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Peine de mort

L'Iran a exécuté le lutteur Navid Afkari

Arrêté en septembre 2018 après des manifestations et condamné pour meurtre, l'homme clamait son innocence. L'importante mobilisation internationale et à l'intérieur du pays n'a pas suffi à le sauver.
par Pierre Alonso
publié le 12 septembre 2020 à 15h09

Au petit matin, ce samedi, le lutteur Navid Afkari a été exécuté dans la prison d'Adelabad, à Chiraz. La République islamique n'a écouté aucun appel à y surseoir : ni les dénégations du condamné qui, après avoir épuisé les recours légaux, a expliqué dans un audio que ses aveux lui avaient été extorqués sous la torture ; ni les supplications de sa mère dans une vidéo ; ni la mobilisation de la société civile en Iran qui a recouvert Twitter de son nom (نويد_افكاري#) et les murs de Téhéran de son visage ; ni celle de l'association Global Athlete, regroupant plus de 75 000 sportifs du monde entier, demandant que la République islamique soit exclue des compétitions internationales si Afkari était tué ; ni les imprécations du président Donald Trump, rendues inaudibles par le bras de fer qu'il a lancé avec les autorités iraniennes depuis son élection. Ni même le pardon que la famille de la victime s'apprêtait à lui accorder : selon l'avocat du condamné, Hassan Younessi, une rencontre devait avoir lieu dimanche entre les deux familles pour formaliser cette grâce prévue par le Code pénal iranien.

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Navid Afkari avait été arrêté le 17 septembre 2018 pour sa participation supposée à des manifestations à Chiraz. La grande ville du sud-ouest du pays, où sont enterrés les poètes persans Hafez et Saadi, connaissait cette année-là une terrible sécheresse, qui avait déclenché des émeutes sur fond de dégradation de la situation économique.

Navid Afkari est accusé d'y avoir pris part et d'avoir poignardé à mort un homme présenté alternativement comme un membre des services de renseignement et un agent de la régie municipale de l'eau. Il a été doublement condamné à mort par un tribunal révolutionnaire : pour «inimitié envers Dieu» (moharebed), un crime régulièrement utilisé contre les protestataires, et en vertu de la loi du talion («qesas»). Deux de ses frères ont également été jugés comme complices et ont écopé de lourdes peines de prison.

«Un cou pour leur corde»

L'année dernière, Navid Afkari était parvenu à faire sortir un audio des murs de sa prison. Il y décrivait les tortures subies. «Ils cherchent un cou pour leur corde», concluait l'athlète de 27 ans, médaillé en Iran et à l'international. Une phrase largement reprise dans le pays par ses soutiens. Face à la mobilisation, de plus en plus fréquente contre la peine capitale, le pouvoir s'est raidi : des aveux enregistrés ont été diffusés à la télévision d'Etat le 5 septembre, juste après la confirmation de sa condamnation par la Cour suprême.

L'agence de presse de l'autorité judiciaire Mizan a aussi démenti les accusations de torture. Samedi matin, lors de l'annonce de l'exécution de la sentence, le procureur général de la province de Fars, Kazem Mousavi, a pris soin d'assurer qu'elle avait été conduite à la demande de la famille de la victime, contrairement à ce que soutient l'avocat d'Afkari.

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Cet été, une campagne de soutien avait permis de repousser l'exécution de trois jeunes manifestants. Pas cette fois. Le pouvoir, acculé par les sanctions américaines, ébranlé par plusieurs mouvements sociaux, est allé au bout de sa logique punitive.

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