Grande figure de la cinéphilie suisse, Freddy Buache est mort le 28 mai, à l’âge de 94 ans. Né le 29 décembre 1924, fils d’un couple de cafetiers de Villars-Mendraz, dans le canton de Vaud, c’est dans ce paisible village que le futur mordu de cinéma passe une enfance bucolique avant de suivre ses parents ruinés à Lausanne, où la vie lui sera beaucoup moins facile.
Une scolarité brillante lui ouvre néanmoins la porte des études. Sa découverte du cinéma est précoce, il la cultive en même temps qu’il s’initie aux charmes philosophiques de l’existentialisme. Cette passion le conduit deux ans plus tard, en 1945, à visiter une exposition sur le cinéma français tenue à Lausanne, grâce à laquelle il fait connaissance d’Henri Langlois, le fondateur de la Cinémathèque française. Cette rencontre cristallise sa vocation, qui fera de Freddy Buache un des pionniers de la cinéphilie dans son pays natal, où l’amour du cinéma, et partant de la chair, n’était pas chose aisément admise.
Un humanisme fulminant et engagé
Il participe ainsi à la création du Ciné-club de Lausanne en 1946, puis devient responsable de la rubrique cinéma de La Nouvelle revue de Lausanne, crée en 1948 la Cinémathèque suisse, inaugurée deux ans plus tard par Erich von Stroheim. Dès 1951, succédant à Claude Emery, il prend les rênes de l’institution, qu’il dirigera avec talent et passion jusqu’en 1996.
Buache fait partie de cette génération qui faisait les poubelles pour y récupérer des copies de films qui ne valaient pas mieux que cette destination aux yeux du plus grand nombre
En cela comparable au magistère d’Henri Langlois à Paris ou de Jacques Ledoux à Bruxelles, son règne y est sans partage. Noblesse oblige : Buache fait partie de cette génération qui faisait les poubelles pour y récupérer des copies de films qui ne valaient pas mieux que cette destination aux yeux du plus grand nombre. Fiévreux, jaloux, bouillonnant, inspiré, truculent, brouillon, poétique, une aura de grand pionnier et de père fondateur l’éclaire, en version anarchisante, bien décidé à faire durer l’enfance jusqu’au bout de la vie.
Buache, c’est à l’œuvre un humanisme fulminant et engagé, un critique de cinéma qui n’aura jamais posé la plume, un idéaliste qui sortait son pistolet quand il entendait le mot « commerce » et qui fulminait contre Hollywood, quitte à jeter le bébé avec l’eau du bain pour mieux défendre la merveilleuse diversité des nouveaux cinémas éclos dans les années 1970 de par le monde.
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