VestiVille, le festival belge au line up incroyable que l’on prend pour un fake
Cardi B, Migos, A$AP Rocky… Ces noms ne vous disent peut-être rien, mais il s’agit de trois des artistes les plus incontournables du moment. Trois géants de la scène rap américaine, que les festivals les plus prestigieux de la planète paient une fortune pour l’emporter sur la concurrence et déplacer les foules. Tous trois tournent en 2019. Lorsque des dates européennes sont annoncées, on s’attend donc légitimement à voir Cardi B (alias Belcalis Almanzar, première femme à avoir décroché le Grammy Award du meilleur album de rap en 2018) figurer à l’affiche de Rock Werchter ou du Pukkelpop. Pourtant, rien ne vient. Pas une date n’est annoncée en Belgique, au Luxembourg ou aux Pays-Bas. On voit déjà la reine du Bronx snober les plats pays. Quand apparaît soudainement une affiche, un logo, et un site internet rose bonbon. Les trois rap superstars et des dizaines d’autres noms sont annoncés à Lommel (Limbourg), le même week-end que Rock Werchter, dans un festival dont personne n’a jamais entendu parler.
- Publié le 25-06-2019 à 10h02
- Mis à jour le 25-06-2019 à 14h06
Le "VestiVal" néerlandais se délocalise en Belgique du 28 au 30 juin. Baptisée "VestiVille", cette déclinaison réunit la crème du rap et du reggaeton mondial avec Cardi B, Migos, A$AP Rocky et bien d'autres. Mais une partie du public et du secteur n'y croit pas.
Cardi B, Migos, A$AP Rocky… Ces noms ne vous disent peut-être rien, mais il s’agit de trois des artistes les plus incontournables du moment. Trois géants de la scène rap américaine, que les festivals les plus prestigieux de la planète paient une fortune pour l’emporter sur la concurrence et déplacer les foules.
Tous trois tournent en 2019. Lorsque des dates européennes sont annoncées, on s’attend donc légitimement à voir Cardi B (alias Belcalis Almanzar, première femme à avoir décroché le Grammy Award du meilleur album de rap en 2018) figurer à l’affiche de Rock Werchter ou du Pukkelpop. Pourtant, rien ne vient. Pas une date n’est annoncée en Belgique, au Luxembourg ou aux Pays-Bas. On voit déjà la reine du Bronx snober les plats pays. Quand apparaît soudainement une affiche, un logo, et un site internet rose bonbon. Les trois rap superstars et des dizaines d’autres noms sont annoncés à Lommel (Limbourg), le même week-end que Rock Werchter, dans un festival dont personne n’a jamais entendu parler.
VestiVille a le culot de venir affronter crânement les grands festivals belges sur leurs propres terres, et sort d’entrée de jeu l’artillerie lourde du rap et du reggaeton. Dans le genre, l’affiche est tout bonnement incroyable, à tel point… que personne n’y croit.
Avec Cardi B, A$AP Rocky, Future, Lil Pump et Jason Derulo, le petit nouveau aurait rapidement dû s’orienter vers un sold out, mais les billets ne partent pas. "Les gens ont pensé que c’était un fake" explique par téléphone Ty Ravuth, qui coorganise le festival. "Le public se disait ‘tous ces gros rappeurs sur la même affiche, ce n’est possible, ça doit être une blague’. Les deux premiers mois après la première annonce ont donc été vraiment difficiles, et la concurrence n’a pas aidé. D’autres festivals ont contacté les médias pour raconter toute une série de choses sur nous, nous décrédibiliser, dire que nous n’avions pas de licence pour organiser l’événement, etc."
Pas de chance, c’est également à ce moment-là que sort sur Netflix le documentaire consacré au Fyre Festival, événement musical luxueux et ultra-branché annoncé aux Bahamas, avec piscine, villas et grandes stars de la chanson, qui s’est révélé être une vaste arnaque.
"Tout le monde a vu ce documentaire, et cela a rendu les gens encore plus méfiants", poursuit Ty Ravuth. "Nous mettons à disposition de nos festivaliers 500 bungalows durant les trois jours de Vestiville. Quand nous avons publié une vidéo pour les présenter, nous avons été attaqués de toutes parts sur les réseaux sociaux par des internautes qui disaient ‘Comment pouvez-vous construire 500 bungalows aussi vite, c’est impossible !’.Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que la plaine est installée à cinq minutes d’un Center Parks que nous avons entièrement loué pour l’événement. On ne doit pas construire les bungalows, ils sont déjà là ! Je sais que le Fyre Festival était une arnaque, mais nous ne sommes pas le Fyre Festival et nous ne sommes pas sur une île des Bahamas mais en Belgique, où il est beaucoup plus simple d’organiser un événement musical avec de vrais professionnels et de grandes stars."
Pour inverser le cours des choses, l’équipe de VestiVille demande à ses têtes d’affiche de confirmer leur présence au festival dans des vidéos ou des posts publiés sur les réseaux sociaux, processus coûteux, mais relativement efficace. Les organisateurs vont même jusqu’à publier une vidéo de leur dizaine d’employés en pleine préparation du site ou lors d’une visite chez le bourgmestre de Lommel, afin de mettre des visages sur l’événement, et multiplient les promotions sur le prix des billets et des bungalows.
La sauce prend tout doucement, les tickets commencent à se vendre, mais Cardi B - tête d’affiche ultime de ce week-end - ne leur facilite pas la tâche en annulant son apparition dans une série de festivals printaniers, dont le célèbre Primavera de Barcelone. Ce qui ajoute encore à l’ensemble la question de la fiabilité des rappeurs eux-mêmes.
