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"La princesse Elisabeth connaît son futur métier de reine"

En 2019 avec son père, le roi Philippe, lors de son 18e anniversaire.
En 2019 avec son père, le roi Philippe, lors de son 18e anniversaire. © F.Andrieu / Agence Peps/SIPA
Emmanuelle Jowa , Mis à jour le

Après son année à l’Ecole royale militaire, une nouvelle aventure démarre pour la princesse Elisabeth. Le rôle qui l’attend se dessine. Une femme à la tête de l’Etat : la fonction ne manquera pas de défis, dans un pays qui est aussi le coeur battant de l’Union européenne. 

« Élisabeth a été élevée dans une tradition assez européiste. Elle a déjà étudié au Royaume-Uni et a grandi dans une Union européenne plus aboutie », souligne Vincent Dujardin (*). Professeur d’histoire contemporaine à l’UCL, il préside depuis 2008 l’Institut d’études européennes. Ses travaux portent sur l’histoire des institutions belges et sur celle de la construction européenne.

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Il épluche pour Paris Match l’éducation et le parcours de la princesse. Parmi les maîtres mots de la formation de la future reine des Belges : bagage linguistique, ouverture sur le monde, expériences de terrain, connaissance des réalités sociales, humanisme, maîtrise solide du droit et des institutions belges et internationales…

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(*) Spécialiste de la monarchie belge, Vincent Dujardin est professeur d’histoire contemporaine à l’UCLouvain. Il préside depuis 2008 l’Institut d’études européennes. Ses travaux portent sur l’histoire des institutions belges et sur celle de la construction européenne.

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Paris Match. Elisabeth personnifie en partie l’avenir du pays. La durée de sa formation à l’Ecole royale militaire (ERM) peut-elle surprendre ?
Vincent Dujardin. On aurait pu imaginer qu’elle fasse un stage de quelques mois à l’armée en passant dans les différentes composantes après sa formation universitaire. Ici, ce fut l’inverse. Traitée sur le même pied que tous les autres étudiants, elle a fait les mêmes exercices et les mêmes examens durant toute une année. Sur le plan physique aussi. C’était du sérieux, mais on sait qu’elle est sportive. L’ERM a souvent été un lieu de formation des princes héritiers. Les futurs Albert Ier et Léopold III sont passés par là, mais ni Baudouin ni Albert, en raison de la Question royale. Le jour où la princesse Elisabeth sera reine, elle deviendra commandante des forces armées et ce passage à l’ERM peut lui conférer de la légitimité, mais aussi une bonne connaissance de l’armée de l’intérieur. Elle a par ailleurs opté pour les sciences sociales et militaires, ce qui constitue une ouverture aux relations internationales et une préparation utile à de futures études universitaires.

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Quand vous êtes premier ou première dans l’ordre de succession, vous gagnez un peu plus en liberté quand vous étudiez à l’étranger.

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Cette préparation physique était-elle aussi costaude pour ses prédécesseurs ?
Philippe aime beaucoup le sport. Il a été para et commando, il fait du jogging, comme on l’a vu aux 20 km de Bruxelles. Albert Ier et Léopold III étaient plus férus d’athlétisme. Baudouin aimait le tennis et le vélo.

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Que dire des matières artistiques comme l’apprentissage d’un instrument de musique, par exemple ? Est-ce toujours une tradition royale ? On imagine que ces matières sont censées apporter une sensibilité, une écoute, un épanouissement.
Cela n’a pas toujours été une tradition. Ce n’était pas le cas pour Albert Ier, Léopold III ou Albert II. Ce dernier a lui-même expliqué que la reine Elisabeth avait tenté de l’initier au violon, notamment avec un professeur juif qu’elle avait caché durant la guerre. Mais le prince Albert n’a jamais été un grand violoniste. Baudouin n’était pas non plus un grand musicien, mais il aimait le théâtre et n’hésitait pas à jouer déguisé dans une comédie, dans le cadre familial de sa maison à Motril. Le roi Philippe s’est mis à la peinture et au piano, en même temps que ses enfants. Elisabeth aime en jouer.

