Pourquoi bpost et Engie ont été virées de l’indice Bel 20
Bourse de Bruxelles: Engie et bpost cèderont leur place à Barco et WDP au sein du Bel 20 le 18 mars prochain. Notre analyse.
- Publié le 12-03-2019 à 17h47
- Mis à jour le 12-03-2019 à 18h19
Le 18 mars prochain, l’indice Bel 20 de la Bourse de Bruxelles va changer de composition. Sur les vingt valeurs qui le composent, deux vont sortir et être remplacées par deux autres. On va en expurger bpost et Engie, pour les remplacer par Barco et WDP.
En effet, comme chaque année dans le courant du mois de mars, le “BEL steering committee”, responsable de la gestion des indices directeurs de la Bourse de Bruxelles (Euronext Brussels), s’est penché sur la composition de ces derniers. Un travail important qui nécessite d’analyser une série de critères impliquant la sortie éventuelle de certaines entreprises cotées de l’indice, et leur remplacement par d’autres.
20, pas plus mais parfois moins !
Pour ce qui concerne le Bel 20 qui reprend, comme l’indique son nom, les vingt plus belles valeurs de la cote bruxelloise, il y a en tout cas un critère spécifique relatif à la taille de l’entreprise en termes de capitalisation boursière. Pour rappel, la capitalisation boursière d’une entreprise est le produit du nombre d’actions existantes par le cours de Bourse. La condition étant que la capitalisation boursière des composantes de l’indice soit supérieure au niveau de l’indice Bel 20 (3.600), multiplié par 300 000 euros (niveau d’entrée), ou inférieure au niveau du Bel 20 multiplié par 200 000 euros (niveau de sortie).
Pour ce critère, retenons que le seuil d’admission est une capitalisation boursière de plus d’un milliard d’euros. “Mais on parle de la part de la capitalisation boursière flottante, c’est-à-dire celle qui n’est pas verrouillée par de gros actionnaires”, nous explique le patron de la Bourse de Bruxelles, Vincent Van Dessel.
Et ce n’est là qu’un seuil parmi d’autres, puisqu’il faut aussi y ajouter la notion de “vélocité” du flottant qui est un quotient, soit le résultat d’une division du nombre de titres échangés sur l’année par le nombre de titres existants. Comprenez que l’on obtient ici une estimation de la liquidité des titres sélectionnés. La liquidité étant, pour rappel, la facilité pour un acheteur de trouver un vendeur, et inversement.
Cette notion de liquidité est importante notamment pour les produits basés sur la composition de l’indice, comme les “trackers”, ces fonds de placements répliquant des indices, ou des fonds d’actions indexés sur le Bel 20. En l’occurrence, le critère de vélocité précise que sur l’année, au moins 35 % des actions “flottantes” doivent avoir changé de mains, pour entrer dans l’indice, et sous les 25 %, les actions concernées sortent de l’indice.
Retenons encore que le Bel 20 n’a pas toujours contenu vingt actions… L’an passé par exemple, suite à l’offre publique d’achat (OPA) de Sanofi sur Ablynx, la proie avait quitté la cote et le Bel 20 était ainsi devenu pour un temps un Bel 19 !
Engie pas assez belge, bpost, légère
Un autre critère a été modifié récemment. Il est relatif aux entreprises étrangères cotées à Bruxelles mais dont le marché de référence se situe ailleurs, comme pour Engie qui est surtout traitée à Paris. “On s’est alignés en ce sens sur ce qui se fait à Paris et à Amsterdam, et nous avons modifié le critère visant la part du personnel employé en Belgique en le faisant passer de 10 à 15 %, ce qui a exclu d’office Engie”, explique encore Vincent Van Dessel.
“Dans notre mode de calcul, nous tenons compte de ces différents critères et nous établissons une liste des valeurs. Nous avons ainsi obtenu WDP en 16e place et Barco en 18e place. Bpost dont la capitalisation boursière avait lourdement chuté, était 23e, ce qui l’excluait d’office”. Deux exclues d’office, deux éligibles d’office, le choix était simple. Barco et WDP ont bénéficié de leur belle progression en Bourse l’an passé.
Bpost : une année de cauchemar
La sortie de bpost de l’indice Bel 20 est évidemment la conséquence de l’hallucinante dégringolade boursière de l’action de l’opérateur postal historique. Imaginez : au début de 2018, bpost était encore considéré comme une véritable success story belge. Introduite en bourse en juin 2013 au prix de 14,50 euros par action, cette dernière avait même culminé un peu au-delà des 28 euros à la mi-février 2018 avant donc d’enchaîner les chutes à partir de la mi-mars. Répétées et brutales. Aujourd’hui, le cours de l’action végète aux alentours des… 8 euros.
C’est bien simple, depuis un an maintenant, l’entreprise a vécu une série de séquences très négatives qui ont sapé la confiance des investisseurs, sans doute pour longtemps. Échec du rapprochement avec l’opérateur néerlandais Post NL, acquisition douteuse de Radial aux États-Unis, grèves et mouvements sociaux, performances opérationnelles en recul et non conformes aux objectifs, communication défaillante comme lors l’annonce de la volonté de bpost Banque de facturer les retraits bancaires… Une accumulation de tuiles ou d’engagements non tenus qui posent la question de la crédibilité d’un management emmené par un Koen Van Gerven passablement affaibli dans sa fonction de CEO.
