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Mort de Jacques Secrétin, le king-pong français

Auteur d’un palmarès jamais égalé dans le monde du tennis de table, Jacques Secrétin est mort à 71 ans. Compétiteur autant que show-man, le sportif était investi dans la réinsertion des détenus.
par Victor Boiteau
publié le 25 novembre 2020 à 18h21

Ils sont peu nombreux, ceux à avoir connu deux vies comme Jacques Secrétin. Côté face, une légende du tennis de table français, au palmarès incroyable, champion de France, d’Europe, du monde en double… Côté pile, un véritable show-man, artiste de la balle qui aura popularisé sa discipline comme personne avant lui.

«La Fédération française de tennis de table a l'immense tristesse de vous annoncer la disparition de Jacques Secrétin», disait mardi matin le communiqué. «C'était un épicurien de la vie, raconte Patrick Chila, quadruple champion de France et ancien entraîneur de l'équipe tricolore. Un grand champion, qui a hissé le ping-pong au-delà des frontières. Je l'ai connu à Levallois où il était coach. Il était très généreux, agréable, populaire.»

Né en 1949 à Carvin, une cité minière du Pas-de-Calais, le jeune Jacques découvre le tennis de table à 8 ans. A la petite balle blanche, il préfère pourtant le foot entre copains. Son père, directeur d'école et pongiste, l'initie à Rang-du-Fliers, petite commune du nord de la France. «Mon père est arrivé dans le secteur pour devenir le directeur de l'école de Dannes. Ma mère faisait partie d'un club de danse où elle faisait des claquettes, racontait-il à la Voix du Nord en 2013. Tous deux étaient des gens un peu en avant-garde, des originaux dans leur genre. Mon père avait lancé un club en construisant son propre matériel, sa propre table. Tout se faisait dans l'école même. Moi, je me faisais disputer car j'allais courir dans la rivière à côté.»

Record jamais égalé

A 13 ans, il est appelé pour la première fois en équipe de France. Le début d’une carrière qui durera vingt-quatre ans. Et d’un palmarès hors norme : champion d’Europe en 1976, champion du monde en mixte (avec Claude Bergeret) l’année suivante, l’or encore en double en 1980 aux championnats du monde, champion d’Europe par équipes en 1984…

En France, Secrétin sera sacré champion 61 fois. Un record jamais égalé. Au cours de sa carrière, il sera sélectionné 495 fois en équipe nationale. De quoi faire «six ou sept fois» le tour du monde, disait-il, et d'acquérir le statut d'ambassadeur du tennis de table français à l'étranger, à une époque où les Chinois dominaient déjà la discipline.

Jacques Secrétin est surtout devenu une véritable star, en popularisant le ping-pong avec son compère Vincent Purkart, lors d'un show sportif et comique. Les acolytes tournaient autour de la table, se renvoyant la balle d'une main ou l'autre, glissant ici un billet à l'arbitre, ouvrant là une bouteille de rouge entre deux points. Spectacle de deux champions à moustache, polos colorés sur les épaules, qui a marqué une génération. «J'ai connu le tennis de table grâce au show Secrétin-Purkart, glisse aujourd'hui Patrick Chila. Ils avaient inventé un truc magnifique.»

«Se battre jusqu’au bout»

La cinquantaine passée, Jacques Secrétin s'était engagé dans la réinsertion des détenus, en intervenant dans les prisons. Un moyen de continuer à transmettre sa passion. «Il a dédié sa vie au tennis de table», dit Patrick Chila. Dans le nord de la France, où il vivait avec sa famille, il était toujours licencié et classé. A l'entraînement, ses gammes n'avaient pas pris une ride. Avec les jeunes, il tapait la balle d'un coup droit régulier, toujours friand d'un geste original. «Je transpire comme les autres et j'essaie de les faire transpirer plus que moi», disait-il à 65 ans, devant une caméra de France 3.

Plus jeune, quand on l'interrogeait sur ses secrets, il disait : «La première qualité est de se battre jusqu'au bout, d'être maître de ses nerfs, et d'avoir une condition physique appréciable.» Compétiteur dans l'âme, «l'Enfant de la balle», du nom de son autobiographie publiée en 2007, devait participer aux mondiaux vétérans 2020, à Bordeaux. En 2013, il assurait à l'Equipe : «Tant que j'aurai la santé, je tiendrai une raquette.»

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