Le médiéviste américain et spécialiste d’histoire juive, Norman Golb est mort à Chicago (Etats-Unis) le 29 décembre 2020 d’une longue maladie. Il avait 93 ans. Norman Golb appartenait à cette génération d’historiens qui n’hésitaient pas à démultiplier les centres d’intérêt tout en restant solidement ancrés dans leur domaine. Le sien était le monde juif au Moyen Age et, pour l’étudier, il privilégiait, en philologue et paléographe accompli, l’étude des archives de première main. En particulier, l’inépuisable trésor que représente la Genizah du Caire, cet ensemble de milliers de documents manuscrits en hébreu et en arabe retrouvés, à la fin du XIXe siècle, à la synagogue de Fustat près du Caire, couvrant toute la période médiévale.
A la suite de son maître, le professeur Shelomo Dov Goitein (1900-1985), Norman Golb estimait que cette mine de documents bouleversait sans retour tout ce qu’on savait jusque-là de l’histoire du Moyen Age et de la place des juifs, plus marquante qu’on ne le pensait. Son sens de la nouveauté appuyé par une érudition sans défaut, l’a souvent placé en porte-à-faux avec certains de ses collègues qui acceptaient mal de voir contester les idées reçues les mieux enracinées dans son milieu.
Une fulgurante carrière académique
Cet homme élégant et généreux est né le 15 janvier 1928 à Chicago dans une famille modeste. Son père, juif originaire d’Ukraine, après avoir tenté sa chance dans le théâtre yiddish, exerçait la profession de coiffeur puis fut intégré à l’administration de la ville. Malgré ces débuts difficiles, le jeune Norman suit une fulgurante carrière académique. Après des études d’hébreu, d’araméen, de latin et de grec à l’institut oriental de l’université de Chicago, il se passionne pour l’archéologie à l’université Johns-Hopkins et, en particulier, pour les manuscrits de la mer Morte qui viennent à peine d’être découverts (1947). Après de solides études d’arabe, il retrouve, à partir de 1963, l’université de Chicago, où il fera toute sa carrière.
L’une de ses élèves, Eve Krakowski, assistante-professeure à l’université de Princeton et spécialiste du Moyen Orient et du judaïsme en Egypte se souvient de sa curiosité insatiable qui ne sacrifiait jamais les preuves. Son champ de recherche s’étendait de la période du Second Temple (VIe siècle av. J. C.) à la Normandie des XIe et XIIe siècles ainsi qu’au mystérieux royaume juif des Khazars qui exista dans la Russie au tournant du premier et du deuxième millénaire de notre ère dont il trouva des traces écrites. « Sa plus importante leçon, confie-t-elle au Monde, était qu’il ne fallait jamais prétendre avoir compris un texte à la première lecture. Il insistait toujours sur l’importance des sources premières et pouvait passer un semestre entier à déchiffrer deux pages ! »
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