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HommageJulien-François Zbinden sur la pointe des notes

Julien-François Zbinden, chez lui à Lausanne en octobre 2017, un mois avant son 100e anniversaire. Commentaire de l’intéressé: «L’instrument de musique derrière moi est un cadeau d’anniversaire de notre inoubliable Jack Rollan.»

«Un piano s’est tu», nous confiait un de ses amis proches. Et en effet, jusqu’à ses derniers jours, Julien-François Zbinden jouait une à deux heures chaque matin sur son Steinway, dans sa maison nichée dans un coin de verdure des hauts de Lausanne, à quelques pas de la Maison de la Radio où il a longtemps dirigé le département musical. Décédé chez lui à 103 ans dans la nuit de dimanche à lundi, Julien-François Zbinden aura vécu une trajectoire de vie phénoménale, non seulement en raison de son extraordinaire longévité, mais aussi par ses multiples fonctions – pianiste, compositeur, homme de radio - qui l’ont fait côtoyer les plus grands artistes du XXe siècle.

Pianiste de jazz et de variété

Né le 11 novembre 1917 à Rolle, Julien-François Zbinden n’aura guère eu l’occasion de pratiquer son diplôme d’enseignant primaire décroché en 1938. Pendant la guerre, il gagne sa vie comme pianiste de jazz et de variété. «Il évoquait volontiers cet âge d’or la retraite venue, se souvient Pierre Grandjean, qui travailla sous ses ordres à la radio. Et voguaient les souvenirs de tournées avec Tino Rossi, ou le bœuf avec Coleman Hawkins en 1936, le premier concert suisse de Louis Armstrong en 1934 et encore ces propos échangés à clavier ouvert avec son idole le pianiste Earl Hines de passage au Johnnie’s.» Et c’est en tant que pianiste à tout faire qu’il est engagé, en 1947, au Service musical de Radio Lausanne, accompagnant les vedettes de la chanson et du music-hall: Juliette Gréco, Pauline Carton, Bourvil, Joséphine Baker…

«Je pense que sa musique de chambre, ses quatuors, et ses pièces pour piano resteront.»

Jean-Pierre Mathez, éditeur de Julien-François Zbinden

Mais en parallèle, il s’initie à la régie musicale, devient chef du Service musical et défend une production abondante de musique classique: symphonies, concertos, pièces instrumentales et vocales, oratorios, musiques de scène et radiophoniques. Au total, 111 opus constituant un imposant corpus, dont il assurait la promotion avec un talent d’homme d’affaires. Jean-Pierre Mattez, son éditeur depuis 1988, est un grand connaisseur de sa musique. «J’ai un grand respect pour son écriture. C’est un bon compositeur, mais qui jouait un peu trop sur le côté sérieux. Avec l’âge, il s’est heureusement libéré de ce côté un peu calviniste. Je pense que sa musique de chambre, ses quatuors, et ses pièces pour piano resteront.» Ainsi que ses trois recueils de souvenirs, sentences philosophiques et poèmes publiés aux Éditions de l’Aire, qui enrichissent encore le portrait de personnage insaisissable par son humour pince-sans-rire. Son ami le politicien Dominique de Buman le décrit comme un lièvre, dont il avait le visage et le caractère sage, indépendant et surprenant.

En mai 2018, le Choeur Pro Arte et l’OCL interprétaient «Terra Dei», le grand oratorio de Julien-François Zbinden, en sa présence.

Et ce jazz qu’il aimait profondément et qu’il considérait un peu comme un passe-temps aura marqué le début et la fin de sa carrière de musicien. Autour du cercle amical du «Jazz Gang» initié par Yvan Ischer, Monsieur Jazz à la RTS, Julien-François Zbinden est devenu «King Zibi». L’animateur radio, par son bagout et ses vannes amicales, lui offrira l’occasion de ses plus précieux témoignages d’improvisateur racé, dont l’étonnant album «Last Call…?» sorti à 93 ans. Enregistré en 2018 à la Sallaz, Julien-François Zbinden apparaît une dernière fois au piano dans le disque du trompettiste Olivier Theurillat ( «Tie-Break», Indésens) pour improviser un «Centenary Blues» de sa propre inspiration. Un dernier tour de piste sur la pointe des pieds, tout pétri d’esprit, d’élégance et de générosité.

www.jfzbinden.ch