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Côté Cours - Faut-il célébrer Napoléon ?

Détail d'une peinture de l'exposition "Napoléon et le mythe de Rome".
Détail d'une peinture de l'exposition "Napoléon et le mythe de Rome". © Pacific Press/SIPA
Stéphane Bern , Mis à jour le

Pour Stéphane Bern, ce n’est pas en déboulonnant les statues ou en clouant au pilori les grandes figures de notre passé que nous pourrons apprendre l’Histoire française. Chaque semaine, Stéphane Bern décrypte l'actualité royale avec un nouveau rendez-vous: Côté Cours. 

A l’approche du bicentenaire de sa mort, le débat prend plus d’ampleur et alimente une polémique mémorielle : faut-il célébrer le personnage historique préféré des Français – devant De Gaulle et Louis XIV – Napoléon Bonaparte, décédé le 5 mai 1821 à Sainte-Hélène ? De nombreuses voix s’élèvent pour réécrire l’Histoire ou, tout du moins, juger le passé à l’aune de notre regard contemporain, au risque de commettre des anachronismes. L’historien ne peut détacher son sujet d’analyse du contexte historique et ce serait une erreur de jeter tout l’héritage de Napoléon, à qui l’on doit tout de même les lycées, le baccalauréat, les départements et les préfets, la Légion d’honneur et la Banque de France…, au seul motif des ombres qui forgent sa légende noire, à savoir le rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises le 20 mai 1802 que la Convention avait aboli en 1794, et qui ne sera définitivement aboli qu’en 1848.

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Pour autant, ce n’est pas en déboulonnant les statues ou en clouant au pilori les grandes figures de notre passé que nous pourrons apprendre l’Histoire pour mieux en tirer toutes les leçons et ne jamais reproduire les horreurs du passé. La figure de Napoléon Bonaparte, cet homme providentiel, ce général issu de la Révolution française qui s’empresse de la couronner en se faisant empereur, appartient pourtant à l’Histoire de France et contribue aussi à la légende de notre pays à travers le monde. Le roi du poulet sud-coréen Kim Hong-Kuk n’a-t-il pas déboursé 1,8 millions d’euros pour faire l’acquisition d’un bicorne de Napoléon, exposé aux regards de ses employés, afin « d’insuffler un vent nouveau à l’esprit d’entreprise » ? On raconte qu’il s’écrit un livre par jour sur Napoléon depuis son décès il y a deux siècles… et les spécialistes incontestés comme l’Académicien Jean Tulard n’y ont pas peu contribué.

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Une majorité de Français estime qu’il est normal de célébrer le souvenir de Napoléon

Si une majorité de Français estime à ce jour qu’il est normal de célébrer le souvenir de Napoléon sur tout le territoire, et pas seulement dans sa ville natale d’Ajaccio, il reste à savoir de quel personnage nous parlons. Du Bonaparte, général devenu Premier Consul, l’homme épris de liberté héritier de la Révolution Française ? Ou l’empereur Napoléon Ier, fondateur d’une dynastie qu’il voulait imposer à toute l’Europe et qui se reliait aux traditions les plus anciennes, de César à Charlemagne et tous les rois de France… ? Cette ambivalence est au cœur de l’épopée napoléonienne et imprègne toujours les héritiers de Napoléon Bonaparte. D’un côté, l’héritier dynastique de son grand-père, devenu à sa mort en 1997 le Prince Napoléon, Jean-Christophe, 34 ans, qui a la particularité de descendre de Louis XIV par sa mère, la princesse Béatrice de Bourbon-des-Deux-Siciles, et d’avoir épousé une arrière-petite-fille du dernier empereur d’Autriche Charles Ier, Olympia von Arco-Zinneberg. De l’autre, le père du Prince Napoléon, Charles Napoléon devenu à l’état civil Charles Bonaparte, un acte politique révolutionnaire, se rangeant résolument du côté de la liberté plutôt que de l’ordre.

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En publiant chez Grasset un livre de réflexions et de souvenirs personnels, Charles Bonaparte a choisi la branche républicaine de son arbre généalogique plutôt que la branche impérialiste. Mais très tôt il s’est engagé en politique, se faisant même élire au conseil municipal d’Ajaccio, ville réputée très bonapartiste. Ce descendant direct d’un frère de Napoléon, Jérôme, l’avoue : « très tôt je me suis écarté de la voie à laquelle me destinaient naissance et éducation. Je pensais être une exception, mais j’ai découvert que beaucoup de Bonaparte avaient connu le même goût pour la liberté. Sans rejeter l’histoire familiale ni son héritage moral, j’ai exercé mon droit à l’inventaire » écrit celui qui « ne se réclame aucunement du bonapartisme, sans prétention dynastique, considérant que la seule source de légitimité est dans le suffrage universel. Je suis démocrate et républicain, profondément attaché aux valeurs de 1789 et à la Déclaration des Droits de l’Homme ». Un plaidoyer qui devrait satisfaire ceux qui sont attachés à la méritocratie fondée par Napoléon. Et en lisant « la liberté Bonaparte » de Charles Bonaparte, en se prend à songer aux vers intemporels de Molière dans Dom Juan, « la naissance n'est rien où la vertu n'est pas. Aussi nous n'avons part à la gloire de nos ancêtres, qu'autant que nous nous efforçons de leur ressembler, et cet éclat de leurs actions qu'ils répandent sur nous, nous impose un engagement de leur faire le même honneur, de suivre les pas qu'ils nous tracent… ».

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