Les balbutiements de l'agriculture dans l'espace

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Les balbutiements de l'agriculture dans l'espace

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Des graines de coton ont germé à bord de l'atterrisseur chinois Chang'e 4 qui s'est posé sur la Lune en janvier.
Des graines de coton ont germé à bord de l'atterrisseur chinois Chang'e 4 qui s'est posé sur la Lune en janvier.
© AFP - HANDOUT / CHONGQING UNIVERSITY / AFP

La Chine vient de réussir une première en faisant germer du coton sur la Lune. Ce début d'agriculture extraterrestre fait suite à d'autres expériences menées dans la Station spatiale internationale. La culture de produits frais est l'un des défis à relever pour une longue mission habitée.

La Chine a franchi un nouveau cap en faisant germer des graines de coton à la surface de la Lune. L’annonce a été faite le 15 janvier par l’université de Chongqing, qui a porté ce projet. Les plants n’ont résisté que quelques jours avant d’être congelés par le froid intense mais cette avancée symbolique permet de progresser encore un peu plus vers la maîtrise de la culture de plantes dans l’espace. Pour réussir les missions habitées lointaines prévues dans le futur, la fabrication autonome de nourriture fraîche sera l’une des technologies clés à maîtriser.

Une première sur un corps extraterrestre

De la salade qui pousse à bord de la Station spatiale internationale à l'intérieur du module "Veggie" (végétarien).
De la salade qui pousse à bord de la Station spatiale internationale à l'intérieur du module "Veggie" (végétarien).
- Nasa

La culture de plantes en dehors de l’atmosphère terrestre n’est pas une première : en 2015, les astronautes de l’ISS (Station spatiale internationale) étaient déjà allés au bout d’une expérience en faisant pousser de la laitue romaine pendant une trentaine de jours. La récolte et la dégustation eurent lieu le 10 août 2015, quelques feuilles de salade spatiale qui inspirèrent ce tweet (voir ci-dessous) à l’Américain Scott Kelly : “C’est une petite bouchée pour un homme, mais un bond de géant pour le projet #NasaVeggie”, du nom du module où la laitue avait poussé.

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“Ce que vient de réaliser la Chine n’est pas très différent de ce qui a été fait à bord de l’ISS”, explique Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du système solaire au CNES (Centre national d’études spatiales), “mais c’est tout de même inédit car les Chinois l’ont fait à la surface lunaire, sur la face cachée de notre satellite où personne ne s’était jamais posé. A bord de la station spatiale, les plantes poussaient en gravité zéro et étaient un peu protégées des radiations de l’espace. A la surface de notre satellite, l’environnement est plus hostile, plus radiatif, et il y aussi la gravité lunaire [environ six fois moindre que sur Terre]”.

Varier l'alimentation des astronautes

Le module spatial abritant un potager envisagé par la Nasa pour les missions futures.
Le module spatial abritant un potager envisagé par la Nasa pour les missions futures.
- Nasa

“Tout cela n’est qu’un démonstrateur de faisabilité, on est encore loin d’un schéma opérationnel”, continue Francis Rocard. “Au final, le but de ces expériences est d’arriver à être capable de nourrir un équipage sur une longue mission comme celle qui aura lieu vers Mars, où les astronautes pourraient rester un an et demi”. Car, actuellement, les humains qui restent longtemps en orbite (jusqu’à un an pour Scott Kelly) sont ravitaillés en nourriture fraîche tous les mois ou tous les deux mois par un cargo. Dans le cas d’une mission vers Mars, où le voyage dure au minimum six mois, il sera impossible de faire de même.

L’idée ne sera pas de fabriquer toute la nourriture qui sera consommée mais seulement une partie. Dans le livre qu’il avait écrit après son périple spatial d’une année, Scott Kelly avait écrit que l’arrivée de produits frais était toujours bonne pour le moral. L’intérêt est également nutritionnel et permet de rompre la monotonie des repas à base de produits lyophilisés - le quotidien des astronautes.

Le but est aussi de faire des économies car chaque lancement de fusée et chaque kilo supplémentaire embarqué coûtent très chers. “La Chine cherche à diminuer les coûts et l’une des solutions consiste à faire pousser une partie de la nourriture sur place”, explique Philippe Coué, auteur de plusieurs livres sur le programme spatial chinois. “Dans les simulateurs de base extraterrestre qui ont été construits à Pékin, on trouve un module avec une serre hydroponique (hors sol) sans terre et sur des substrats nutritifs. Il faut savoir que la Chine vise clairement l’installation d’une base lunaire dans les années 2030. Des plans de la base existent déjà et ils sont maintenant assez précis. Il y a toujours trois modules : un module de vie, un laboratoire et une serre”.

Cultiver dans l'espace car la Terre est trop loin

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Toutes les missions que mène la Chine sur notre satellite depuis 2013 (date du premier alunissage chinois) visent ce but et la capsule Chang’e 4 qui s’est posée début janvier ne fait pas exception. Le choix du site n’est pas dû au hasard : “L’atterrisseur a visé le pôle nord comme toutes les missions qui vont suivre car les scientifiques sont quasiment sûrs de trouver du gaz d’eau au fond des cratères polaires. Si on trouve effectivement de l’eau sur place, la culture de plantes sera vraiment facilitée”.

En revanche, il semble difficile de réussir à utiliser le sol lunaire ou martien pour planter des légumes, comme Matt Damon le fait dans le film “Seul sur Mars”. “Le sol martien est très oxydant et n’est donc pas propice à la culture car il tuerait les graines”, explique Francis Rocard. “Mais il faudrait faire des études plus poussées et ramener du sol martien pour l’analyser, ce qui n’a jamais été fait, pour voir si un petit traitement suffirait à rendre le sol un peu plus ‘accueillant’. Les sols martiens et lunaires ne peuvent pas nourrir les plantes, il s’agit de poussière de roche, on n’y trouve pas de nitrate par exemple. D’ailleurs, il ne faudrait même pas utiliser le terme de ‘sol’ car ils ne contiennent aucune matière organique.”

Autre piste envisagée : les plantes embarquées pourraient compléter les systèmes permettant la respiration des astronautes. “Les hommes aspirent de l’O2 et recrachent du CO2”, dit Francis Rocard, “et les plantes font l’inverse. Mais ce mécanisme, même s’il est utilisé, ne sera pas suffisant, il faudra aussi des moyens artificiels”.

Enfin, il semble hasardeux de compter sur une réelle coopération internationale : pas de politique agricole commune dans l'espace. En matière spatiale, la Chine a toujours développé son programme en marge des autres puissances. Pékin ne participe pas à la Station spatiale internationale et n’a pas prévu d’ouvrir aux autres pays son projet de base lunaire. La maîtrise des techniques d’agriculture extraterrestre est ainsi devenue l’une des composantes de la grande lutte géopolitique mondiale.