Que peut-on attendre par ailleurs des domaines académiques qu’elle sera appelée à maîtriser ? Outre les bases classiques – sciences politiques, droit, etc. –, pourrait-elle être appelée à étudier les sciences économiques ou humaines, la psychologie, la philosophie, mais aussi les sciences environnementales, incontournables aujourd’hui ?
Elisabeth connaît son futur métier et sait qu’opter pour les sciences médicales, par exemple, sera difficilement une option. Elle aura surtout besoin de notions de droit belge et international, d’économie internationale, de sciences politiques, d’histoire. En clair, des sciences humaines. Je la vois mieux dans une de ces disciplines qu’en philosophie ou en psychologie, même s’il est vrai que pour un chef d’Etat, cette dernière reste très intéressante.

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Elisabeth a été élevée dans une tradition assez européiste. Elle a étudié au Royaume-Uni et a grandi dans une Union européenne plus aboutie. 

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La future reine des Belges a jusqu’ici bénéficié d’une éducation plutôt pointue, ouverte, « féministe » aussi. Ses parents y ont soigneusement veillé. Avec, en plus de la formation d’ouverture au monde, un apprentissage de la culture et de la discipline.
Vous faites notamment allusion ici à son baccalauréat international au pays de Galles, dans une école pratiquant une pédagogie ouverte sur le monde et pluraliste, avec un engagement social, un travail collaboratif. De surcroît, quand vous êtes premier ou première dans l’ordre de succession, vous gagnez un peu plus en liberté quand vous étudiez à l’étranger. Il y a moins de pression, c’est plus facile pour être soi-même, pour vivre une jeunesse la plus normale possible. Le roi Philippe a lui-même rappelé que lors de ses études à Stanford, aux Etats-Unis, il a éprouvé un sentiment de liberté personnelle, et expliqué que la confiance que les professeurs avaient mise en lui avait donné des ailes. En ce qui concerne le baccalauréat international au pays de Galles, la cour espagnole a annoncé que la princesse Leonor, première dans l’ordre de succession mais plus jeune qu’Elisabeth, irait dans la même école.

Quels sont les liens qu’Elisabeth entretient déjà avec d’autres princes appelés à régner ?
Ce n’est pas connu, mais je serais étonné que ces liens soient si étroits. On a plutôt l’impression qu’elle reçoit la formation la plus normale possible, en baignant dans des milieux variés et ouverts. Au pays de Galles, l’école n’était certes pas de type populaire, mais ce n’était pas Eton non plus. Et passer une année à l’ERM avec tout ce que cela implique, c’est vivre aussi au cœur de la réalité sociale belge d’aujourd’hui. On a donc plus l’impression d’une éducation ouverte sur le monde que dans une bulle.

La fille aînée du Roi sera vouée à incarner le cœur battant de l’Europe qu’est la Belgique. En quoi son profil sera-t-il, obligatoirement, plus européen encore que celui de ses prédécesseurs ?
Léopold III était eurosceptique aux débuts de la construction européenne. Baudouin l’était aussi avant de devenir un Européen convaincu comme le fut Albert II et comme l’est le roi Philippe. Encore prince, Philippe lâchait : « Je suis fier d’être européen. Je suis fier de l’histoire de l’Europe, des valeurs qu’elle porte depuis des siècles. Je me sens européen dans les gènes et dans le sang. » En ce qui concerne Elisabeth, elle a donc été élevée dans une tradition assez européiste. Elle a étudié au Royaume-Uni et a grandi dans une Union européenne plus aboutie.

