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Critique : Un Pays Qui Se Tient Sage

La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

– Article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

 

C’est un peu étrange d’écrire sur un documentaire tel qu’Un Pays Qui Se Tient Sage, coincé entre une production Netflix et un film d’animation, d’autant que le film de David Dufresne ne cherche pas à être cinématographique. Mais son contenu était trop important pour qu’on passe à coté.

Le nom de Dufresne ne vous est pas inconnu. Journaliste, écrivain, il fait partie en mai 2018 de ceux qui relayent les images des manifestations de la place de la Contrescarpe à Paris, images qui révèleront que l’un des « policiers » tabassant des manifestant n’est autre qu’Alexandre Benalla. Par la suite, il a suivi et listé les violences au sein des manifestations des Gilets Jaunes. Le résultat de cette collection, et un minutieux travail journalistique en font le documentaire que vous pouvez découvrir en salles.

Pendant un peu moins de 90 minutes, un montage sans musique va alterner images de violences policières et séquences de débats. Le réalisateur a mis face à face différents témoins pour amener un débat, un réflexion intelligente sur ces images qui sont d’une brutalité sans nom. Certaines séquences (dont une filmée dans un restaurant Quick près des Champs Elysées et la dernière du film près de l’Assemblée Nationale) sont effroyables. Si les manifestations des Gilets Jaunes ont conduit à des tensions et à des incidents qui ont, naturellement, imposé aux forces de l’ordre d’intervenir pour faire leur métier, certaines séquences montrent des violences policières purement gratuites. Des gens qui ne faisaient qu’exercer leur droit de manifester et qui finissent par se faire tabasser. Peut-être avez-vous vu certaines images sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Mais le passage sur grand écran ne fait que renforcer la violence. On est loin, très loin de la bagarre de fiction.

Dans le film, la professeure de droit public Monique Chemillier-Gendreau, dit que « la démocratie, ce n’est pas le consensus, la démocratie, c’est le dissensus ». De fait, les débats et les discussions sont des bulles d’air salutaires. De nombreuses personnalités très différentes viennent s’exprimer avec beaucoup de calme et de justesse sur un sujet aussi grave que difficile, y compris des policiers (et même si le cabinet du ministère de l’intérieur a refusé que les hauts fonctionnaires de la police s’impliquent). Devant des images projetées sur un grand écran, bien éclairés, des hommes et des femmes font monter le niveau du débat, de l’écrivain Alain Damasio à Michel Forst, rapporteur spécial des Nations Unies, en passant par des Gilets Jaunes, des proches de victimes, des sociologues et des historiens.

Le débat va vous permettre de vous faire une opinion. Qu’est ce qui a conduit la police à en arriver ? Que reste-t-il de notre démocratie ? Très souvent, les images parlent d’elles-même comme lors de cet incident à Mantes la Jolie où des lycéens sont alignés comme des condamnés à mort. C’est de cette séquence qu’est tiré le titre du film. Il y a eu à date 961 signalements, 344 blessures à la tête, 29 éborgnés, 5 mains arrachées et 4 décès.

Un Pays Qui se Tient Sage est donc un documentaire important, quels que soient votre opinion, votre bord politique, votre quête d’un monde « d’après ». Un film dur, parfois glaçant, mais essentiel.

Un Pays Qui Se Tient Sage, de David Dufresne – Sortie le 30 septembre 2020

 

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