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Droit de retrait : deux inspecteurs du travail mettent en garde la SNCF

Les représentants du ministère du Travail suggèrent la plus grande prudence à la direction de l'entreprise désireuse de prendre des mesures disciplinaires à l'égard des conducteurs de train qui ont exercé leur droit de retrait, après l'accident intervenu mercredi en Champagne-Ardenne.
par Franck Bouaziz
publié le 20 octobre 2019 à 16h48

Visiblement le pouvoir exécutif ne parle pas d'une seule et même voix sur le conflit en cours à la SNCF, qui a sérieusement perturbé le trafic régional et grandes lignes vendredi et samedi. Vingt-quatre heures après les arrêts de travail en série de cheminots, à la suite d'un accident intervenu à Saint-Pierre-de-Vence (Ardennes) mercredi, le Premier ministre s'est fait plutôt incisif. Edouard Philippe dénonce «un détournement du droit de retrait qui s'est transformé en grève sauvage», avant de demander à la SNCF d'examiner : «Toutes les suites qui pouvaient être données et notamment judiciaires.»

Les cheminots ont cessé le travail non pas sur la base du droit de grève qui impose un préavis de quarante-huit heures. Ils se fondent sur le droit de retrait. Ce dispositif, prévu par le code du travail, permet à un conducteur de train de cesser son activité dès lors qu'il est confronté à un «danger grave et imminent». Une source interne à la SNCF confirme à Libération que des sanctions individuelles sont à l'étude dans plusieurs directions régionales du transporteur ferroviaire. La direction de l'entreprise estime, en effet, que l'utilisation du droit de retrait dans ce cas de figure est illégale.

«Je vous recommande la plus grande prudence quant aux sanctions disciplinaires»

Etonnamment, les services du ministère du Travail ne partagent pas l'avis du Premier ministre. Deux inspecteurs du travail, saisis par la SNCF, ont fourni des réponses écrites auxquelles Libération a eu accès. Le premier interpelle la SNCF en lui indiquant «qu'elle n'est pas en mesure d'évaluer les risques liés à une collision dans la situation d'un seul agent à bord» avant de conclure : «Je vous recommande la plus grande prudence quant aux sanctions disciplinaires qui seraient mises en œuvre à l'encontre des agents exerçant leur droit de retrait.» L'inspecteur se fend également d'une mise en garde sous forme de rappel à la loi. «L'entrave au droit de retrait est un délit punissable d'une amende de 10 000 euros multipliée par le nombre de salariés concernés.»

Le second inspecteur du travail va dans le même sens, en indiquant à la SNCF : «Sous réserve d'éléments qui n'auraient pas été portés à ma connaissance, il m'apparaît que les retraits d'agents de leur poste de travail s'inscrivent manifestement dans le cadre de la procédure d'alerte pour danger grave et imminent introduite par les représentants du personnel.»

Visiblement, ces deux notes sont remontées jusqu'à la direction générale de la SNCF, laquelle nous a fait savoir ce dimanche qu'elle allait «prendre contact avec les inspecteurs pour engager une discussion avec eux».

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