièces, certains vont probablement penser que c’est mon histoire mais mes thématiques sont universelles. 

Diriez-vous que vous êtes sortie d’une phase douloureuse ?  
Je me sens vraiment beaucoup mieux mais il faut aussi du temps et de la patience. Il n’y a plus de cachotterie. Ce que je ressens : j’ai toujours été la fille de Sybille et d’Albert, c’était ce qui était caché et que je ne pouvais dire. Aujourd’hui, cette vérité soulage, c’est un véritable processus de guérison qui s’est entamé. Pouvoir parler ouvertement, être moi-même tout simplement, avec mes racines, est une libération. Mais tout cela n’est que normal et reste progressif. Je continue à être Delphine tout en étant la fille de Sybille et d’Albert.

 

(**) Aéroplastics. Expo collective.Jusqu’au 20 octobre, sur rendez-vous 207 VDK | rue Vanderkindere str 207 | 1180 Brussels T (0)2 537 22 02

 

 

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