Les analystes doutent également de la capacité de l’entreprise à pouvoir maintenir sa politique assez généreuse en termes de dividende (1,31 euro bruts par action au titre de l’exercice 2017). Et le management a déjà annoncé la couleur : 2019 sera une année difficile. La semaine prochaine, le 19 mars, bpost annoncera ses résultats pour l’ensemble de l’année 2018 et les contours de ses perspectives pour les mois à venir. Inutile de dire que l’entreprise est attendue au tournant…
Engie : un taux d’emploi trop faible en Belgique
Autre grand sortant de l’indice vedette de la Bourse de Bruxelles, Engie, maison-mère d’Electrabel. Ici l’explication n’est pas à chercher, comme pour bpost, dans la dégringolade du cours et l’effondrement de la capitalisation boursière mais bien dans l’application de nouvelles règles par le comité des indices d’Euronext.
Selon l’une de ces nouvelles règles, les sociétés, dont le marché de référence n’est pas Euronext Bruxelles (c’est le cas ici d’Engie, dont la place principale de cotation est Paris), doivent désormais employer localement au minimum 15 % des effectifs totaux du groupe. Un seuil revu à la hausse puisqu’il n’était auparavant que de 10 %.
“Nous prenons acte de cette décision et de cette nouvelle règle d’admission. Mais nous sommes et restons une entreprise locale de premier plan en Belgique”, nous explique-t-on chez Engie/Electrabel. Le groupe emploie en Belgique 16700 salariés, soit 11 % des effectifs d’Engie. L’indice Bel 20 perdra donc lundi une de ses grosses valeurs industrielles et l’une de ses valeurs historiques.
Barco revient après 12 ans d’absence… et une solide prise de poids
L’action du groupe courtraisien Barco (initialement Belgian American Radio Corporation), spécialisé dans l’imagerie de pointe, a reflété l’an passé l’évolution positive des affaires de l’entreprise. Le management de Barco s’est d’ailleurs félicité de cette réintégration dans l’indice après 12 ans d’absence.
Ce retour signifie aussi, pour l’entreprise, une plus grande visibilité médiatique à l’étranger, des participations aux “road shows” boursiers et aussi une demande plus soutenue pour ses actions, compte tenu de son intégration automatique dans des produits dérivés, des fonds de placement indexés et autres “trackers”. La mise en évidence des spécialités de l’entreprise permettrait notamment de la valoriser comme une pure technologique.
La capitalisation boursière de Barco est de 1,7 milliard d’euros, soit un peu plus que celle de bpost.
Avec WDP, l’immobilier compte à nouveau pour 10 % dans le Bel 20
L’immobilier coté belge a dû se montrer bien patient avant de pouvoir faire son entrée dans le Bel 20. Le principe des Sicafi (sicaf immobilières), rebaptisées SIR (sociétés immobilières réglementées), a été créé en 1995, mais ce n’est qu’en mars 2003 que l’une d’elle, Cofinimmo, est entrée dans l’indice des valeurs belges. À l’époque, il y avait eu de longues discussions pour savoir si un fonds de placement immobilier, associé erronément à la gestion passive d’un patrimoine, avait sa place dans un indice. Befimmo a suivi en mars 2009. Mais elle a dû jeter le gant 7 ans plus tard. L’arrivée, le 18 mars, de WDP, une SIR versée dans la logistique, y ramène donc une deuxième valeur immobilière.
Mais une valeur qui a déjà bien performé ces dernières années. Pas sûr, donc, qu’elle réagira comme l’avait fait Cofinimmo en son temps, où, à l’annonce de son entrée dans le Bel 20, son volume quotidien avait augmenté jusqu’à dix fois la moyenne.
L'atout du Bel 20 : accroître la notoriété
Parce que le Bel 20 n’est peut-être plus l’indice fort qu’il fut. “Il n’est pas insignifiant, mais peu de fonds y sont encore indicés, confirme Herman van der Loos, analyste chez Degroof Petercam. Son atout est de faire connaître une société et d’attirer l’attention des généralistes. C’est bien pour l’immobilier qui est surtout une affaire de spécialistes.”
Peut-être aussi parce que les deux immobilières sont différentes. “WDP est une valeur typée avec un actionnaire familial de référence lourd (25 %), ajoute l’analyste. Sa ‘market cap’ (nombre d’actions fois le cours de bourse, NdlR) est appréciable, mais les volumes échangés sont faibles.”
WDP pèse d’ailleurs plus lourd que Cofinimmo (plus de 3 milliards de capitalisation boursière contre 2,6 milliards), mais son ‘free float’, la part négociable en Bourse, est plus faible (75 % contre 100 %).
65 % de son portefeuille à l’étranger
Si WDP ne s’emballe pas suite à son entrée dans le Bel 20, c’est surtout que l’appartenance à des indices sectoriels est devenue plus importante. “On les regarde plus que les indices nationaux, convient-il. D’autant que, pour le Bel 20, les liens avec le Belgique sont parfois plus ténus qu’on le croit.”
Et WDP ne va pas beaucoup aider à ce titre : même si l’actionnaire de référence est Belge et le siège social est installé en Belgique, seulement 35 % de son portefeuille y sont situés, contre 47 % aux Pays-Bas, le solde en Roumanie, France et Luxembourg.
“Certains gestionnaires internationaux s’imposent de n’investir que dans des actions indicées à l’Epra”, ajoute encore Herman van der Loos. Le “FTSE EPRA Nareit Developed Europe Index”, qui rassemble un grand nombre de sociétés immobilières cotées en Europe (dont dix SIR : Aedifica, Befimmo, Cofinimmo, Intervest, Leasinvest, Montea, Retail Estates, WDP, Werelhave Belgium et Xior), va bientôt accueillir Ascencio, spécialisée en magasins de périphérie et retail parks. Une entrée qui sera effective le même 18 mars et qui fera du bien à l’action même si celle-ci est déjà sur une bonne voie, ayant gagné 10 % depuis le début de l’année.