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Coronavirus : Airbus et Boeing, un duopole à l'épreuve de la crise

En mettant un coup d'arrêt brutal à la croissance du transport aérien, la crise sanitaire a radicalement changé la donne pour Airbus et Boeing. Pour les experts, Airbus semble le mieux placé pour en sortir le premier. Reste à savoir si l'épreuve que traverse l'industrie aéronautique peut remettre durablement en cause le traditionnel équilibre à 50/50 entre les deux avionneurs.

En rebattant les cartes du transport aérien, la crise pourrait remettre en cause le duopole d'Airbus et Boeing… Ou pas.
En rebattant les cartes du transport aérien, la crise pourrait remettre en cause le duopole d'Airbus et Boeing… Ou pas. (Gilles Rolle/REA)

Par Bruno Trévidic

Publié le 21 août 2020 à 11:52Mis à jour le 21 août 2020 à 18:04

Qui d'Airbus ou de Boeing sortira le premier de la crise ? Pour l'heure, son impact est à peu près semblable chez l'Européen comme chez l'Américain. Les deux avionneurs ont vu leur chiffre d'affaires dans l'aviation commerciale fondre de moitié , avec des clients aux abonnés absents, des avions qui s'accumulent dans les hangars, des usines qui tournent au ralenti… Tous deux ont l'intention de réduire leurs effectifs d'environ 10 % d'ici à la fin de l'année. Et l'un comme l'autre jugent nécessaire de réduire les cadences de production de 40 % à 50 %, afin de s'adapter à une baisse durable de la demande d'avions neufs, jusqu'en 2023 ou 2024.

Airbus donné favori

Pourtant, si un loto sportif des experts de l'aéronautique civile existait, Airbus serait sans doute donné grand favori. « Airbus a un double avantage dans cette crise, estime Marwan Lahoud , président du directoire du fonds d'investissement ACE Management et ancien directeur de la stratégie du groupe Airbus. En recréant des frontières, la crise sanitaire pénalise davantage le trafic international que le trafic domestique, ce qui favorise le marché des moyen-courriers. Or Boeing n'a toujours pas réglé le problème du 737 MAX. Ils ont fait une erreur en voulant le relancer vite et mal. Résultat, ils ne sont toujours pas sortis de cette crise et ils vont rester derrière Airbus pendant deux ou trois ans. »

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« Boeing est très soutenu par les commandes militaires et n'a donc pas à craindre pour sa survie, souligne de son côté Marc Durance, associé chez Archery Consulting. Mais ils sont nettement désavantagés par rapport à Airbus sur le marché des moyen-courriers. C'était déjà le cas avant le Covid-19. Le déséquilibre entre le 737 et l'A320 n'a fait que s'accentuer depuis, avec de nombreuses annulations chez Boeing et très peu chez Airbus. »

Boeing plombé par le 737 MAX

Effectivement, à fin juillet, Boeing totalisait 689 annulations de commande, contre 67 pour Airbus, dont 635 annulations de MAX« Le 737 MAX est mort, affirme un bon connaisseur des Boeing. Les passagers n'en veulent pas et il y a désormais assez de 737-800 classiques d'occasion sur le marché pour satisfaire la demande. Boeing va néanmoins continuer à vendre des MAX, mais à des prix bien inférieurs à ceux d'Airbus. »

Pour cet expert, l'écart de valeur va se creuser. « La seule bonne solution pour Boeing serait d'accélérer le remplacement du 737. Mais il n'a plus les moyens de lancer un nouveau programme à 15 milliards de dollars et les technologies permettant d'offrir un gain de consommation suffisant pour justifier la commande de nouveaux avions ne sont pas encore prêtes », estime-t-il.

Airbus a les bons produits, dit son patron

Le patron d'Airbus, Guillaume Faury, affiche, lui, sa sérénité. « Nous avons les bons produits pour une sortie de crise, avec l'A321, l'A220 et l'A350, qui offrent des réductions de coûts et d'émissions de CO2 importantes », estime-t-il. Et de constater que « ces avions sont d'ailleurs ceux qui continuent à voler le plus en ce moment. Nous avons donc les moyens de sortir de cette crise plus vite que les autres, mais à condition de faire les efforts nécessaires ».

Du côté de Boeing, on a toutefois une autre lecture de la situation. Si le MAX a enregistré beaucoup d'annulations, plus de 300 sont à l'initiative de l'avionneur, afin d'assainir un carnet de commandes qui compte encore pas moins de 3.543 MAX à fin juillet. Et si le patron du groupe, David Calhoun , reconnaît que les moyen-courriers « ouvriront la voie à une reprise », il se dit persuadé que « les principes fondamentaux qui ont soutenu le transport aérien durant les cinq dernières décennies et ont permis le doublement du trafic aérien au cours des deux dernières décennies, restent intacts ».

Les fondamentaux du secteur demeurent

Le premier de ces fondamentaux est le développement de la classe moyenne en Asie, qui tire la croissance du trafic aérien depuis des années. L'autre donnée, plus récente, est la préoccupation environnementale et la nécessité de remplacer, à brève échéance, quelque 2.500 avions de plus de vingt ans, dont une majorité de Boeing, par des appareils moins gourmands en carburant et moins polluants.

Même si la crise retarde leur remplacement, les compagnies auront intérêt à investir dans des avions de nouvelle génération, dont la consommation de carburant est « inférieure de 25 % à 40 % », souligne-t-on chez Boeing. Or le gain est potentiellement plus important pour les long-courriers que les moyen-courriers. Il pourrait donc y avoir un effet de rattrapage qui favoriserait l'avionneur américain, qui a le plus d'avions en service et l'offre la plus large.

Les clients captifs de Boeing

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Par ailleurs, si la crise du 737 MAX avait permis à Airbus de porter à 80 % sa part de marché à sur les monocouloirs en 2019, la crise sanitaire l'empêche de pousser son avantage. L'avionneur européen, qui visait 63 A320 par mois en 2021 et jusqu'à 67 en 2023, prévoit de rester à 40 par mois jusqu'en 2022 au moins. De son côté, Boeing vise une production de 31 MAX par mois, début 2022. Il a déjà 450 MAX qui n'attendent plus que la levée de l'interdiction de voler pour être livrés. Un feu vert qui pourrait intervenir dès le mois prochain , même si leur retour en service prendra probablement plus de temps.

Une fois l'interdiction de vol levée, les clients du 737 MAX n'auront pas d'autre choix que de prendre livraison des avions commandés. Surtout si la reprise est au rendez-vous. Non seulement Airbus ne pourra pas leur offrir une alternative dans un délai raisonnable, mais passer d'une flotte de Boeing à une flotte d'Airbus aurait un coût trop élevé, en termes de formation des équipages et des mécaniciens. « Les compagnies monotypes comme Ryanair sont des clients captifs », estime Marc Durance.

Un duopole durable

Si bien qu'au final, l'écart de livraisons entre Airbus et Boeing devrait plutôt se resserrer, pour revenir vers le 50/50 habituel. Sur la base des baisses de cadence déjà annoncées, Airbus et Boeing devraient ainsi livrer un peu plus de 500 chacun à l'horizon 2022. Ce qui correspondrait au niveau de 2011. Et si Airbus continuera de proposer plus de monocouloirs, Boeing restera en tête pour les livraisons de gros-porteurs long-courriers, grâce à une gamme plus large (777,787 et 767 vs A350 et A330) et à son quasi-monopole sur les avions-cargos. La crise n'aura alors été qu'une parenthèse dans un duopole durablement installé.

Bruno Trévidic

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