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Suicide

Egypte : la militante LGBT Sarah Hegazi «tuée par la prison»

LGBT +dossier
Arrêtée et torturée dans une geôle égyptienne, la trentenaire s’est donnée la mort à Toronto, au Canada, où elle s’était exilée en 2018.
par Hala Kodmani
publié le 16 juin 2020 à 16h44

Arrêtée, condamnée, emprisonnée, torturée puis exilée, Sarah Hegazi, 30 ans, a fini par se donner la mort samedi à Toronto au Canada où elle s’était réfugiée. La jeune militante égyptienne pour les droits des LGBT a laissé une lettre manuscrite en arabe où l’on peut lire :

«A mes frères et sœurs : J’ai essayé de trouver le salut… mais j’ai échoué. Pardonnez-moi,

A mes amis : l’épreuve est dure et je suis trop faible pour l’affronter. Pardonnez-moi,

Au monde : tu as été extrêmement cruel et je te pardonne.»

Pain et Liberté

Depuis dimanche, ses mots sont repris par ses amis égyptiens en Egypte et dans le reste du monde arabe qui la pleurent. L’émotion et la colère s’expriment largement sur les réseaux sociaux, notamment par les camarades de combat de Sarah. Car la militante LGBT avait par ailleurs cofondé le parti Pain et Liberté et se mobilisait pour toutes les causes des droits de l’homme en Egypte, mais aussi contre les atrocités commises en Syrie.

A lire aussi : En Jordanie, censure et péril «djin» et Egypte, l'hiver d'une jeunesse «sacrifiée»

Le 22 septembre 2017, Sarah avait levé le drapeau arc-en-ciel durant un concert du groupe rock libanais Mashrou'Leila, au Caire, lui-même victime de l'homophobie qui a fait annuler plusieurs de ses concerts dans le monde arabe. Une semaine plus tard, Sarah Hegazi était arrêtée par les services de sécurité égyptiens en même temps que plusieurs autres militants LGBT. Accusée d'appartenance à une organisation «contraire à la loi», dont elle promouvait les idées, et «d'incitation à la débauche dans un lieu public», Sarah avait été maintenue en détention provisoire.

Hôpital psychiatrique

En janvier 2018, elle était libérée sous caution, après un passage en hôpital psychiatrique pour troubles post-traumatiques. «La prison m'a tuée», avait déclaré Sarah Hegazi lors d'une interview. Elle avait raconté son arrestation et sa détention dans un article écrit depuis son exil canadien en septembre 2018 et publié en arabe sur le site d'information indépendant Mada Masr.

Son témoignage, traduit en anglais, a été rediffusé lundi à la une de cette plate-forme censurée par les autorités égyptiennes. Sarah écrivait : «L'officier m'a bandé les yeux dans le véhicule qui m'a conduit dans un lieu inconnu. En descendant des escaliers, j'ai senti une odeur nauséabonde et entendu des cris de douleur. J'ai été installée sur une chaise, les mains attachées dans le dos et un morceau de tissu dans la bouche. Peu après, j'ai senti des convulsions dans le corps puis j'ai perdu connaissance. J'ai été électrocutée. On m'a menacé de nuire à ma mère si j'en parlais. Ma mère est morte quelque temps après mon départ. […] Puis comme si l'électrocution n'avait pas suffi, les policiers ont incité les autres détenues à m'agresser sexuellement, physiquement et verbalement.»

Alors que la loi égyptienne ne criminalise pas explicitement l'homosexualité, les autorités invoquent les lois contre la prostitution pour engager des poursuites pour «indécence et atteinte à la moralité publique». L'an passé, 92 personnes LGBT ont été arrêtées en Egypte, selon un groupe de défenseurs des droits local.

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