« J’ai encore des buts à atteindre, je ne prendrai donc sûrement jamais ma retraite. Je continuerai à dessiner des bandes dessinées jusqu’à ma mort », disait Richard Corben en 2014, dans une interview publiée dans les dernières pages de Ragemoor (Delirium), un récit fantastique réalisé avec le scénariste Jan Strnad. Le dessinateur américain avait vu juste.
Alors que son dernier album, Murky World, vient tout juste de paraître aux Etats-Unis, dans la revue Heavy Metal, ce maître de l’horreur est mort à l’âge de 80 ans, a-t-on appris jeudi 10 décembre. Son décès est survenu le 2 décembre, au lendemain d’une opération chirurgicale au cœur qui faisait elle-même suite à une grande fatigue depuis plusieurs mois. Son épouse a préféré attendre plus d’une semaine avant d’annoncer sa disparition.
La mort de Richard Corben, styliste hors pair mais aussi adaptateur scrupuleux de H. P. Lovecraft et d’Edgar Alan Poe, deux de ses principales influences, laisse un vide incommensurable chez ses « adorateurs » – le mot n’est sans doute pas trop faible. Le natif d’Anderson (Missouri) était, en effet, l’archétype de l’auteur « culte », ce qui ne l’empêcha pas de sombrer dans un certain anonymat au mitan de sa carrière, dans son propre pays ou en Europe, en dépit de quelques collaborations fameuses, comme sur Hellboy, de Mike Mignola.
De nombreuses récompenses, décernées par des pairs dessinateurs, attestèrent pourtant de son rayonnement dans le milieu du 9e art, comme sa nomination, en 2018, au palmarès des Grands Prix du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Seuls quatre Américains, avant lui, avaient obtenu cette distinction : Will Eisner (1975), Robert Crumb (1999), Art Spiegelman (2011) et Bill Watterson (2014).
Cinquante ans de carrière
On pourrait résumer l’œuvre de Richard Corben au casting et au bestiaire qui peuplent les dizaines d’albums qu’il a publiés en près de cinquante ans de carrière. S’y croisent une foule de mutants, zombies, créatures marécageuses, sorcières, détrousseurs de tombes, gladiateurs survitaminés, monstres simiesques, guerriers tribaux, spectres aux blousons cloutés, femmes délurées, animaux diaboliques et barbares de tout poil.
Pilier, à ses débuts, des éditions Warren Publishing, à travers les magazines d’horreur Creepy, Eerie et Vampirella, Corben a développé une esthétique unique qui emprunte autant à la culture pulp qu’à la littérature fantastique. Son travail doit aussi beaucoup à Robert E. Howard, le fondateur de l’heroic fantasy, à travers les aventures de Conan le barbare, dont il dessina quelques histoires.
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