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«On envisage pour la première fois de guérir l'ostéoporose»

Bien que prometteur, ce traitement contre l'ostéoporose doit encore attendre de recevoir l'aval de Swissmedic.

Les formes sévères d'ostéoporose vivent peut-être leurs dernières heures. Un traitement dont on parle depuis quelques années, le romosozumab, pourrait changer la donne, selon les experts. Alors que l'ostéoporose est la première cause d'occupation des lits d'hôpitaux en Suisse, les traitements sont toujours proposés à très long terme, du moins jusqu'à maintenant. La durée de traitement pourrait être fortement réduite grâce à ce nouvel anticorps très efficace, déjà utilisé au Japon et aux États-Unis.

Sa mise sur le marché vient d'être approuvée par l'Agence européenne des médicaments (AEM), après quelques aléas. En effet, la molécule a dans un premier temps été refusée par l'AEM en juin, soupçonnée d'augmenter les risques de problèmes cardiaques. Mais elle vient finalement d'être autorisée à la faveur d'un réexamen. Le «romo» doit encore recevoir l'aval de l'autorité suisse compétente, Swissmedic. Le Pr Ferrari, chef de service des maladies osseuses des HUG, est très confiant. Aussi président de l'Association suisse contre l'ostéoporose, il nous explique les enjeux de cette nouvelle molécule.

Qu'est-ce que le romosozumab?

C'est un anticorps qui vient bloquer un facteur qui freine la formation osseuse. Autrement dit, c'est l'ennemi de mon ennemi. C'est un principe d'action totalement nouveau. Jusqu'à maintenant, on n'avait qu'une molécule qui permettait de reconstruire de l'os, la teriparatide, ou Forsteo sur le marché, qui n'intervenait qu'en troisième ligne. Les autres traitements existants agissent par un autre biais, en freinant la perte osseuse. C'est le cas du fameux denosumab, commercialisé sous le nom de Prolia, dont on a beaucoup parlé récemment en raison des complications liées à l'arrêt du traitement.

Quels sont les avantages du nouveau traitement?

C'est un changement de paradigme. Jusqu'à maintenant, les traitements proposés étaient extrêmement prolongés, sur une durée de dix ans et plus, avec de potentiels effets secondaires et complications. La simple idée d'un traitement qui s'étale sur deux ou trois ans seulement est très encourageante. D'autant qu'il faut être réaliste, un patient sur deux arrête son traitement après deux ans. L'adhérence thérapeutique à ce stade-là est à 50% dans le meilleur des cas. Alors que le «romo» va s'administrer pendant une année, et demande ensuite à être pris en relais par d'autres traitements.

Il est plus rapide, mais aussi plus efficace?

Des études ont montré sa supériorité en termes de gain de densité osseuse et de réduction des fractures. Ce qui est tout à fait fascinant, c'est qu'il est tellement puissant qu'en deux ans, on va regagner autant d'os qu'en huit ans de traitement standard! Donc on divise par quatre le temps nécessaire à reconstruire son os. En termes de diminution de risque de fracture, il fait deux fois mieux que le traitement standard. On envisage pour la première fois de pouvoir guérir la maladie.

«Ce traitement ne s'adresse pas à Madame tout le monde»

Cela est-il vrai pour tous les patients?

Non, ce traitement s'adresse aux patientes à haut risque, sévèrement atteintes, ce ne sera pas pour Madame tout le monde. Cela va concerner une minorité, sans doute moins de 10% des patients atteints d'ostéoporose.

Le romosozumab a d'abord été refusé en Europe car il pourrait favoriser des événements cardiaques. La volte-face récente de l'AEM n'inspire pas confiance…

La première décision de l'AEM était émotionnelle, et de loin pas unanime parmi les 27 jurés, dont une partie a voté favorablement pour la molécule. Dans une des deux études cliniques, il y a eu plus de cas d'accidents vasculaires, infarctus et attaques cérébrales comparé à un autre traitement, l'alendronate. Dans une toute petite proportion. Alors que dans une deuxième étude plus grande, contre placebo, il n'y a pas eu de complications de ce genre. Donc le médicament ne sera probablement pas utilisable chez les patients ayant déjà des antécédents cardiaques. Les données ont été réexaminées par un groupe d'investigateurs totalement indépendants. Les bénéfices sont tels que les risques paraissent très faibles à côté.

Pourquoi Genève est-elle particulièrement liée à ce nouvel anticorps?

Les HUG et l'Université de Genève ont participé aux études cliniques. J'ai moi-même pris part à l'analyse et à la publication des résultats d'une des deux grandes études internationales sur le sujet. Mon laboratoire s'intéresse depuis longtemps à cette molécule.

Avez-vous des liens d'intérêts avec les deux entreprises qui vont développer le romosozumab (l'américaine Amgen et la belge UCB Pharma)?

Je suis consultant pour ces compagnies, mais sans rémunération directe, je ne touche pas d'honoraires de leur part. Il ne faut pas confondre les conflits d'intérêts avec les simples liens d'intérêts. Car l'interaction entre les industries, les médecins et le monde académique est constante pendant le développement d'un médicament.