C’est en visitant régulièrement l’Albright-Knox Museum de Buffalo (Etat de New York), ville où elle est née le 29 janvier 1945, que Susan Rothenberg s’initie aux arts. Elle suit ses études à l’université Cornell, dont elle est diplômée en 1967, passe ensuite très brièvement – deux semaines – par la Corcoran School of the Arts and Design de Washington, puis se fixe à New York. Elle y travaille d’abord avec la performeuse, cinéaste et vidéaste Joan Jonas et rencontre à cette occasion son premier mari, le sculpteur George Trakas. Elle est morte, lundi 18 mai, à Galisteo (Nouveau-Mexique), à l’âge de 75 ans,
Survient au début des années 1970 un événement décisif pour elle et qui a exercé une influence considérable sur la création contemporaine : Rothenberg commence à peindre des chevaux. Cette décision va à rebours des idées reçues dans le monde artistique new-yorkais d’alors. Les formes et les doctrines des artistes minimalistes et conceptuels sont hostiles au médium pictural, tenu pour désuet, et, à plus forte raison, ennemis résolus de la figuration.
Regardées aujourd’hui, ces toiles ne peuvent manquer d’évoquer les représentations animales préhistoriques
Des décennies plus tard, l’artiste racontera comment elle est « tombée » sur le cheval et a résolu d’en faire son motif – « comme le drapeau pour Jasper Johns », un motif sans signification particulière, avec le moins d’illusionnisme possible, un exercice de pure peinture. Sur de grands formats dont le fond est le plus souvent divisé en deux zones de couleurs différentes séparées par une ligne verticale, elle fait apparaître par touches appuyées des chevaux vus de profil, marchant ou courant.
Regardées aujourd’hui, ces toiles ne peuvent manquer d’évoquer les représentations animales préhistoriques, que ce soit en raison de leurs dimensions, de l’attention portée à la suggestion du mouvement ou de leurs tonalités d’ocre et de charbon.
Des anomalies
Quand ces œuvres apparaissent, elles sont donc immédiatement identifiées comme des anomalies – et cela d’autant plus que Rothenberg est une jeune femme qui veut exister dans un monde artistique nord-américain alors presque exclusivement masculin et qui rechigne encore à reconnaître l’importance de Louise Bourgeois ou de Nancy Spero.
L’étrangeté provocatrice de ses peintures vaut aussitôt à Rothenberg une réputation de scandale. Elle lui vaut aussi d’être admise dans l’exposition « New Image Painting » qui a lieu au Whitney Museum en 1978, l’une des toutes premières à prendre acte de la remise en cause d’un minimalisme abstrait qui n’est alors plus une avant-garde, s’il n’est pas déjà devenu un académisme.
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