Votre navigateur est obsolète. Veuillez le mettre à jour avec la dernière version ou passer à un autre navigateur comme ChromeSafariFirefox ou Edge pour éviter les failles de sécurité et garantir les meilleures performances possibles.

Passer au contenu principal

Jacques Chessex revient avec des textes oubliés

Jacques Chessex est mort il y a dix ans, à l'âge de 75 ans.

Le bandeau frappé du mot «Inédit» est là pour appâter le lecteur. Dix des 17 textes composant «Passage de l'ombre» le sont véritablement. Les sept autres ont paru entre 1980 et 2004 dans diverses revues et dans le quotidien «24 heures». L'un d'eux a connu un petit tirage, épuisé. Jacques Chessex est mort il y a dix ans, le 9 octobre 2009, à Yverdon. Ce volume publié par Grasset vient rappeler cet anniversaire.

Consultée à ce sujet, l'écrivaine et poète Sylviane Dupuis, chargée de cours pour la littérature romande de 2005 à 2018 à l'Université de Genève, répond qu'un lecteur désireux de découvrir l'œuvre du seul lauréat suisse du Prix Goncourt (1973) ne devrait pas commencer par cette lecture-là.

«Certes on y retrouve des caractéristiques de son inspiration: provocation, dérision, fantasmes, mais aussi qualité poétique, dans le premier chapitre en particulier. Cependant, une telle publication posthume n'a pas l'homogénéité nécessaire. Le livre s'ouvre sur un très beau texte, inédit celui-là, «La pluie des collines», mais l'ensemble est disparate et les nouvelles de valeur inégale.»

Cela dit, même dans «L'adoration», récit au contenu pornographique, quelque chose «rachète» ce que ce texte peut avoir d'obscène: «On y trouve cette obsession de Chessex pour l'imitation des images de l'art qui le hantent, le plus souvent dans une transposition surprenante et… transgressive du modèle suivi», explique Sylviane Dupuis. «La figure de l'un des rois de l'«Adoration» de Poussin paraît au narrateur être la même que la sienne dans la situation qu'il est en train de décrire dans la nouvelle.» Précisons qu'il s'agit du moment où Lola lui fait lécher son sexe et recueillir le «lait» qui s'en échappe. «L'obsession du rôle de la bouche (dans la sexualité et en lien avec la parole) est très présente dans l'œuvre de Chessex», rappelle la femme de lettres. Pour elle, aborder son œuvre ne peut pas se faire sans «Portrait d'une ombre» (long poème en prose consacré à son père suicidé, Zoé, 1999), «L'Imparfait» (récit autobiographique, Campiche, 1996), «L'Interrogatoire» («autodialogue» posthume), et «Un Juif pour l'exemple» (Grasset, 2009), puissant «roman» fondé sur le crime antisémite de Payerne – où Chessex est né – qui a hanté son enfance puis sa vie. «Tout cela forme pour moi le meilleur Chessex, précise Sylviane Dupuis, au croisement de l'obsession de soi, de la hantise du néant, du mal, et de la dérision de tout… comme d'une féroce observation des failles, des non-dits, du caché, du refoulé… bref, de «l'ombre» qui tenaille l'être humain, en opposition à sa ferveur ou à son aspiration à l'absolu.»

«Passage de l'ombre», Jacques Chessex, 118 p., Éditions Grasset