Seine-et-Marne : l’agriculture de demain germe à Fleury-en-Bière

500 ha, tous labélisés bio depuis l’an dernier, sont le laboratoire de l’agriculture de demain. Une expérience basée sur l’agroforesterie, l’agriculture de conservation et « l’efficience énergétique ».

 Fleury-en-Bière, ce mercredi. En rouge, Bruno Saillet, chef de cultures de la plaine de Courances à Fleury-en-Bière, en compagnie de Valentine de Ganay, présente un champ de
Fleury-en-Bière, ce mercredi. En rouge, Bruno Saillet, chef de cultures de la plaine de Courances à Fleury-en-Bière, en compagnie de Valentine de Ganay, présente un champ de LP/Faustine Léo

    Ils sont bien là les coquelicots, en ce mois de juillet, dansant dans la brise, revenus par centaines le long des champs. « Pourtant, pour avoir ce résultat, il va falloir que tout le monde s'habitue à voir ce qu'on appelle des mauvaises herbes dans les champs, prévient Bruno Saillet, chef des cultures de la plaine de la famille de Ganay, soit 500 ha répartis à cheval entre Courances (Essonne) et Fleury-en-Bière. Même si j'admets que sur certaines parcelles, il y en a trop. C'est tout mon travail de trouver un équilibre ».

    Les dix cousins de Ganay, propriétaires du château de Courances, ont repris il y a cinq ans l'exploitation céréalièr e de leurs terres, patentée depuis un an du label bio. « Mais pour corser les choses, on va encore plus loin. On applique les principes de l'agriculture de conservation. Par exemple, on ne laboure pas les sols, sinon les nutriments partent dans les nappes phréatiques », explique Valentine de Ganay, la pétillante cousine en charge du projet.

    Le rôle clé des arbres

    Bannis ces dernières décennies sur les parcelles, 1 800 arbres répartis sur 70 ha mettent au goût du jour les principes de l'agroforesterie. La décomposition des feuilles et petites branches apporte de la matière organique et favorise la présence des organismes qui fabriquent le compost sur place. Les racines font remonter les éléments nutritifs, gardent l'eau en surface et filtrent les eaux de pluie. Les arbres jouent également un rôle de climatiseur pour les parcelles qu'ils entourent, empêchant l'érosion. À terme, ils sont une source de matériau biosourcé pour la construction.

    Pour avoir une action vertueuse sur l'environnement, toutes les idées sont essayées avec pour guide « l'efficience énergétique ». « Je veux passer de 40 à 27 litres de gazole par hectares par an. Le conventionnel en utilise une centaine, avance Bruno Saillet. Je fais paître des moutons pour désherber les parcelles en culture. Ils broutent le blé qui repousse encore mieux. Leurs excréments permettent de remettre de la vie dans le sol ». La sélection des espèces à semer est évidemment cruciale.

    Seule en Ile-de-France à se lancer dans un projet expérimental à si grande échelle, Valentine de Ganay se plaît « à réinventer l'agriculture et à redevenir paysans », certaine d'agir pour un avenir meilleur, notamment en servant de grenier pour la capitale. « C'est une occasion historique de répondre à un besoin sociétal à grande échelle. C'est bien joli de s'extasier devant des légumes bio, mais l'enjeu du bio est désormais de montrer que c'est viable économiquement dans les grandes cultures, insiste-t-elle. Le paysage français, ce sont des champs, pas du maraîchage ».

    Une récolte jugée prometteuse

    La récolte de cette année est prometteuse, avec des parcelles à 40 voire même 55 quintaux par hectare. Les volumes sont certes deux fois moins importants qu'en conventionnel. Mais avec des prix trois fois supérieurs, jusqu'à 450 € la tonne, l'équation est gagnante.

    L'an prochain Bruno Saillet va essayer d'autres techniques, en renforçant l'action des brebis, en fauchant le blé huit jours avant sa maturité pour que les mauvaises herbes qui y sont mêlées sèchent et n'abîment pas les machines tout en cohabitant avec les meilleures d'entre elles. En revanche, le chef de culture fait une croix sur le maïs. « Avec notre climat, c'est compliqué », souligne-t-il.

    Grâce à cette action minimale sur les cultures, Valentine de Ganay et Bruno Saillet espèrent d'ici quelques années, rouvrir un des captages d'eau potable. Et permettre aux truites de réinvestir les bassins du château.

    LE MOT : AGRICULTURE DE CONSERVATION

    Cette agriculture a pour but de conserver le carbone dans le sol, ce qui permet d'alimenter toute la biodiversité, de rendre le sol vivant et de diminuer l'utilisation d'engrais et de carburant. Elle repose sur trois grands principes agronomiques appliqués simultanément : le non-labour, la couverture végétale ou organique permanente des sols et la diversification des cultures.

    Elle induit aussi la réduction du temps de travail et de la consommation d'énergie fossile par hectare, la diminution de l'érosion et la limitation de l'évaporation des sols.