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LE PRESIDENT MACKY SALL, L’ARMEE ET, LE PARACHEVEMENT DE LA SOCIALISATION POLITIQUE

« Ce qui fait de tout homme un digne citoyen, c’est la volonté de subordonner les intérêts particuliers au bien public (Cicéron) »
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Rédigé par leral.net le Jeudi 23 Mai 2019 à 16:53 | | 0 commentaire(s)|

Lors de son investiture le 02 avril 2019, le Président Macky SALL, a déclaré que son action durant les cinq années à venir; sera placée, entre autres, sous l’autorité de causes transcendantes telles que la culture de la citoyenneté.

A cet effet, le Chef de l’Etat a invité les populations à prendre exemple sur l’institution militaire après avoir évoqué le concept « Armée-Nation ».

Une telle invite faite par le Président de la République, dans des circonstances aussi solennelles, nécessite d’être explicitée, parce qu’il ne fait point de doute qu’elle a pu soulever des questionnements au niveau de la plupart des populations pour qui, l’armée incarne la société de l’obéissance, tandis que le citoyen appartient à une société de liberté.

Il s’agit d’une opinion qui fut fortement consolidée par le Maréchal SOULT; un napoléonien, qui inséra dans le règlement sur la discipline dans l’armée en 1833 que : « les ordres doivent être exécutés littéralement sans hésitation ni murmures » ; c’est l’obéissance passive.
Or, cette perception négative de la discipline militaire pourrait faire que les propos du Chef de l’Etat, apparaissent dans l’entendement de plusieurs citoyens, comme une apologie de « la servitude volontaire ».

D’où l’importance de rappeler l’évolution qui est survenue depuis la première moitié du XXème siècle. En effet, avec la consolidation de l’Etat républicain, et sous l’influence sans cesse grandissante du « Mouvement de défense sociale nouvelle », l’idée du « soldat-citoyen » qui avait été lancée à la fin du XIXème siècle s’est affirmée, et ce faisant, a suscité plusieurs réformes, dont l’insertion dans le règlement sur la discipline que « tout chef détenant de la loi l’autorité dont il est investi, le respect qui lui est dû n’est autre qu’une soumission à la loi, expression de la volonté nationale ».

C’était dès lors, la consécration de la grandeur de la discipline militaire, dont le législateur montrait par ces dispositions, qu’elle n’avait rien de servile parce qu’elle est impersonnelle et procède uniquement de ce que Montesquieu appelle l’éthique politique, c’est-à-dire le respect (l’amour) de la loi et des institutions.

Soumis à un conditionnement incessant, le soldat dans l’Etat républicain intériorise profondément la transcendance de la Patrie, de la Nation et de l’intérêt supérieur. Cette réalité réfute à suffisance l’idée simpliste selon laquelle, l’Armée se résume tout entière dans l’action faite de commandements et d’exécutions.

En France, au sortir du second empire, Labori, député socialiste avait perçu l’équivoque dangereuse qu’il pouvait y avoir, à propos de l’obéissance dans l’Armée, pour écrire dans un rapport au parlement, que « le Français n’est plus soldat comme sujet d’un prince … il l’est comme citoyen d’une république ».

Il semble que c’est de cette déclaration qu’a été inférée l’expression « Armée républicaine ».
Notre Armée, à l’image des autres armées dans le monde, est le creuset de la citoyenneté et, cela se vérifie au fait que même en Occident, le fait d’avoir séjourné dans l’Armée, offre des avantages à ceux qui désirent accéder à certaines fonctions dans l’Etat.

Et, puisque selon Fustel de Coulanges « dans un pays si l’armée ne déteint pas sur la société, la société déteint sur elle » ; le Président Macky SALL, par son invite, souhaite que l’armée déteigne sur notre société.

A ce propos, il convient de rappeler que le Président Abdou DIOUF était allé plus loin dans ses souhaits, lorsqu’en réponse à la présentation des vœux de l’Etat-major général le 28 décembre 1984, il déclarait que « l’armée devait constituer le noyau essentiel de la Nation ».
La conjonction des souhaits des Présidents DIOUF et SALL, s’explique et se justifie par le fait que dans tous les pays, l’Armée a toujours été investie d’un rôle central, consistant à participer activement à ce que Montesquieu appelle « l’éducation publique ».

S’agissant de nos jeunes Etats, ce rôle est d’autant plus nécessaire qu’il subsiste, par endroits, des réalités socio-culturelles dont les normes et les valeurs pèsent d’un plus grand poids que celles que propose l’Etat, « abstraction juridique » encore mal perçue par beaucoup.
Il apparaît donc, que les Présidents DIOUF et SALL, rejettent tous deux l’idée qui avait été émise par BURK dans ses critiques contre la Révolution française de 1789, et selon laquelle, en matière d’émancipation des peuples, il faut laisser les choses à elles-mêmes, le temps étant le seul moyen qui s’impose.

Pour notre part, nous adhérons à la façon de voir des Présidents DIOUF et SALL, parce qu’au sortir du système colonial, le sujet devenu citoyen à part entière « doit être un homme nouveau », tout comme le déclarait SCHLESINGER à propos de l’Américain libéré de la tutelle britannique.

Même concernant la France, il semble intéressant de rappeler que Winston CHURCHILL avait eu à déclarer que « l’Armée française joue pour l’unité de la France le rôle que la monarchie joue pour l’unité de la Grande Bretagne »

De ce qui précède il ressort de manière irréfutable, que dans l’Etat républicain, il a toujours été dévolu à l’Armée la double mission de l’assimilation sociale, et de la culture de la citoyenneté.

Cependant, il demeure légitime de se poser la question de savoir pourquoi le Président Macky SALL a jugé utile d’appuyer l’invite qu’il a faite au Peuple de prendre exemple sur l’Armée nationale, par l’évocation de la dialectique « Armée-Nation » ?

Il nous semble que c’est ce que recouvre ce concept, qui constitue en soi, la réponse à cette interrogation.

Le soldat ayant profondément intériorisé la transcendance de la Nation, il est prêt à la défendre jusqu’au sacrifice suprême.

Ce sacrifice de soi, qui constitue l’acte d’une union-fusion suprême du soldat avec la Nation, fonde juridiquement et politiquement, la dialectique Armée-Nation.

De la définition ci-dessus, il ressort qu’il ne serait pas excessif de croire qu’en même temps qu’il invite à la culture de la citoyenneté, le Président Macky SALL, exprime in fine, son souhait de voir les forces vives de la Nation, emprunter l’élan patriotique du soldat, seul capable d’annihiler ce que Alain appelle la mécanique humaine, qui est fortement dissociative, pour participer à un dialogue inclusif, où chacun pourra faire des propositions, ou exposer des contre-propositions, ou proposer des amendements.

Et, puisque c’est de la pluralité que se déduit le compromis, ce dialogue permettra à chacun d’avoir sa part dans la décision finale. En tout état de cause, il est constant que dans l’Etat, refuser le dialogue, c’est non seulement renoncer à l’exercice de sa citoyenneté, mais c’est favoriser l’émergence du dogmatisme.






Docteur Souleymane NDIAYE
Membre du SEN

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