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Flavio Cotti, la force des convictions

L'ancien conseiller fédéral, décédé mercredi, était un impressionnant politicien doublé d’un stratège redoutable. Raymond Loretan, qui fut secrétaire général du PDC lui rend hommage

Flavio Cotti en novembre 1990. — © Karl Mathis/Keystone
Flavio Cotti en novembre 1990. — © Karl Mathis/Keystone

Au moment où Flavio Cotti nous quitte pour rejoindre l’éternité, beaucoup de mes anciens collègues diplomates auront des sentiments mélangés: un des plus beaux formats politiques de notre pays mais à la main parfois lourde.

J’ai encore eu quelques échanges avec lui ces dernières années. Sa retraite a été plutôt solitaire, assombrie par la maladie. Mais il est toujours resté un politicien passionné et un démocrate-chrétien idéaliste. La responsabilité individuelle et la solidarité ont été des valeurs qui l’ont profondément animé. Elles atténuaient l’intransigeance dont il pouvait faire preuve envers ses collaboratrices et collaborateurs. Dans les couloirs de l’aile ouest du Palais, il régnait une ambiance empreinte d’admiration et de respect pour cette incontestable autorité naturelle mais aussi un malaise et de la peur face à son autoritarisme.

Il avait une ligne

Cela dit, et il fallait le dire, Flavio Cotti restera un impressionnant politicien doublé d’un stratège redoutable. Alors que j’étais secrétaire général du PDC, je me souviens très bien de ses prises de parole en séances du groupe parlementaire. Ses envolées ramenaient les récalcitrants à l’ordre, son argumentation sur des sujets de société ou de politique étrangère était toujours nourrie du fondement idéologique de sa famille politique. Il avait une ligne, une colonne vertébrale doctrinaire qui en faisait non seulement un leader courageux et incontesté mais aussi un adversaire courtisé et craint.

Il rassemblait les troupes et écartait les trouble-fêtes. Fédéraliste convaincu, il savait aussi se plier habilement aux contraintes du consensus suisse sans toutefois succomber aux compromissions. S’il n’a soutenu que du bout des lèvres l’Espace économique européen en 1992, c’est parce qu’il était convaincu que la souveraineté ne pouvait être préservée qu’en adhérant à l’Union européenne afin de participer pleinement aux décisions plutôt que de les subir. Une vision encore iconoclaste aujourd’hui, même pour son propre parti qui a viré de bord à 180 degrés sur cette question.

Un homme d'Etat

Champion de la latinité, dans toute sa convivialité mais aussi dans son combat de minoritaire, il en avait le charme mais aussi la main de fer dans un gant de velours pour la promouvoir à la place qui lui est due au sein des institutions. A l’étranger, il était Homme d’Etat. Exigeant dans la préparation de ses déplacements, il était à l’écoute de ses interlocuteurs et représentait nos intérêts sans brillance mais avec grande intelligence. Et il avait toujours une oreille attentive aux doléances des Suisses de l’étranger, il prenait le temps de les rencontrer.

Flavio Cotti laisse derrière lui de belles réalisations politiques et la Suisse peut lui en savoir gré. Son tempérament l’a parfois desservi, mais c’était toujours pour la bonne cause. Il ne pouvait laisser indifférent. C’est à cet homme de convictions et d’action que nous disons aujourd’hui adieu. Requiescat in pace