Écosse, Irlande du Nord, pays de Galles: les enjeux du scrutin dans les trois nations britanniques
L’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du Nord ne rassemblent que 5 des 32,2 millions d’électeurs britanniques qui se sont rendus aux urnes en 2017. Les enjeux directs dans ces États diffèrent parfois mais peuvent influencer le vote dans le reste du pays.
- Publié le 11-12-2019 à 13h07
- Mis à jour le 12-12-2019 à 07h10
Les unionistes irlandais ne veulent pas de l’accord signé par le Premier ministre Johnson. Côté écossais, le parti nationaliste, favorable à un second référendum, caracole en tête. Les Tories gallois sont largement favoris.
L’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du Nord ne rassemblent que 5 des 32,2 millions d’électeurs britanniques qui se sont rendus aux urnes en 2017. Les enjeux directs dans ces États diffèrent parfois mais peuvent influencer le vote dans le reste du pays.
Irlande du Nord : trahie par Johnson
Boris Johnson s’est présenté pendant des mois comme le sauveur de l’union du royaume et le défenseur des unionistes nord-irlandais. Pour obtenir in extremis un accord de Brexit avec les Vingt-sept, le Premier ministre britannique n’a pourtant pas hésité à revenir sur sa promesse. Deux mois plus tard, en l’occurrence ce lundi, il continue à clamer qu’"il n’y aura pas de contrôles" des biens voyageant de Grande-Bretagne (Angleterre, Écosse et pays de Galles) vers l’Irlande du Nord. "Si vous regardez l’accord, nous sommes intégrés dans le même territoire douanier", a-t-il même affirmé avant de répéter : "L’ensemble du Royaume-Uni sort de l’Union européenne".
Tout cela n’est pourtant que mensonge. Et c’est Arlene Foster, la dirigeante du Parti démocratique unioniste (DUP), allié des conservateurs au parlement, qui l’a dit lundi : le DUP a subi "une trahison" après qu’"un homme n’a pas tenu sa parole". Elle a ainsi expliqué avoir eu un rendez-vous dès le mois d’octobre avec le ministère des Douanes : "Nous leur avons posé un certain nombre de questions sur les biens entrant en Irlande du Nord. Ils ont été clairs : tous les biens devront être contrôlés."
Pour les unionistes, ce détail est capital. Le lien naturel et fluide entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni est rompu. L’Irlande du Nord est désormais, d’un point de vue commercial, autant liée à la République d’Irlande qu’au Royaume-Uni. À leurs yeux, le risque d’une réunification des deux Irlande est donc tout à fait réel. D’où leur opposition totale à l’accord de Brexit négocié par Boris Johnson. Cela devrait pousser le vote en faveur du Brexit Party aux dépens des conservateurs dans le reste du pays.
Leur soutien prolongé aux conservateurs pourrait se retourner contre eux jeudi. Les partis favorables au maintien dans l’UE, les centristes de l’Alliance et les républicains du Sinn Fein et du Parti social-démocrate et travailliste (SDLP), se sont alliés dans plusieurs circonscriptions pour tenter de leur faire perdre trois de leurs dix sièges à la chambre des Communes. Nigel Dodds, le dirigeant du DUP à Westminster, est notamment sur la sellette.
Écosse : référendum à la clé ?
Le Parti national écossais (SNP) de Nicola Sturgeon remportera une nouvelle fois la majorité des 59 sièges en jeu en Écosse. En 2017, il en avait perdu 21 et n’en avait préservé que 35, en raison d’un fort rebond de tous ses adversaires et principalement des conservateurs alors dirigés par l’impressionnante Ruth Davidson (de 1 à 13 sièges). Cette dernière s’est retirée de la politique pour des raisons personnelles. Son parti semble néanmoins bien parti pour répéter une performance similaire, au moins en pourcentage (28,6 %). Ce n’est pas tant le message pro-Brexit de ses candidats qui porte que leur opposition au second référendum réclamé par le SNP.
Cette éventualité est devenue d’autant plus crédible que le leader du Parti travailliste écossais Richard Leonard a expliqué que son parti ne "s’opposerait pas" à un second référendum d’indépendance si le SNP obtient la majorité lors des élections parlementaires écossaises de 2021. Le Labour paie d’ailleurs les conséquences de son manque de positionnement sur l’indépendance. Il aura bien du mal à préserver ses sept sièges actuels. Et dire que jusqu’à l’élection de 2015, le Parti travailliste était la première force régionale avec 41 sièges… Plus largement, cette menace favorise le vote conservateur dans le reste du pays.
Pays de Galles : percée historique des Tories ?
2019 devrait être l’année de tous les records pour les conservateurs au pays de Galles, une région historiquement dominée par le Labour. Lors de l’arrivée au pouvoir de Tony Blair en 1997, les Tories n’obtinrent que 19,5 % des voix et aucun député aux Communes, contre 54,7 % des voix et 34 des 40 sièges de députés pour le nouveau Premier ministre travailliste. Il fallut attendre 2005 pour que les conservateurs gallois soient de nouveau représentés à Westminster.
En 2017, Theresa May réalisa le meilleur score de son parti des quarante dernières années avec 33,6 % des votes pour seulement 8 députés et 48,9 % et 28 députés pour les travaillistes de Jeremy Corbyn. Jeudi, Boris Johnson pourrait faire encore mieux : la dernière enquête d’opinion publiée lundi le crédite de 37 % des voix et 16 sièges contre 40 % et 20 sièges au Labour. Ce serait pour l’un et pour l’autre le meilleur et le pire résultat au pays de Galles depuis la Seconde Guerre mondiale. Un tremblement de terre sans doute déterminant pour permettre à Boris Johnson d’obtenir la majorité aux Communes.
Cette progression s’explique par le Brexit et la déconnexion progressive du Labour des classes ouvrières, son électorat traditionnel. Professeur de sciences politiques à l’université de Cardiff, Roger Awan-Scully met également en avant "l’incapacité de Jeremy Corbyn à améliorer son image dans l’électorat, contrairement à ce qu’il était parvenu à faire en 2017".