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Glyphosate : la bataille politique européenne se poursuit

Initié après la publication des «Monsanto Papers», le Parlement européen a approuvé, mercredi, une révision des procédures d'autorisation des pesticides en Europe, sur fond de divergences politiques sur l'autorisation du glyphosate.
par Aude Massiot
publié le 16 janvier 2019 à 19h12

«C'est un succès pour la démocratie européenne», s'est félicité l'eurodéputé PS Eric Andrieu, mercredi. Dépassant les différends politiques sur le sujet, la plénière du Parlement européen vient d'approuver les conclusions de la commission Pest qu'il présidait. Chargée d'enquêter sur les procédures d'autorisation des pesticides en Europe, elle a été créée à la suite des «Monsanto Papers» et de la réautorisation controversée du glyphosate dans l'Union européenne en novembre 2017.

Substance active la plus utilisée dans les pesticides au monde – rien que dans l'UE, les produits à base de cette molécule représentent un marché d'environ un milliard d'euros –, le glyphosate est classé «cancérogène probable» par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ).

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«Nous avons su mettre de côté nos différends afin d'apporter une réponse collective et si nous voulons envoyer un message fort, à la Commission européenne comme aux Etats membres, ne nous divisons pas maintenant, appelle l'eurodéputé LR et agricultrice Angélique Delahaye, coordinatrice de la commission Pest pour le Groupe PPE. En revanche, l'objectif n'était pas de faire un procès d'intention à certaines molécules utilisées depuis des décennies telles que le glyphosate.»

Ecolos et conservateurs, alliés de circonstance

A la veille du vote, l'avenir de cette substance active a fait l'objet d'intenses tractations politiques de dernière minute. Un amendement déposé par l'extrême gauche demandait l'interdiction immédiate du glyphosate en Europe. De l'autre côté de l'hémicycle, le groupe ECR, composé principalement de députés britanniques d'extrême droite, a présenté 152 amendements pour «casser les conclusions du rapport», d'après Andrieu.

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Finalement, toutes ces tentatives ont été rejetées. Cela, grâce à une alliance inimaginable il y a un an. Le groupe conservateur PPE a conclu un accord avec les Verts, par l’entremise des Socio-démocrates. Le premier s’est engagé à ne pas suivre l’extrême droite si les seconds n’approuvaient pas l’interdiction du glyphosate.

Le rapport dans ses grandes lignes a donc été adopté avec pour recommandation une refonte du système d'évaluation des pesticides afin d'obtenir plus de transparence, d'indépendance des agences européennes et une stricte application du principe de précaution. «La Commission européenne et les Etats-membres doivent allouer plus de moyens à l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour qu'elle puisse faire correctement son travail», réclame aussi Norbert Lins, corapporteur du texte et membre du groupe PPE.

La France appelée à agir

L'objectif de cette réforme est d'éviter que se reproduise le fiasco de la réautorisation du glyphosate. Mardi, le chercheur autrichien Stefan Weber et le biochimiste Helmut Burtscher, associé à l'ONG Global 2000, ont détaillé, dans un rapport, comment l'Institut fédéral d'évaluation des risques (BfR) allemand, chargé d'estimer les risques du glyphosate dans l'UE, a copié à plus de 70 % et plagié à plus de 50 % le dossier d'homologation écrit par l'industrie.

«Nous demandons au gouvernement de suspendre sans délai les autorisations à la vente des produits à base de glyphosate en France et de donner un calendrier précis pour le déstockage de ces produits, interpelle Eric Andrieu. De la même manière, la France doit bannir dès à présent, par mesure de précaution, l'importation de tous les produits contenant ou fabriqués à partir du glyphosate.» Bien que l'évaluation des substances soit une décision européenne, les Etats-membres, comme la France, ont le pouvoir d'autoriser ou non les produits qui entrent sur leur territoire. Et donc, d'en interdire certains, si nécessaire.

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