Littérature : "Voir de ses propres yeux", d'Hélène Giannecchini (Seuil), "Elmet", de Fiona Mozley (Joelle Losfeld), "Old M.Flood", de Joseph Mitchell (Editions du sous-sol)

"Voir de ses propres yeux", "Elmet", "Old M.Flood"
"Voir de ses propres yeux", "Elmet", "Old M.Flood"
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Au sommaire de La Dispute Littérature : "Voir de ses propres yeux", d'Hélène Giannecchini (Seuil), "Elmet", de Fiona Mozley (Joelle Losfeld), "Old M.Flood", de Joseph Mitchell (Editions du sous-sol) et le coup de ♥ de Philippe Chevilley...

Avec

"Voir de ses propres yeux", d'Hélène Giannecchini (Seuil), une taxidermie poétique 

"Voir de ses propres yeux", d'Hélène Giannecchini (Seuil)
"Voir de ses propres yeux", d'Hélène Giannecchini (Seuil)

Présentation : Comment vivre avec nos morts ? Une femme est entourée de défunts qu’elle a aimés et dont les noms s’effacent. Pour réinventer son lien à ces présences, elle choisit de les inscrire dans une histoire, celle de l’art et des sciences, qui abolit leurs singularités mais permet de s’adresser à eux. Là où il est écrit « dissection », « cadavre », elle dit secrètement « tu » ou « vous » et fait place à ses fantômes muets et bienveillants. L’anatomie et son cortège de figures sont les supports d’un récit qui explore les possibles de la mort, son extraordinaire pouvoir d’invention et ses liens étroits avec l’image.

L'avis des critiques

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« Ce livre m'a mise dans un état de désespoir, et je pense qu'il le fait sciemment. La narratrice est en effet dans une quête permanente, qui est une quête désespérée, et qui serait finalement une tentative de coller une expérience esthétique de la recherche, quasiment boulimique, de la représentation de la mort, avec l'expérience personnelle. A chaque fois qu'elle est dans un moment de détresse, elle cherche la référence, les images toutes faites qui pourraient l'aider à faire de la mort quelque chose d'intellectuel, de cérébral et donc de maîtrisable. » Lucile Commeaux

« Tout ce texte se lit comme une exploration, comme une volonté farouche, forcenée, obsessionnelle de faire corps avec la mort, de la prendre à bras-le-corps. Toutefois, on est jamais dans la morbidité, dans le sinistre. Je pense que ça tient énormément à la langue, à l'écriture extrêmement méticuleuse, précise, élégante et pudique d'Hélène Giannecchini. » Elisabeth Philippe

« J'ai été fasciné, intéressé, bousculé par ce récit et son point de départ qui est de ne pas invoquer l'esprit ou les souvenirs des morts mais d'aller directement à ce qu'il reste de leur corps. J'ai une réserve mais elle est finalement très personnelle. J'aime bien les histoires de fantômes, revenir à l'esprit des morts par les souvenirs, par les rêves ; et c'est vrai qu'avec ce récit, je suis forcé d'aller vers quelque chose de beaucoup plus concret, de plus morbide. Finalement, cette quête donne l'impression que vers la fin, nous sommes attirés par la mort et on a pas ce retour à la lumière ou à la vie que j'aurais souhaité voir. » Philippe Chevilley

« Avoir écrit « Roman » sur la couverture peut fausser ou rendre difficile l'accès au livre. Moi j'ai eu quelques difficultés à entrer dans ce livre, je me demandais ce que j'étais en train de lire. Ça m'intéressait, les références m'intéressaient, mais je n'étais pas tout à fait certain de savoir ce que je lisais. Et en fait je pense que c'est une question qui est vraiment inutile et qu'il faut balayer. » Arnaud Laporte

"Elmet", de Fiona Mozley (Joelle Losfeld), des vies d'amour et d'eau fraîche

"Elmet", de Fiona Mozley (Joelle Losfeld)
"Elmet", de Fiona Mozley (Joelle Losfeld)

Présentation : John Smythe est venu s’installer avec ses enfants, Cathy et Daniel, dans la région d’origine de leur mère, le Yorkshire rural. Ils y mènent une vie ascétique mais profondément ancrée dans la matérialité poétique de la nature, dans une petite maison construite de leurs mains entre la lisière de la forêt et les rails du train Londres-Édimbourg. Dans les paysages tour à tour désolés et enchanteurs du Yorkshire, terre gothique par excellence des sœurs Brontë et des poèmes de Ted Hughes, ils vivent en marge des lois en chassant pour se nourrir et en recevant les leçons d’une voisine pour toute éducation.

