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Expérience

Des slips bios témoins de l'état des sols agricoles

Pendant quelques mois, la Chambre d'Agriculture du Var a enterré des slips en coton bio dans les sols agricoles. Non, pas pour se marrer, mais pour évaluer les effets des traitements chimiques ou biologiques à travers le niveau de dégradation du sous-vêtement. 
par Emmanuèle Peyret
publié le 13 octobre 2018 à 17h15

Bon, voilà, tu as trois minutes pour ricaner, oui, la Chambre d’agriculture du Var vient de déterrer 210 slips en coton blanc et bio, pour les exposer parfaitement dégueus, troués, en lambeaux, bref très abîmés, ou pas, sortant de sols d’exploitation agricole qui produisent du manger pour les humains et les bêtes. C’est l’idée, pas super-bucolique, mais super-efficace pour mesurer en fonction de l’état de dégradation du slip, l’impact des traitements chimiques ou biologiques sur les sols. Pour résumer, plus le slip sort en mauvais état, plus le sol est sain, et à l’inverse, un slip peu troué montre un manque de vie dans le sol, voir ci-dessous.

La première expérience du genre avait été réalisée par la chambre d'agriculture du Calvados à l'occasion du Salon aux champs à Lisieux fin août 2017. Et malgré l'aspect saugrenu de l'inhumation de slips suivie de l'exposition de lingerie entre agriculteurs, il s'agit de la très sérieuse illustration du sujet de mémoire d'Amélie Cardine, une étudiante de 23 ans, à l'époque en master des sciences du végétal à Caen, sous la houlette de Charlotte Gardon «à qui appartiennent la plupart de ces super-idées pour mesurer la fertilité biologique des sols et qui a vu cette expérience au Canada». L'objectif ? «Montrer l'incidence des pratiques culturales sur la vie microbiologique du sol», résume par mail à nos services la jeune femme, conseillère en agronomie à la chambre d'agriculture du Calvados : «J'ai fait mon stage avec "Agriculteurs Sol Vivant 14" qui regroupe des agriculteurs de tout le département, qui souhaitent aller vers le semis direct sous couvert végétal», une technique qui consiste à semer les céréales dans un paillage pour enrichir les sols et les protéger de l'érosion, avec de nombreux bénéfices écolos. «Mon objectif était de voir l'état de vie de leur sol actuellement, en fonction des différentes pratiques culturales et de pouvoir les comparer à un résultat après quelques années de pratiques d'agriculture de conservation», poursuit la jeune femme.

Rappelons pour les néophytes que l'agriculture de conservation, c'est une défense du sol «considérée non pas comme un support de culture, mais comme un milieu vivant. Le protéger améliore son fonctionnement, restaure ou augmente la fertilité», selon le site Terre.net. Bien, mais pourquoi un slip, pourquoi en coton, pourquoi blanc, pourquoi bio ? Un slip, «parce que c'est plus visuel, ça marque les esprits, et avec l'élastique, on peut plus facilement le retrouver dans la terre, car les micro-organismes ne les mangent pas», explique la chercheuse. Le bio, c'est évidemment pour qu'il n'y ait pas de facteur chimique sur l'expérience «enfouis ton slip dans la terre».

Résultat, en fonction du type de sol, le slip était plus ou moins dégradé : «Un sol sableux, n'est pas favorable à la vie des micro-organismes, reprend Amélie Cardine, le slip est donc ressorti sans être trop mangé.En revanche lors d'un arrêt de labour depuis plusieurs années, et un travail du sol peu profond, les micro-organismes ont créé leur habitat et sont très présents dans le sol, ils se sont donc régalés à manger le slip en coton». Bon, ben j'y vais, je vais enterrer le slip à papa dans le potager pour voir comment il ressort dans deux mois. 

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