Le peintre Vladimir Velickovic est mort jeudi 29 août d’une crise cardiaque, à l’hôpital de Split (Croatie), à l’âge de 84 ans. Il préparait une rétrospective prévue en décembre au Fonds Leclerc, à Landerneau (Finistère). Un lieu privé, ce qui n’est pas un hasard. Tentez l’expérience : évoquez son nom auprès des conservateurs de musées français, et vous verrez au mieux des sourires gênés, sinon un peu crispés.
C’est qu’à une époque où on demande aux artistes d’être décoratifs ou rigolos, voire de traiter de sujets de société à condition qu’ils soient jolis (entendez, qu’ils n’alimentent pas notre mauvaise conscience) ou vendables, il dérange : la seule exposition dans un lieu public d’importance qui lui fut consacrée de son vivant en France fut fin 2011 – il avait 76 ans ! – à Toulouse, dans un musée au nom prédestiné, Les Abattoirs (une deuxième eut lieu en 2015 à Issoudun, au Musée de l’Hospice Saint-Roch !). Car sortir d’une visite à Velickovic, cela laissait à certains l’impression d’avoir croisé un équarrisseur doublé d’un philosophe tendance stoïcienne. L’homme était pourtant d’une courtoisie extrême, attentif aux autres, et loin de manquer d’humour. Mais ses tableaux…
Apreté extrême de ses toiles
C’est qu’il était né le 11 août 1935 à Belgrade et avait 10 ans à la fin de la seconde guerre mondiale, qui l’a marqué à jamais. Pour comprendre l’âpreté extrême de ses toiles, il faut peut-être faire appel à la mémoire d’un de ses compatriotes, le peintre Dado (1933-2010). Certes, Velickovic était serbe, et Dado monténégrin, mais, dans les années 1940, ils étaient tous deux Yougoslaves, et leur pays était occupé par les nazis : « En 1944, le 13 janvier, racontait Dado, les Allemands ont pendu deux résistants sur la place du village ; ils sont restés ainsi une quinzaine de jours. Pour me rendre chez ma tante, je passais devant ces deux pendus. Cette vision m’a permis, plus tard, d’admirer l’extrême réalisme des pendus dessinés par Pisanello. Des dessins magnifiques. »
Des dessins magnifiques, « Vlada », comme on surnommait Velickovic, en faisait aussi. D’une puissance d’autant plus dérangeante que sa thématique ne variait guère : des terres dévastées, hantées par les corbeaux (il en avait, empaillés, qui veillaient dans son atelier d’Arcueil), des potences, des instruments de torture, des barbelés déchiquetés. Le tout dans des harmonies de noir et de rouge qui évoquaient des crépuscules sanglants, et dans des formats parfois gigantesques qui plongeaient le visiteur dans la boue sanglante de la peinture.
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