L'avis des critiques

« Le premier tiers m'a paru pauvre, dans le style comme dans la narration. L'univers du conte, n'est pas très intéressant et je l'ai trouvé schématique. Toutefois, le récit a commencé à m'intéresser à partir du moment où cet univers se retrouve concurrencé par une autre forme : la jacquerie féodale. Il se met en place une vraie dynamique, un déchaînement de violence, et on fait communauté avec les  pauvres pour essayer de se confronter à ce méchant capitaliste. » Lucile Commeaux  

« La dimension du conte est très importante mais je trouve qu'il y a toutes les limites inhérentes à ce genre dans ce livre. Il y a une forme de manichéisme, avec l'opposition entre les bons et les méchants, la nature et la culture, la civilisation et la sauvagerie, l'humanité et l'animalité. Fiona Mozley est trop articulée autour de la binarité, elle a du mal à en sortir. » Elisabeth Philippe

« Ça commence comme un roman bucolique ou un conte de fées, la petite maison dans les bois en quelque sorte. Puis ça va se transformer en un thriller ultra violent à l'américaine, et la belle narration change de style et passe d'un paradis un peu virtuel à l'enfer. » Philippe Chevilley

"Old M. Flood", de Joseph Mitchell (Editions du sous-sol), quand le journalisme rencontre la fiction

"Old M. Flood", de Joseph Mitchell (Editions du sous-sol)
"Old M. Flood", de Joseph Mitchell (Editions du sous-sol)

Présentation : Comme souvent dans les récits de Joseph Mitchell, il ne se passe pas grande chose, sinon la rencontre entre les deux hommes, occasion d’un portrait de ce personnage excentrique – y compris à l’aune des critères de l’auteur, assez élevés en la matière. M. Flood se définit comme un « fruitdemerien » qui, depuis presque six décennies, n’a pratiquement rien mangé d’autre que du poisson, des langues de raie frites, de l’anguille, des palourdes, du crabe et tout ce qui est vendu au marché de Fulton Street. Il se dit convaincu que le secret de sa longévité réside dans son régime alimentaire. Lorsque Mitchell mentionna pour la première fois son nom dans les colonnes du New Yorker en janvier 1944, M. Flood avait quatre-vingt-treize ans et sa principale préoccupation était d’atteindre l’âge de cent quinze ans. C’était bien entendu une idée absurde en soi, mais après avoir fait plus ample connaissance avec le vieux M. Flood, la plupart des lecteurs furent convaincus qu’il y parviendrait.

L'avis des critiques

« Cette non-fiction typiquement américaine entre portrait et nouvelle est un régal. Au delà du pittoresque du personnage, il ressort quelque chose de finalement morbide. Le personnage a quelque chose de très gai, drôle, burlesque, et presque de l'ordre du bouffon parfois. Mais en même temps, il y a un fond noir, qui me fait penser au cinéma noir et me laisse une impression de mélancolie. Cela résulte aussi de la forme de la nouvelle, les trois récits se finissent en suspension. » Lucile Commeaux

« La mort flotte constamment dans les textes, qui sont paradoxalement d'une grande vitalité, ils fourmillent d'odeurs, de sons, de goûts. Ce que je trouve particulièrement impressionnant, c'est qu'à travers ce personnage composite qui est sur le point de disparaître, Joseph Mitchell parvient à faire revivre une époque, un monde, un quartier, une ville, ce New York prolétaire, qui sont eux aussi sur le point de disparaître. » Elisabeth Philippe

« Un nonagénaire, en 1944-1945, à Manhattan, qui veut vivre jusqu'à 115 ans en mangeant des palourdes, c'est pas franchement le sujet qui me fascine le plus en ce moment. Et pourtant on est pris tout de suite, et c'est assez mystérieux de se faire avoir ainsi. »  Philippe Chevilley

♥ Le coup de cœur ♥ pour "Le Roman de Tyll Ulespiègle", de Daniel Kehlman (Actes Sud)

"Le Roman de Tyll Ulespiègle", de Daniel Kehlmann (Actes Sud)
"Le Roman de Tyll Ulespiègle", de Daniel Kehlmann (Actes Sud)

Présentation : Avec cette fresque historique géniale et décalée, Daniel Kehlmann réinvente la légende de Till l’Espiègle, figure insolite de la culture européenne, et nous plonge au cœur de la guerre de Trente Ans (1618-1648). À la suite de la condamnation de son père pour sorcellerie, Tyll fuit son village natal en compagnie de son amie Nele. Ensemble, ils embrassent la liberté mais aussi les difficultés de la vie de saltimbanques et voyagent à travers une Europe ravagée par les guerres de Religion. Arpenteurs d’un monde vacillant sur ses bases, ils nous entraînent dans un roman plein de surprises et de résonances actuelles, éloquent, moderne et enthousiasmant.

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