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Sista, le collectif qui veut "imposer la mixité" dans l'économie du numérique

Sista
Lancé le 3 décembre 2018 par 22 entrepreneures et investisseuses, le mouvement SISTA s'engage pour réduire les inégalités face aux capitaux et aider les fondatrices et dirigeantes à lever des fonds. Sista / photo presse

Vingt-deux entrepreneures et investisseuses lancent le mouvement Sista, pour réduire les inégalités hommes-femmes dans l'accès aux fonds d'investissement et aider fondatrices et dirigeantes à lever des capitaux.

Entrepreneures, investisseuses, fondatrices de start-up, dirigeantes de grandes entreprises... Vingt-deux business women françaises s'engagent pour réduire les inégalités dans le financement des entreprises de la tech. Ensemble, elles ont lancé, le 3 décembre 2018, le collectif Sista pour "imposer la mixité dans l'économie du numérique", déclarent les signataires dans leur tribune parue dans L es Échos . Sista, comme sisters, sœurs, en anglais.

Des visages inspirants et ambitieux

Nous voulons dire aux femmes que c'est possible !

Leur constat est simple : les dirigeantes ne captent que 2,2 % des financements des fonds d'investissement dans le monde. Et en France, les neuf plus gros fonds n'ont investi que 2,6 % dans des entreprises cofondées par des femmes sur les cinq dernières années. "Nous voulons dire aux femmes que c'est possible !, explique Céline Lazorthes, fondatrice de Leetchi et Mangopay, à l'initiative du projet. Avec Tatiana Jama, cofondatrice de Selectionnist et de Visualbot.ai, nous avons été confrontées à un grand nombre de clichés face aux investisseurs. Nous en avons eu assez de nous sentir moins capables que les autres."

"Nous voulons montrer des visages inspirants et ambitieux pour encourager les entrepreneures à contacter les fonds d'investissement", poursuit la leader des cagnottes en ligne. D'où le soutien de figures de proue de l'entrepreneuriat et du numérique comme Alice Zagury, cofondatrice de The Family, Roxanne Varza, directrice de Station F, Alix de Sagazan, cofondatrice de AB Tasty, Marjolaine Grondin, cofondatrice de Jam, Nathalie Balla, DG de La Redoute... Leur objectif ? Agir pour qu'il y ait autant de femmes financées que de femmes créatrices d'entreprises. (30% en France, ce chiffre tombant à 13% dans la tech, NDLR).

En vidéo, en Europe, les femmes gagnent 16% de moins de que les hommes

Féminiser les fonds d'investissement

Pour y parvenir, elles ambitionnent notamment de féminiser les équipes des fonds d'investissement. Et ont créé une charte, directement adressée aux investisseurs. "Ce milieu est très masculin. Or, il y a une corrélation directe entre la présence de femmes dans les fonds et le nombre de projets portés par des femmes. Il en faut à tous les niveaux. Si elles sont plus nombreuses à occuper des postes dans le venture capital, il y aura plus de fonds levés par les femmes", poursuit Céline Lazorthes.

Erreur stratégique

"Nous souffrons actuellement de biais inconscients car les investisseurs décideurs en capital risque sont des hommes à 92%, soulève Valentine de Lasteyrie, directrice des Investissements et associée de Fiblac. Cela pose un réel problème."

Et un manque à gagner non négligeable dans l'industrie numérique, souligne une récente étude du Boston Consulting Group (BCG), selon laquelle les entreprises gérées par des femmes sont plus rentables que les autres. Très concrètement, elles rapporteraient 78 centimes par dollars investi, contre 31 centimes pour les entreprises dirigées par des hommes. "Atteindre la parité générerait plus de 2000 milliards d'euros de PIB supplémentaire en Europe d'ici à 2025", relaie le collectif Sista dans sa tribune.

Maîtriser les codes de financement

Même lorsque je refuse un dossier, j'appelle la candidate pour lui expliquer pourquoi

En parallèle, les signataires de Sista veulent aussi instaurer des Office Hours, rencontres informelles entre investisseurs et entrepreneures. "Les femmes ne maîtrisent pas les codes du financement, déplore Céline Lazorthes. Le but de ce programme est d'amorcer un contact avant de faire une demande officielle, pour que les femmes puissent apprendre les règles du jeu. La première fois où j'ai pitché devant les investisseurs, je me suis rendu compte que je ne savais pas faire." Une mission que partage Catherine Barba, fondatrice de CB Group. "Même lorsque je refuse un dossier, j'appelle la candidate pour lui expliquer pourquoi je ne la prends pas. Il faut prendre le temps de dire quand on est dans le juste, et quand on pense que ça ne marchera pas."

Pour Alix de Sagazan, fondatrice d'une start-up en webmarketing qui a levé 16 millions d'euros en 2017, le manque de financement des entreprises féminines est avant tout un problème d'éducation. "Les femmes s'autocensurent. Il est important de communiquer sur le sujet. En tant que CEO, j'encourage au sein de mes équipes les femmes à prétendre à des hauts postes." L'ambition s'apprend. "Nous devons déconstruire le modèle sur lequel nous avons grandi depuis l'enfance. En ce qui me concerne, mon ambition a mûri à mesure que mon projet grandissait", confie Céline Lazorthes.

Un outil à double tranchant

Mais la levée de fonds est-elle toujours la bonne solution ? Si elle reste un outil d'accélération indispensable, elle ne doit pas pour autant être appréhendée comme une fin en soi. "Lever des fonds doit être un carburant pour avancer plus vite. Mais pour être durable, il faut d'abord avoir trouvé son marché, répondre à un besoin et prouver que ça marche", explique Catherine Barba. "Une levée de fonds est un outil merveilleux de développement mais il peut aussi tuer un projet, surtout s'il arrive trop tôt", estime Valentine de Lasteyrie. Car son objectif initial : l'(ultra) rentabilité, n'est pas toujours l'ami des structures en devenir, ni (de façon contre-intuitive) des projets où la R&D joue une place prépondérante, et qui ont besoin de temps.

Prendre confiance en soi, mieux maîtriser le sujet du financement, c'est aussi cela : savoir choisir la meilleure option pour soi, et le bon moment pour lever de l'argent. C'est pourquoi Sista appelle pouvoirs publics, investisseurs, entrepreneur(es) hommes et femmes, à se joindre au mouvement. "Il faut opérer un vrai changement de process, alerte Valentine de Lasteyrie. Donner autant de temps de parole, utiliser les mêmes champs lexicaux pour les hommes et pour les femmes. Tout cela doit être impulsé par le haut, par les gros financeurs, Bpifrance, les assureurs..." Allez les sœurs !

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