« Je suis le seul qui ait fait un parcours dans l’audiovisuel en le réussissant » ou « je préfère commander que subir. J’ai le goût du pouvoir, être numéro 2 ou 3 ne m’intéresse pas ». Voici quelques-unes des confidences qu’Hervé Bourges a distillées au gré de sa longue et riche carrière de journaliste. Celle-ci l’a conduit jusqu’à la présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Il avait auparavant dirigé (entre autres) France Télévisions, TF1, RMC, RFI, Canal+ Afrique, l’Ecole de journalisme de Lille ou celle de Yaoundé, au Cameroun, qu’il a aussi fondée.
Hervé Bourges, qui vient de s’éteindre, dimanche 23 février, à l’âge de 86 ans, dans un hôpital parisien, ne manquait ni d’autorité ni de charisme, sans compter l’idée, haute, qu’il avait de lui-même. Homme d’action et de persuasion, il adorait le pouvoir et a été un fidèle de François Mitterrand, puis de Jacques Chirac, lorsqu’ils occupaient l’Elysée.
Patron, pendant six ans, de l’autorité indépendante chargée de réguler l’audiovisuel français, il n’a pu qu’apprécier le titre que Le Monde lui a consacré, le 23 janvier 2001, alors qu’il s’apprêtait à tirer sa révérence : « Le CSA, c’est moi », tant il a régné en maître sur l’institution, se révélant comme un véritable « apôtre du dialogue et du consensus », autre facette de sa personnalité.
Mutisme éloquent
Depuis, le potentat des médias s’est muré dans un mutisme éloquent, ne daignant sortir de sa réserve que pour parler de son autre grande passion, le continent africain, qu’il avait découvert au moment de la décolonisation, au début des années 1960. Ainsi, après deux années de recherches et d’introspection dans ses souvenirs, il a signé, en 2017, dans la célèbre collection des « Dictionnaires amoureux » chez Plon, celui consacré à l’Afrique. Il y explique avoir « connu les artisans des indépendances africaines, comme les dirigeants et les opposants, les artistes, les intellectuels et les journalistes » et, surtout, en observant l’évolution actuelle du continent, il assure vouloir n’entretenir « aucune chimère tiers-mondiste » et témoigner de son grand attachement aux Africains.
Car au fond, retracer la vie d’Hervé Bourges revient à raconter de manière entrelacée deux histoires françaises passionnantes et compliquées, sur près d’un demi-siècle : les relations que la France entretient avec l’Afrique, depuis le général de Gaulle et ses successeurs, mais aussi les transformations du paysage audiovisuel français, sur la même période. Le tout, avec le prisme du journalisme, le métier qu’il s’est choisi.
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