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Dans le cas d’Elisabeth, le roi Philippe a visiblement à cœur de partager avec elle tout ce qu’il a reçu de positif

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La Princesse bénéficiera vraisemblablement d’une formation supérieure à la plupart de ses prédécesseurs, sachant que le roi Philippe est le premier à avoir disposé d’une formation universitaire, un master à Stanford.
Le roi Philippe avait déjà eu l’occasion d’avoir une formation plus complète que celle de tous ses prédécesseurs. Dans le cas d’Elisabeth, il a visiblement à cœur de partager avec elle tout ce qu’il a reçu de positif. Ce mélange entre tradition et modernité est typique de son règne, comme on a pu le voir lors de la cérémonie des 18 ans. Côté plus formel, il y avait la remise du Grand Cordon de l’Ordre de Léopold, signe de la confiance que son père place en elle. Durant son discours, le Roi s’est adressé à la princesse héritière en présentant la monarchie comme une « institution avant tout humaine, au service des gens ». Mais c’était aussi un père qui s’adressait de façon très personnelle à sa fille. Il y avait également, à côté des officiels, les quatre-vingts jeunes de 18 ans que la Princesse a symboliquement rejoints en cours de cérémonie. En miroir, le discours d’Elisabeth contenait un caractère formel en confirmant dès la première occasion, soit le jour de ses 18 ans, qu’elle acceptait de devenir un jour la première reine des Belges. Mais il avait un volet très personnel, avec ces mots : « Merci à toi, maman, pour ta disponibilité et ton écoute. Merci à toi, papa, pour ta confiance. Je sais que je pourrai toujours compter sur toi. »

Elisabeth a accompagné la reine Mathilde lors d’une mission pour l’Unicef au Kenya, en juin 2019. En quoi sa présence dans un périple de cette envergure était-elle symbolique ?
On peut remarquer, juste en amont de ses 18 ans, une légère augmentation de ses missions de représentation. C’est ainsi qu’on l’a vue opérer une visite chez les pompiers, ou se tenir aux côtés de son père dans les coulisses de l’enregistrement du discours du 21 juillet. Accompagner sa mère au Kenya lui permettait d’observer et d’apprendre comment celle-ci gère ce type de missions sur le terrain.

Quels étaient, dans ce type de déplacement à vocation caritative, les écueils à éviter, et quel était a contrario le message qu’il était crucial de faire passer ?
Se montrer à l’écoute et donc montrer qu’elle est là pour apprendre, découvrir les défis de ce pays. Sur le plan de l’apprentissage médiatique, elle s’est livrée à une prise de parole avec la presse télévisée, mais il ne s’agissait pas d’une interview proprement dite. Donc, là aussi, on peut parler de progressivité, puisque cela restait bien cadré. Au fond, il y a eu une plus grande prise de risque le jour de ses 18 ans, avec son discours en direct sur les quatre grandes chaînes nationales. Mais il est clair qu’elle a bien relevé le défi.

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Une formation dans le domaine historique, juridique, politique et des relations internationales lui sera bien utile.

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Est-il envisageable qu’elle accompagne un jour son père dans un voyage officiel ?
Oui, peut-être plus facilement dans un pays qui connaît un régime monarchique. Il y a en tous cas des précédents, comme le voyage du prince Philippe au Japon avec le roi Baudouin, en 1985.

La Princesse a-t-elle pu ou pourra-t-elle suivre les rencontres en haut lieu du Roi avec des chefs d’Etat, par exemple ?
Cela me semble encore un peu tôt, mais à terme, elle pourrait être associée à certains volets de certains entretiens, avec un chef d’Etat appartenant à une famille royale, par exemple. Avec un président français, ce serait plus compliqué, au regard des enjeux plus politiques de ces discussions. Mais, petit à petit, elle sera amenée à développer son réseau en Belgique et pourrait, à cet effet, avoir des entrevues informelles avec certains responsables ou anciens responsables politiques belges.

De quelles autres approches de terrain pourrait-elle bénéficier ?
Elisabeth est l’une des rares Belges qui connaît déjà les contours de son métier de demain. Ce qui permet de songer à l’acquisition des compétences qui lui seront utiles, tout en prenant en compte ses propres souhaits et centres d’intérêt et en laissant se développer sa personnalité. Une formation dans le domaine historique, juridique, politique et des relations internationales lui sera bien utile. Sur le plan linguistique, elle est déjà bien avancée. Elle a été scolarisée jusqu’à ses 16 ans uniquement en néerlandais, ce qui sourit au nord du pays. Elle parle le français avec ses parents et a été en Angleterre. Elle s’initie aussi déjà à l’allemand, comme on l’a vu lors de la cérémonie de ses 18 ans.

