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Disparition

Mort d'Annie Cordy, figure du music-hall à la jovialité frénétique

La chanteuse-actrice-meneuse de revue-animatrice belge est morte, hier, à 92 ans.
par Guillaume Tion, avec AFP
publié le 5 septembre 2020 à 10h08

Tata Yoyo est morte, à 92 ans, ce vendredi à Vallauris (Alpes-Maritimes). «Elle a fait un malaise vers 18 heures. Les pompiers sont arrivés très vite, ont tout tenté pour la ranimer», et «elle est partie en quelques minutes», a raconté sa nièce à l'AFP. Tata Yoyo, ou l'arbre qui cache la forêt des diverses activités d'Annie Cordy, dont le talent durant soixante-dix ans de carrière aura été de passer à travers les décennies, sur disque, à la télévision et au cinéma, en laissant avant tout la trace de sa jovialité frénétique.

Née en 1928 à Laeken, un quartier de Bruxelles, Léonie Cooreman passe une enfance heureuse dans l’odeur des copeaux de bois au milieu de l’atelier de son père menuisier. Un tableau de la reine Astrid et du roi Léopold est accroché sur le mur du salon. Sa mère la pousse à chanter, à apprendre le piano, et la jeune fille se fait remarquer dans des galas de bienfaisance puis dans des radio-crochets dès l’âge de 14 ans. Meneuse de revue au Bœuf sur le toit à Bruxelles, elle intègre le Lido parisien à 21 ans. Elle change alors son nom pour Annie Cordy.

Les années 50 la consacrent comme une figure du music-hall, yes woman multisupports : un pied dans l'opérette (avec Bourvil ou Luis Mariano dans une adaptation du Chanteur de Mexico), un autre dans la chanson (la Tantina de Burgos, la Ballade de Davy Crockett…), sans oublier des tours de chant (Olympia, Bobino) et le cinéma qui la happe dès 1954 (Si Versailles m'était conté de Guitry). Elle est assistée par François-Henri Bruno, avec lequel elle partagera quarante ans de vie commune. «Il était tout pour moi. Mon mari, mon amant, mon imprésario, mon père… Je n'ai jamais été une femme à hommes. Le travail est toujours passé avant tout», expliquait-elle à Paris Match. Où elle se plaît aussi à dire qu'elle aurait pu mener une carrière à Broadway, mais «Bruno n'a pas voulu. Il m'a dit : "On mange trop mal ici ! On s'en va." Je l'aimais, je l'ai suivi».

Professionnelle maniaque du travail

C'est donc sur le Vieux Continent, et en particulier sur l'axe franco-belge, qu'Annie Cordy va devenir une incontournable du métier, tantôt le cheveu blond en pétard, tantôt coupé au bol. Elle est partout, une vie d'apparitions reliées par un regard expressif et un sourire Gibbs, à se demander ce qu'elle n'a pas fait, et surtout qui elle était vraiment, cette Annie Cordy, Bonne du curé, Frida Oum Papa, avec sa joie qui faisait parfois mal à la tête, qu'on voit dans des publicités pour la bière Tripleboeuf, qui interprétera plus tard Madame sans gêne au théâtre, ou encore du Shakespeare (les Commères de Windsor avec Patrick Préjean), se transforme en Madame SOS (1982) pour une série télé au début des années 80 ou joue dans le Cancre (2016) de Paul Vecchiali mais aussi le Bourgeois gentil mec (1969) de Raoul André et qui a un siège à son nom dans toutes les émissions télévisées de variété (Michel Drucker, les Carpentier, Danièle Gilbert) durant les années 70 et 80, télé où elle anime aussi des émissions.

Sous son grand chapeau, on trouvait une professionnelle maniaque du travail, gentiment royaliste mais pas croyante, fière d'affirmer qu'elle payait ses impôts en France et dont un des malheurs aura été de ne pas avoir eu d'enfant. Depuis hier, sur les réseaux sociaux, elle est décrite comme «une artiste complète sachant tout faire, danser, chanter, jouer la comédie, émouvoir et faire rire» (Mireille Mathieu), «populaire et solaire, à la ville comme à la scène. Avec elle disparaît la bande originale d'une vie faite de bonheurs simples, sincères, et communicatifs» (Jean Castex), «mon amie de toujours» (Line Renaud), «une amie fidèle et attentionnée autant qu'une fée de bonne humeur, une show-girl généreuse pleine de talents» (Stéphane Bern), «une cousine venue de Belgique qui donnait de la légèreté à la vie [des Français]» (ministère de la Culture), «une artiste accomplie dont l'humour et la joie de vivre représentaient si bien cette "belgitude" que l'on aime tant» (la cheffe du gouvernement belge, Sophie Wilmès)…

La baronne Léonie Cooreman, anoblie en 2004, et qui a un parc à son nom dans son quartier de naissance bruxellois, se décrivait surtout comme une fonceuse, goinfre marathonienne surbookée du spectacle. «Je suis tellement occupée que, même quand je serai morte, je ne m'en rendrai pas compte.»

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