Tech&Co
Vie numérique

Sur YouTube, les agriculteurs racontent leur quotidien et ça cartonne

-

- - Capture d'écran de la chaîne "Agriskippy la ferme les vaches"

Ils exercent une profession au cœur de nombreuses controverses. Pour faire découvrir leur réalité, des agriculteurs ont choisi de s'exprimer sur YouTube. Non sans succès.

Tout a commencé pendant la campagne de l’élection présidentielle de 2017. Le collectif AnimalPolitique, qui milite pour l'amélioration de la condition animale, présente alors une série de recommandations adressées au éleveurs. "Comme d’autres collègues, je les respectais déjà toutes”, explique Antoine Thibault, éleveur de vaches laitières dans l’Eure. Pour le faire savoir, il ouvre une chaîne YouTube baptisée Agriskippy.

Sa première vidéo est tournée pendant les vacances de Noël 2016. Son neveu tient la caméra et sa fille, les “pancartes pense-bêtes”. “La vidéo a eu un succès immédiat, elle était sûrement au bon endroit au bon moment”, raconte avec modestie celui qui a repris l’exploitation de son père il y a bientôt 18 ans. La chaîne Agriskippy compte aujourd’hui 18.800 abonnés

D’autres ont aussi choisi YouTube comme porte-voix. L’audience des “agri-youtubeurs”, comme les a surnommés la plateforme de Google, explose depuis 2017. Éleveurs, maraîchers, céréaliers... Les profils sont aussi variés que l’agriculture. Certains sont même spécialisés dans le jeu vidéo comme Benjamin de la chaîne Benji Farmer. À seulement 19 ans et après quatre ans de présence sur YouTube, le Vendéen cumule 158.000 abonnés. Il a maintenant mis de côté le jeu Farm Simulator pour “filmer la réalité de l’agriculture”, dans la ferme de son grand-père ou de ses voisins. 

Faire de la pédagogie 

Comme Antoine (Agriskippy) de l’Eure, Etienne est éleveur d’environ quatre-vingt vaches laitières dans la Sarthe. Une exploitation familiale, qu’il est la cinquième génération à reprendre.

“Je suis actif sur Twitter depuis plusieurs années et j’ai lu beaucoup de bêtises. Alors j’ai commencé à expliquer mon métier mais ce n’était pas un média adapté. Donc je me suis mis à faire des vidéos YouTube”, détaille Etienne, à la tête de la chaîne “Etienne, agri youtubeurre”, suivie par 18.000 fans. 
Etienne, agri youtubeurre
Etienne, agri youtubeurre © Etienne, agri youtubeurre

Avec leurs vidéos, ils souhaitent aussi montrer une autre facette du métier d'agriculteur

“Je trouvais la communication injuste", témoigne Antoine Thibault (Agriskippy). "Soit on entendait les groupes agroalimentaires qui donnaient une image trop idyllique du métier, soit c'était les syndicats qui mettaient en avant des gens en train de se plaindre”.

Leur but principal reste de faire de la pédagogie. Sur sa chaîne, Etienne explique comment fonctionne l’ensilage de maïs, un robot de traite, ce qu’est une génisse ou encore pourquoi la vache rumine. Dans une vidéo, il déconstruit le discours de la youtubeuse canadienne Erin Janus et de la française Coline du blog "Et pourquoi pas Coline" concernant l’élevage des vaches laitières. Toutes deux se revendiquent “vegan”.

"J’ai reçu de nombreuses insultes de la part des militants vegan"

Pour des raisons évidentes, les communautés vegan et animalistes leur cherchent régulièrement des noises. La notion du bien-être de l’animal est centrale dans leur discours et les agri-youtubeurs l’abordent donc régulièrement. C’était même le sujet de la toute première vidéo mise en ligne par Antoine Thibault (Agriskippy). 

“J’ai reçu de nombreuses insultes de la part des militants vegan. Je venais de commencer donc je ne m’y attendais pas. Je ne connaissais pas vraiment le monde des réseaux sociaux. On m’a insulté, traité de violeur de vaches… C’était violent.”

Face au déferlement de haine, il décide de supprimer les commentaires sur les conseils de sa femme. “Je suis favorable à la liberté d’expression, mais il ne faut pas non plus aller dans l’injure!”, prévient l’éleveur, loin d’être découragé. Il observe même qu’à force de travail, les insultes se font plus rares.

Les chaînes indiennes monopolisent le classement

Les Français sont peu représentés dans le classement mondial des chaînes YouTube liées au monde agricole, largement trusté par les Indiens. Ils représentent douze des vingt chaînes les plus influentes et la première, "Farming Leader", compte 2,39 millions d'abonnés. Juste après viennent les Etats-Unis, avec quatre chaînes.

"On m'a raconté qu'un youtubeur américain gagnait plus avec YouTube qu'avec son exploitation!", s'étonne Antoine alias Agriskippy. Aucun moyen de vérifier cette affirmation mais dans tous les cas, les Français en sont loin. Ils ne gagnent pas vraiment d'argent car peu de chaînes sont monétisées. Et même quand elles le sont, elles ne rapportent que quelques dizaines d'euros par mois. Un petit pécule réinvesti dans le matériel vidéo. Mais tous l'assurent, ils ne sont pas prêts de ranger la caméra au placard. 

https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil Journaliste BFM Tech