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Elisabeth a cette chance de ne pas avoir trop de pression et ses parents y veillent aussi.

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En quoi cette formation empirique se différencie-t-elle de ce qui s’est fait précédemment ?
Cela a souvent dépendu des circonstances. Baudouin, devenu prince royal à 19 ans, n’a évidemment pu bénéficier de la même formation que le prince Philippe ou la princesse Elisabeth. Mais globalement, voyages et instruction militaire ont souvent été au rendez-vous. Les défis changent avec la société et la situation politique, et l’on voit que pour Elisabeth, c’est encore différent. Elle bénéficie aussi de l’engagement de ses deux parents depuis le premier instant de sa vie, ce qui diffère de ce qu’on a pu connaître antérieurement.

L’un des effets de cette formation au goût du jour se ressent notamment dans la communication : expression orale et présence physique.
C’est vrai, elle a pris la parole en quelques occasions. Pour ses 18 ans, c’était vraiment important. Avant cela, il y avait eu en 2009, à l’âge de 7 ans, quelques mots lors de l’inauguration de la station polaire Princesse Elisabeth. Son premier discours, plutôt bref, date de septembre 2011, pour l’inauguration de l’hôpital des enfants qui porte son nom à Gand. Elle s’était aussi exprimée en 2014 en lisant une intention en néerlandais aux funérailles de la reine Fabiola, dans un grand moment d’émotion, car celle-ci était un peu une mère pour le roi Philippe et donc une grand-mère pour Elisabeth. A Nieuport, en 2014 aussi, lors des commémorations, elle s’est exprimée brièvement dans les trois langues nationales. Et en 2019, il y eut cette prise de parole face caméra lors de son voyage surprise avec Mathilde au Kenya. Elle a pu, en ces circonstances, montrer pas mal d’aisance dans son expression en public, dans différentes langues.

Peut-on dire à ce stade que, compte tenu de son jeune âge, Elisabeth bénéficie d’un « training » accéléré ?
Accéléré, c’est peut-être trop fort. Je dirais qu’à l’occasion de ses 18 ans, on a connu une légère accélération, mais elle se trouve dans une situation idéale, avec beaucoup de temps devant elle pour continuer à se préparer. Et en bénéficiant de la jeunesse la plus normale possible. Elle a cette chance de ne pas avoir trop de pression et ses parents y veillent aussi, visiblement. On ne peut pas dire qu’elle soit sollicitée outre mesure pour des représentations. La progression est donc très sereine.

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Il faut bien avouer que, ces dernières années, la voix de la Belgique est devenue moins sonore sur la scène européenne.

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Peut-on imaginer aussi qu’à terme le roi Philippe se retire, comme l’a fait Albert II ?
Oui, certainement. L’abdication paisible d’Albert II a permis de briser le souvenir terrible de celle, brutale, de Léopold III, et le tabou qu’elle avait engendré. Mais ce ne sera évidemment pas à court terme. Philippe est monté sur le trône il y a seulement sept ans.

L’abdication d’Albert a suivi celles de Beatrix des Pays-Bas et de Jean de Luxembourg. De quel(s) modèle(s) la Belgique pourrait-elle encore s’inspirer ?
Je crois qu’elle ne devrait surtout pas s’inspirer d’un modèle. Certes, s’il faut vraiment comparer, je dirais que le rôle du chef de l’Etat en Belgique est plus proche de celui du roi d’Espagne. En Angleterre, la monarchie est devenue tout à fait protocolaire, comme aux Pays-Bas où le roi, par exemple, ne joue plus de rôle dans la formation d’un gouvernement. Mais la Belgique est un pays très spécifique, avec ses Communautés, ses Régions. Le chef de l’Etat belge doit surtout s’adapter à l’évolution du modèle belge. C’est ce que fait le roi Philippe depuis le début de règne, en tenant compte des différentes sensibilités et en jouant son rôle de jeteur de ponts.