"Une des questions qui revient souvent est ‘comment est-ce qu’un nouveau festival a pu avoir tous ces rappeurs connus ?’, ajoute Ty Ravuth. Les gens ne le savent pas, mais nous sommes dans la musique depuis plus de dix ans, nous avons notre propre agence de booking qui fait tourner des stars comme Migos ou A$AP Rocky au Moyen-Orient, en Russie et en Asie depuis des années. Nous connaissons donc très bien ces rappeurs et leurs équipes. Ce qui explique qu’ils fassent étape chez nous et qu’ils n’aient pas plus de raison d’annuler qu’ailleurs."
À une semaine du festival, tous les artistes annoncés sont officiellement confirmés, même Cardi B - programmée pour un petit set de quarante-cinq minutes (!) le dimanche 30 - dont la présence fait pourtant toujours l’objet de spéculations. "Nous sommes en contact avec son équipe tous les jours et nous n’avons aucune raison de penser qu’elle annulera", commente l’équipe du festival. "Elle est en pleine préparation de son show."
Trois jours, quatre scènes, six "Villes"
Même si d’aucuns doutent encore de la présence de l’une ou l’autre star annoncée, Vestiville aura bien lieu à Lommel ces 28, 29 et 30 juin. En bons entrepreneurs modernes, les organisateurs vendent par ailleurs "une expérience" qui va au-delà de l’enchaînement de concerts. Quatre scènes accueilleront respectivement les superstars américaines (Cardi B, A$AP ROCKY, Migos, Future, Meek Mill…), les vedettes internationales (Nicky Jam, Davido…) , les révélations locales des pays de la région (Niska, Sevn Alias...), et les vieilles gloires des années 90 (Ja Rule, Cisco, Dru Hill…). Une flopée de DJ et beatmakers emballeront l’ensemble, et six villes à thème viendront compléter le volet musical.
"Beauty Ville" proposera salons de maquillage, de massage, coiffeurs et autres joyeusetés. "Games Ville" joue la carte numérique en installant un espace de réalité augmentée et en organisant un concours Fifa sur Playstation et Xbox. "Sports Ville" fait la part belle au skate, basket, breakdance et tout autre sport lié à la culture urbaine, "Fashion Ville" s’offre un catwalk et des boutiques de fringues, et "Art Ville" des espaces de graffiti.
"La plaine peut accueillir jusqu’à 100 000 personnes", précise Ty Ravuth, "mais on attend entre 20 000 et 30 000 personnes par jour, cette année. Lommel est idéalement située à la frontière néerlandaise et proche de la France, du Luxembourg et de l’Allemagne, on vise un public international et une croissance à moyen terme."
Contrairement à ce qu’a d’abord cru une partie de l’opinion publique, VestiVille ne sort pas tout à fait de nulle part. "En 2006, j’organisais des soirées house à Amsterdam avec des DJ encore peu connus à l’époque comme Hardwell ou Dimitri Vegas et Like Mike, qui sont devenus de véritables superstars aujourd’hui", précise Ravuth, actif dans l’industrie musicale, le design de vêtements et le marketing. "VestiVille a commencé à Istanbul en 2013 lorsqu’une marque de vêtements m’a demandé de créer un label (Velvet Villains) et d’utiliser des artistes pour en assurer la promotion. J’ai proposé de mettre les deux ensemble dans un événement musical, et nous avons créé le ‘Velvet Villains VestiVal’, qui est ensuite simplement devenu VestiVal aux Pays-Bas, de 2014 à 2017."
Problème, la licence néerlandaise limite ce VestiVal à une journée. L’équipe voit plus grand, cherche un lieu, et apprend qu’un festival belge de trois jours basé à Lommel n’a plus l’intention d’utiliser l’autorisation dont il dispose. La licence en question est rachetée, et le tour est joué. "Lommel sera notre base", conclut Ty Ravuth. "Puis nous envisageons de créer d’autres antennes en Asie, où le marché est en pleine explosion."
Le désastre du Fyre Festival
Le documentaire diffusé par Netflix en janvier 2019 et intitulé Fyre : le meilleur festival qui n’a jamais eu lieu n’est pas exceptionnel, mais l’histoire qu’il raconte est tout bonnement incroyable. Fin 2016, un entrepreneur américain d’une vingtaine d’années, frondeur et doté d’un sens relatif de l’honnêteté, se lance dans l’organisation d’un festival pour promouvoir l’application de booking d’artistes qu’il vient de lancer. En bon New-Yorkais, il joue sur l’exclusivité : son "Fyre Festival" vend du rêve, du luxe et du champagne à volonté pour des billets vendus entre 2 000 et 12 000 dollars.
L’événement doit se dérouler sur une île privée des Bahamas en avril 2017. Des millions de dollars sont dépensés en spots publicitaires montrant des mannequins hors de prix faire la fête sur des yachts avec les organisateurs. L’argent coule à flots, la campagne de promotion fonctionne et le festival est rapidement sold out. Mais le bonhomme vend un produit qu’il est incapable d’offrir. Les propriétaires de l’île se rétractent, les villas n’existent pas, Billy McFarland refuse d’annuler son festival et s’enfonce dans la fraude pour éviter de perdre ses financiers. Au lieu des yachts, villas et repas trois étoiles, les premiers festivaliers sont accueillis avec des tentes et des sandwichs. Le Fyre Festival tourne au fiasco complet, et McFarland est actuellement en prison.
Vestiville, Lommel du 28 au 30 juin. Infos et réservations : www.vestiville.com