Champion d’une sociologie historique de la littérature d’une fécondité rare, Alain Viala est mort à Paris le 30 juin à l’âge de 73 ans.
Né le 20 novembre 1947 à Saint-Affrique (Aveyron), Alain Viala grandit au sein d’une famille nombreuse des plus démunies. Aussi vit-il l’âge du pensionnat comme une chance : il a le goût de l’étude et peut manger à tous les repas ! Sa scolarité, impeccable, le conduit à Rodez, puis à Toulouse où, à la suite de sa prépa au lycée Pierrre-de-Fermat, il intègre l’Ecole normale supérieure de l’enseignement technique (Enset). Il part alors pour l’Ile-de-France et le campus de Cachan.
Agrégé de lettres modernes (1971), s’il entreprend une stimulante réflexion sur l’enseignement du français (Faire lire et Savoir-lire, avec Michel P. Schmitt, Didier, 1979 et 1982), Alain Viala s’attelle, sous la direction du dix-septiémiste Jacques Morel, à une thèse d’une ambition considérable sur La Naissance des institutions de la vie littéraire en France (1643-1665), inspirée des travaux de Pierre Bourdieu. Le sociologue ne s’y trompe pas et accueille dans sa collection « Le sens commun » une version abrégée de l’ouvrage, Naissance de l’écrivain (Minuit, 1985), couronné par le prix spécial de la Société des gens de lettres en 1986.
Roger Chartier, qui en fit aussitôt un livre de chevet, y voit la quintessence de la pensée de Viala : « Au fil des pages apparaissent les thèmes qui lui seront chers : les carrières d’auteurs, les genres des recueils ou des “bibliothèques”, les figures de lecteurs, la galanterie et l’honnête homme. Le rapport étroit entre les conditions sociales et politiques gouvernant les pratiques d’écriture et les formes et contenus des œuvres elles-mêmes était noué dès ce premier livre qui tenait pour des caractéristiques majeures du premier champ littéraire la consécration confisquée et l’esthétique duplicité, facilitée par la flexibilité des normes et la nécessité de satisfaire les attentes multiples, des protecteurs, des pairs et des publics. »
Enseignant charismatique
Professeur à Paris III-Sorbonne Nouvelle, Alain Viala se passionne pour le théâtre, signe un maître livre sur Racine (Seghers, 1990), comme le « Que sais-je ? » sur Le Théâtre en France (PUF, 1996), se lie d’amitié avec Daniel Mesguich, qui coécrit avec lui Le Théâtre (PUF, 2011) et illustre en lecteur le cours d’Histoire de la littérature française que Viala délivre en 7 coffrets de 5 CD chacun (PUF-Frémeaux & Associés, 2013-2017). A Avignon dès 2014 comme à la Sorbonne, Alain Viala entend corréler fait littéraire et histoire des sociétés. Aussi, en 1996, fonde-t-il, avec l’historien Christian Jouhaud, le Grihl (Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire, EHESS-Paris-III).
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