Comment la Belgique se profilera-t-elle au centre de l’Europe de demain, quand Elisabeth sera appelée à prendre le relais de son père ?
Il faut bien avouer que, ces dernières années, la voix de la Belgique est devenue moins sonore sur la scène européenne. Sous l’influence de la N-VA, la concertation entre entités fédérées et Etat fédéral s’est avérée plus compliquée. Pourtant, la Belgique ne manque pas d’atouts avec son statut de capitale européenne et sa situation géographique entre la France et l’Allemagne, entre le monde de la romanité et le monde germanique. Nous serons également toujours dépendants de nos alliés. On peut espérer que le pays renoue de façon plus résolue avec son rôle de « go-between » entre le Nord et le Sud, ou entre l’Ouest et l’Est. A cet égard, je dirais qu’un atout de la Princesse réside dans ses liens familiaux à l’est de l’Europe, via sa grand-mère maternelle.

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 Les causes sociales seront toujours importantes. Et la monarchie ne restera légitime que si elle reste proche des gens.

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Que deviendront les monarchies parlementaires en Europe, et en Belgique en particulier, dans une vingtaine ou une trentaine d’années ? Le système, archaïque par certains aspects, peut-il continuer à s’adapter et perdurer ?
Les historiens sont moins à l’aise avec les prospectives qu’avec les événements passés. Mais les monarchies ont globalement pu faire preuve d’adaptation. Voyez la monarchie anglaise, qui fut très secouée avec l’annus horribilis en 1992 et peut-être plus encore avec la mort de Diana en 1997. La Reine a pu passer à travers cela et a retrouvé une popularité certaine. Par contre, en 2020 et 2021, c’est à nouveau beaucoup plus compliqué, avec tout récemment encore un pénible déballage public qui laissera des traces. Mais je ne la vois pas pour autant en danger à court terme. Même chose pour la monarchie espagnole, très secouée depuis la révélation des frasques du roi Juan Carlos, qui incarnait l’unité de l’Espagne après avoir été le sauveur de la démocratie. Son propre fils doit prendre ses distances avec lui. Là aussi, les appuis politiques semblent suffisants pour surmonter cette mauvaise passe. Aux Pays-Bas, le roi connaît un moment difficile après une escapade en Grèce alors que son pays connaissait des conditions sanitaires difficiles. Et puis il y a eu l’octroi, à mon sens inopportun, d’une dotation à l’héritière, qui est plus jeune que la princesse Elisabeth. Cela a évidemment été mal accueilli. C’est aussi une mauvaise passe vu le poids symbolique de la famille royale aux Pays-Bas. Mais tout cela montre que les monarchies ne doivent pas non plus se croire trop sûres d’elles-mêmes. Chez nous, au fond, les choses sont très paisibles depuis quelque temps. Tant que nous voudrons une Belgique, la monarchie sera indispensable. Et elle jouit toujours d’un intérêt certain. Regardez par exemple la très grosse audience pour les émissions consacrées au roi Philippe, qui ont rassemblé l’an dernier autour de 700 000 personnes sur Canvas, quatre lundis d’affilée. Il faut le Mondial ou l’Euro de football pour faire mieux.

Comment la future souveraine jouera-t-elle la carte de la modernité pour entretenir l’institution et son image ? Sera-t-elle appelée à faire plus de terrain ? Devra-t-elle embrasser de façon plus systématique ou visible les causes sociales, par exemple ?
Il est évident qu’un roi ou une reine ne peut bénéficier de la sympathie populaire que si elle agit de façon authentique. L’important est donc tout d’abord qu’elle puisse être elle-même. Regardez Albert II : il n’a pas cherché à copier Baudouin qui était très populaire, et Philippe ne copie pas son père. Les causes sociales seront toujours importantes. Et la monarchie ne restera légitime que si elle reste proche des gens.

Le fait d’avoir une future souveraine, une première en Belgique, va-t-il poser quelques obstacles, notamment symboliques, lorsque celle-ci cherchera l’âme sœur ?
Son futur mari saura qu’il se trouve en effet dans un rôle bien précis, mais elle a l’avantage justement de ne pas être trop sous le feu des médias. C’était beaucoup plus compliqué pour Baudouin, qui est monté sur le trône à peu près au même âge qu’a Elisabeth aujourd’hui.

