Robert Bru, ancien entraîneur du Stade Toulousain, est mort

En rugby comme en bien d’autres matières, le grand public n’a souvent d’yeux que pour les héros des soirs de finale. Il oublie souvent ceux qui leur ont appris à marcher. Dans la mythologie du Stade toulousain, Robert Bru fait pourtant bien partie des dieux les plus connus des férus du XV rouge et noir et de son jeu si caractéristique, le fameux "jeu à la toulousaine".

Aux côtés de Claude Labatut, de Pierre Villepreux, Jean-Claude Skrela, Guy Novès et de quelques autres, il est là, sur l’Olympe, avec sa petite barbe en collerette.

Jamais au-devant de la scène, mais plutôt sur un côté, à partager le bonheur des soirs de transe au Capitole, quand les héros fendent la foule pour brandir le Bouclier de Brennus au balcon de l’hôtel de ville. Un peu comme sur les photos, d’ailleurs. Ils ne sont pas nombreux les photographes à avoir saisi son œil rieur. S’ils avaient su.

Hier, à Salles-d’Aude, dans la commune où il est né, est mort Robert Bru, que beaucoup présentent comme le père de la méthode toulousaine. Et pourtant, entraîneur du Stade toulousain de 1980 à 1983, il n’a rien gagné, mais qu’est-ce qu’il a formé ! Il suffit d’entendre Pierre Villepreux, celui qui fut l’un des premiers à mettre en pratique les théories de Robert Bru aux côtés de Jean-Claude-Skrela, égrener les noms, pour comprendre : "Pour moi, Robert, c’est avant tout le formateur, l’enseignant du Creps de Toulouse qui a vu passer entre ses mains les Novès, Gabernet, Maset, Cigagna…" N’en jetez plus !

"La transmission, c’était sa force. Son humanisme et sa façon de faire passer les messages nous ont guidés", renchérit Guy Novès (lire ci-dessous). Y avait-il d’ailleurs une méthode Bru, comme il y a le théorème de Pythagore ou l’algorithme d’Euclide ? En ce jour de peine, la question tirerait presque un sourire à Pierre Villepreux : "Il nous a montré la voie pour le jeu de mouvement mais en fait, il créait plus de problèmes qu’il ne donnait de solutions aux joueurs. Il n’était pas l’entraîneur qui dit ce qu’il faut faire. Pour lui, c’était aux joueurs de s’adapter aux situations, de trouver les solutions."

C’était en quelque sorte ce que Pierre Villepreux, une fois devenu entraîneur du XV de France aux côtés de Jean-Claude Skrela, allait définir comme "l’intelligence situationnelle". "L’essence même de notre jeu, la recherche des intervalles, jouer plutôt du côté où il y a moins de défenseurs que l’inverse, le "B.A.-ba" mais ce qu’on ferait bien de rechercher de nos jours", poursuit Guy Novès. Les passes avant contact, l’évitement, les passages au sol proscrits… tout ceci, c’est en grande partie la marque Robert Bru. Il nous revient en mémoire un coup d’éclat, lors de la finale du championnat de France 1989 qui vit le Stade toulousain battre le RC Toulon.

Le virus du jeu

On veut parler de la folle chevauchée de Denis Charvet qui inscrivit ce soir-là un essai de plus de 50 mètres. Qui se souvient de la dernière passe, cette offrande dans l’intervalle ouvert par Didier Codorniou – tiens un autre Audois – un exemple parmi tant d’autres du tube printanier "jeu de mains, jeu de Toulousains" ?

On imagine alors le bonheur intérieur de l’éducateur en regardant ses enfants s’amuser. Comme si c’était écrit, le plus triste, c’est que Robert Bru s’en va alors que le rugby est privé de ses belles envolées en raison d’un virus dévastateur. Il avait su faire partager celui du jeu à Toulouse. Le club lui réservera sans doute dès la reprise un hommage à la hauteur de son apport dans l’histoire du club.