La nouvelle est tombée le 18 janvier. Crépusculaire. « C'est avec un immense chagrin que nous vous apprenons que notre fils chéri Harry Brant a perdu son combat contre son addiction. Il est décédé des suites d'une overdose de médicaments accidentelle. » La veille au soir, le fils cadet de la top-modèle Stephanie Seymour et du milliardaire Peter Brant avait été retrouvé sans vie dans son appartement new-yorkais. À quelques jours de son entrée en cure de désintoxication. Le petit prince des nuits de la Grosse Pomme, figure incontournable de la jet-set, fasciné par l'art et la mode, indissociable de son frère aîné, Peter II, suscitait la curiosité à chacune de ses apparitions. Look androgyne, regard charbonneux, poses provocatrices, style extravagant… il luttait depuis des années contre des problèmes d'addiction en tous genres – il a même été arrêté en 2016 pour possession de cocaïne, après avoir refusé de payer un chauffeur de taxi et invectivé des policiers.                

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© MediaPunch/Shutterstock/Sipa

Mais ces dérapages ne doivent pas noircir la trajectoire fulgurante d'un jeune homme fascinant. Grand amateur d'art, il avait d'ailleurs tenu une chronique dans « Interview », magazine fondé par Andy Warhol et racheté par son père. Il a assumé son androgynie jusqu'à fonder avec Peter II une gamme de maquillage unisexe pour la prestigieuse marque M.A.C Cosmetics il y a quelques années. Coqueluches des fashion weeks, les deux frères, surnommés « les petits Lords Fauntleroy », étaient les icônes d'un monde qui adore se pâmer devant l'extravagance et les mots d'esprit. Ils ne se produisaient qu'en duo, princes tout droit sortis d'un tableau de la Renaissance, assumant volontiers leurs penchants pour le velours, le léopard, les slippers, les vestes lamées et celles de torero. Deux gosses dont l'inimitable façon de poser en regardant droit l'objectif n'avait échappé à aucun créateur. Il faut dire qu'ils avaient de qui tenir.   

Un charisme indéniable qui a conquis le monde de la mode               

Harry, né en 1996, est le deuxième enfant de la top iconique des années 1990 Stephanie Seymour et de son second mari, Peter Brant. Regard menthe à l'eau, chute de reins vertigineuse, la sublime Californienne a déjà un fils, Dylan, né de ses amours avec le musicien Tommy Andrews. Elle sort d'une histoire chaotique avec Axl Rose, leader des Guns N'Roses lorsqu'elle succombe au charme de Brant, magnat de la presse, businessman et grand collectionneur d'art. Certes, il est marié et père de cinq enfants – dont des triplés –, mais Stephanie Seymour est irrésistible. Le temps de divorcer et il l'épouse en 1995, lors d'une fête digne des « Mille et Une Nuits », à Saint-Cyr-sous-Dourdan. Leur premier fils, Peter II, est né deux ans auparavant, Harry arrive en 1996, et Lily Margaret, la dernière, en 2004. 

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© Splash News/ABACA

La fratrie grandit loin des projecteurs, dans un immense manoir niché dans le Connecticut, avec des poneys par dizaines, un terrain de polo et, entre autres œuvres d'art, une statue de Jeff Koons d'une hauteur de plus de douze mètres trônant dans la cour d'entrée. Mais, bientôt, l'union sacrée va virer à l'addition salée. Les parents se battent par le biais de déclarations sulfureuses dans la presse, s'accusant l'un et l'autre de tous les maux. Coup de théâtre en septembre 2010 : les époux terribles que l'on croyait en train de signer les papiers du divorce décident de faire la paix.             

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© Zuma / Starface

Entre-temps, les garçons ont grandi, et leur indéniable charisme fascine. Ils s'affichent volontiers devant un parterre de médias, qui adulent leurs silhouettes recherchées et leur érudition. Car ils avaient fort bien intégré la mécanique de l'image au XXIe siècle : apparitions sur tapis rouge avec des looks chics et délirants, plaisir assumé pour le travestissement, entourage au top de la hype – Linda Evangelista et Naomi Campbell pour marraines, Kate Moss ou encore Courtney Love, dévastée par la nouvelle, qui a d'ailleurs posté un message se terminant par ces mots : « Au revoir lucrezia. What a beauty, you. » Menant d'une main de maître sa trajectoire people, Harry cite régulièrement Oscar Wilde, Henry James et Orson Welles au panthéon de ses idoles, et écume avec son clone de frère les galeries d'art.             

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© BestImage

Au tableau également, le culte que Harry voue à sa mère. Il poste régulièrement les unes de magazine que Stephanie, somptueuse, continue de truster, mais aussi des photos de lui enfant dans les bras de « sa mama ». L'une d'entre elles, publiée pour la dernière fête des mères sur son compte Instagram, est légendée de cette phrase : « Elle est mon chou d'amour, my best friend, ma muse, ma mama. Happy Mother Day ». Ainsi que d'une citation de Shakespeare : « There lives more life in one of your fair eyes/Than both your poets can in praise devise » (il y a plus de vie dans un seul de vos beaux yeux que dans tous les éloges imaginés par deux de vos poètes). Ses fils adoraient poser avec elle et Harry marchait sur ses traces, puisqu'il était devenu mannequin et égérie pour plusieurs grands couturiers. Ses parents lui rendent ainsi hommage dans leur communiqué : « Nous sommes dévastés pour l'éternité par le fait que la vie lui a été arrachée par une maladie si dévastatrice. Du haut de ses 24 ans, il avait accompli de grandes choses. Nous n'aurons jamais la chance de voir ce que Harry pouvait encore faire. » Dans un de ses derniers posts, le jeune homme pleurait lui-même, comme beaucoup d'autres, la disparition de la top-modèle Stella Tennant à la veille de Noël. Aujourd'hui, ce sont les mêmes qui pleurent la sienne. De Marc Jacobs à Poppy Delevingne, en passant par Maria Olympia de Grèce ou Gilles Bensimon. Sur son compte Instagram, Peter II a posté, avec un texte magnifique, la dernière photo prise de son frère le jour même de sa mort. Mais le message le plus déchirant revient à sa petite sœur, Lily, 16 ans. Qui, sous une image d'eux enfants, témoin de la touchante complicité qui les unissait, a écrit : « Mon incroyable grand frère et meilleur ami, je n'ai pas les mots pour dire à quel point tu me manqueras. Tu étais un frère incroyable pour moi, et tu es resté avec moi, à travers tout. Tu avais une âme sensible et belle, un sens de l'humour qui pouvait illuminer la journée de n'importe qui. Merci de m'avoir toujours fait rire… Je t'aime indéfiniment, Harry. Tu es un ange… Repose en paix. »