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Certains domaines seraient quand même moins heureux pour l’époux d’une reine régnante. Une activité dans le commerce des armes, par exemple.

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Le futur conjoint d’Elisabeth devra-t-il être étranger de préférence, pour éviter toute tension qui pourrait être liée à un choix belge ? Cette tradition est-elle encore d’application ?
Le roi Philippe a déjà épousé une Belge. Le temps du choix de princes ou princesses étrangères est révolu. Cela ne poserait aucun problème, mais ce n’est pas une nécessité non plus. L’important est qu’il y ait une complicité dans le couple, car c’est cela que les Belges regarderont et apprécieront.

Quel type de profession ce conjoint devrait-il idéalement exercer ?
Toute profession qui serait compatible avec sa situation d’époux d’une reine. Cela laisse un large choix. Il ne faut juste pas que son activité puisse entrer en conflit avec le devoir de réserve et la prudence qui sied à un membre de la famille royale.

Cela ne rend-il pas délicat un métier de commerce ou de finance, entre autres ?
Pas a priori. Mais il faudrait alors veiller à ne pas se voir reprocher un délit d’initié. Le prince Lorenz est actif dans la finance et cela n’a jamais posé de problème. Par contre, certains domaines seraient quand même moins heureux pour l’époux d’une reine régnante. Une activité dans le commerce des armes, par exemple.

Que dire d’une fonction d’engagement ou à connotation politique ?
Les membres de la famille royale ne peuvent de toute façon pas être ministres. La Constitution belge l’interdit. Un engagement dans un parti politique ne serait vraiment pas indiqué : dans un pays comme la Belgique, l’intérêt d’avoir un roi ou une reine est qu’il ou elle garde une position de neutralité par rapport aux partis et aux groupes linguistiques.

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Dans certaines Constitutions, il est écrit que la reine épouse un prince consort. Chez nous, ce n’est pas le cas. 

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Le futur conjoint d’Elisabeth sera-t-il appelé « prince consort » ?
C’est le nom qu’on donne à l’étranger, pour éviter les confusions. Tout comme on ne parle pas d’ambassadeur pour le mari d’une ambassadeure. Dans certaines Constitutions, il est écrit que la reine épouse un prince consort. Chez nous, ce n’est pas le cas. Il n’y a pas eu de communication du Palais à ce sujet. Mais au regard de l’évolution des politiques de genre, si l’on appelle reine l’épouse d’un roi, pourquoi ne pas appeler roi l’époux d’une reine, diront certains ? On verra. Une autre possibilité serait aussi de l’appeler prince royal.

Le divorce est de plus en plus fréquent. Les mariages n’ont plus la durée d’antan. C’est lié naturellement à l’allongement de la durée de vie et à des mutations sociétales importantes. Un divorce de la reine des Belges serait-il facile à gérer ?
C’est évidemment très hypothétique. Laissons-la d’abord trouver l’âme sœur ! Mais vous avez raison, une famille royale est une famille comme une autre et connaît aussi des cas de divorce. Trois des quatre enfants d’Elizabeth d’Angleterre ont vécu cette situation, dont le prince héritier, Charles. Dans le cas d’un chef d’Etat, cela rendrait sans doute encore plus compliquée la question des choix éducatifs pour les enfants, qui sont aussi les héritiers du trône.

La vie privée de ces futures souveraines sera-t-elle à votre avis plus cloisonnée que jamais ?
Il faudra toujours trouver un équilibre compliqué entre proximité et maintien du mystère. Pour bénéficier de la sympathie populaire, une famille royale doit être proche des Belges. En même temps, trop ouvrir leur vie privée peut favoriser et même légitimer l’immixtion des médias, ce qui peut avoir des conséquences fâcheuses. Regardez ce qui se passe au Royaume-Uni. Il est vrai que, là-bas, les tabloïds ont une tout autre présence que chez nous, mais trop exposer la vie privée n’est pas sans danger.

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