"The Dig", l’anti-"Indiana Jones" qui fait un malheur sur Netflix
Seule ombre au tableau : les polémiques au sujet de l’âge des interprètes.
- Publié le 09-02-2021 à 09h27
- Mis à jour le 09-02-2021 à 10h12
Pas de superstar à l’affiche (même si Carey Mulligan, Lily James et Ralph Fiennes font partie de la crème des comédiens britanniques), pas de scène d’action, pas de super-héros, pas de suspense, pas d’humour, pas de grand "méchant", à peine une petite romance nullement centrale dans l’intrigue : sur papier, The Dig, sorte d’anti-Indiana Jones, possède peu d’atouts pour ne pas croupir dans l’anonymat le plus complet.
Mais le 7e art n’a rien d’une science exacte et, contre toute attente, ce long métrage centré uniquement sur l’archéologie fait un malheur sur Netflix. Et suscite même déjà des polémiques sur les réseaux sociaux. Avec pour seule et unique raison l’âge des personnages. Lorsqu’en 1939 la riche veuve Edith Pretty fait inspecter les tumulus de sa propriété de Sutton Hoo par un archéologue amateur, elle a 56 ans. Mais à l’écran, Carey Mulligan, qui lui prête ses traits, n’en a que 35. Du coup, de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer ce choix de ne pas avoir pris une quinquagénaire, alors que, du côté masculin, choisir des interprètes plus âgés ne semble avoir posé aucun souci. Basil Brown avait 51 ans à l’époque, contre 58 pour Ralph Fiennes. Quant à l’archéologue du British Museum, Charles Phillips, il n’était âgé que de 38 ans, tandis que son double à l’écran, Ken Stott, en a 66.
Même si tous sont formidables, cela renvoie à cette règle non écrite qui veut qu’il devient extrêmement difficile pour une femme de plus de 40 ans de décrocher un rôle. Et c’est choquant.
Dommage, car dans l’ensemble le film respecte assez bien la réalité. À deux nuances près : les fouilles ont été réalisées en deux parties, en 1938 et 1939, et les "visions" de la propriétaire des lieux, qui était convaincue de parler aux morts, ont été supprimées du récit.
Pour le reste, tout est exact. C’est elle qui a insisté pour que Basil Brown fouille le bon tumulus, alors qu’il le pensait pillé et préférait s’attaquer aux plus petits.
Son intuition était bonne : sur place, contre toute attente, un "bateau-tombe" a été découvert, contenant 263 pièces (un casque, une épée, des pièces, des bijoux) datées environ de l’an 625, qui ont permis de mieux comprendre les influences romaines et scandinaves durant le Haut Moyen Âge. Mais aussi de découvrir que les Anglo-Saxons possédaient une culture propre et des expressions artistiques très développées. Un trésor protégé dans le métro durant la guerre, et à découvrir désormais au British Museum.
Sutton Hoo s’attend à un “effet Hollywood”, avec 40 % de visiteurs supplémentaires à l’avenir
Aujourd’hui encore, la découverte du trésor de Sutton Hoo en 1939 est considérée comme une avancée majeure dans la connaissance du Haut Moyen Âge, qu’on appelait alors volontiers le “Dark Age”. Un casque exceptionnel, une épée, une hache, un bouclier, six lances, des bols en argent ou en bronze, une lyre, des plats en argent, une paire de cornes d’aurochs, des tissus luxueux et des objets ornés de grenats ont permis de mettre en lumière une époque que l’on croyait généralement dénuée de culture, d’expression artistique et de progrès techniques.
En outre, la disposition du défunt (aucun corps n’a été retrouvé, mais des traces chimiques prouvent qu’il y avait bien quelqu’un) fait penser à d’autres “bateaux-tombes” découverts en Scandinavie.
Si l’identité du défunt reste mystérieuse, beaucoup pensent qu’il s’agissait du roi Raedwal, décédé en 624. Dans les autres tumulus ont été trouvés des corps et le bateau a été tiré sur 1,5 km pour être hissé sur une colline, à Sutton Hoo. La taille, gigantesque, du tumulus (le bateau à lui seul mesure 27 mètres de long sur 4,2 m de large) expliquerait peut-être pourquoi les pillards n’ont jamais trouvé le trésor : ils auraient été trompés par les fossés et auraient creusé juste à côté du bateau.
À Sutton Hoo, grâce au film The Dig, on s’attend à un “effet Hollywood”, qui ferait passer le nombre de visiteurs de 100 000 à 140 000 dès que les conditions sanitaires le permettront. Quatre millions de livres sterling ont été dépensés ces dernières années pour aménager le site et pour mettre en valeur des artefacts prêtés par le British Museum. La magie du film devrait faire le reste.