« Si on arrête, on est mort », confiait Henri Vernes en 2012, alors qu’il n’avait « que » 93 ans. L’écrivain belge était toujours aussi infatigable. Il a rendu les armes, plutôt la plume, le 25 juillet, à l’âge de 102 ans, a annoncé la RTBF. Bien qu’il ait écoulé 40 millions d’exemplaires de ses livres en soixante ans de carrière, Henri Vernes fait partie de ces romanciers éclipsés par la notoriété des héros qu’ils ont créés. Le sien s’appelle Bob Morane et fut l’admirable héros de plusieurs générations d’adolescents.
L’écrivain mena dans sa jeunesse une vie presque aussi rocambolesque que celle du célèbre aventurier. Né le 16 octobre 1918 à Ath, dans la province de Hainaut, en Belgique, élevé par ses grands-parents à la suite du divorce de ses parents, Charles-Henri Dewisme, de son nom d’état civil, est tombé à 19 ans sous le charme d’une Chinoise rencontrée dans le port d’Anvers. Il la suivit à Canton, où la dame tenait ce qu’il faut bien appeler un bordel flottant. Rentré au pays, il épousa la fille d’un diamantaire et s’engagea dans le négoce des pierres précieuses. Pendant la seconde guerre mondiale, épris d’une agente du MI6, il travailla comme espion pour les services secrets britanniques.
Un héros aux multiples talents
Il a publié en 1944 un premier roman, La Porte ouverte, passé inaperçu. A la Libération, il vivait à Paris où, assure-t-il dans ses Mémoires (Jourdan, 2012), il fit la connaissance de Jean Cocteau, Blaise Cendrars et Juliette Gréco. Il collabora à divers journaux, en qualité de correspondant ou de nouvelliste et, en 1949, signa un roman noir, La Belle Nuit pour un homme mort (réédité en 2012 aux éditions Lucien Souny).
Quatre ans plus tard, une rencontre changea sa vie. Le directeur littéraire des éditions Marabout cherchait, en vue d’une collection destinée aux adolescents, un auteur assez prolifique pour donner rendez-vous à ses lecteurs tous les deux mois en librairie. Charles-Henri Dewisme fit l’affaire. Pour lui, il s’agissait d’un travail alimentaire.
Le 16 décembre 1953 parut La Vallée infernale, signée du pseudonyme Henri Vernes, toute première apparition de Bob Morane, trentenaire aux multiples talents. Orphelin de père et de mère, ce jeune Français diplômé de Polytechnique, aux yeux gris acier, aux cheveux noirs coupés en brosse et à la carrure athlétique, est un héros de la bataille d’Angleterre. Dans la Royal Air Force (RAF), il était flying commander – un grade imaginaire correspondant à la fonction de chef d’escadrille. Autant dire qu’il sait aussi bien piloter des avions de chasse que conduire d’une main, à tombeau ouvert, sa Jaguar type E, à moins que ce ne soit sa petite Citroën, plus discrète.
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