LES PLUS LUS
Publicité
Publicité

Daniel Cordier : l’art et l’Histoire

Daniel Cordier
Daniel Cordier © Olivier Monge/MYOP
La Rédaction

Le grand collectionneur met en vente chez Sotheby’s ses trésors artistiques.

Les amateurs d’art ne lui diront jamais assez merci. A 98 ans, Daniel Cordier, Résistant et secrétaire de Jean Moulin pendant la Seconde Guerre mondiale puis galeriste reste un précurseur, un découvreur de talents. A une époque où les pièces venues de contrées lointaines telles l’Océanie et l’Afrique n’étaient encore baptisées Art Premier et où Jean Dubuffet, Louise Nevelson, Hantaï, Henri Michaux, Nicolas de Staël et quelques autres artistes contemporains n’avaient atteint la notoriété, Daniel Cordier les exposait déjà dans ses galeries de Paris et New York. Le marchand à l’œil infaillible, plus amoureux des œuvres que de son commerce se souvient-il sans doute du Général demandant à un célèbre commissaire priseur lors d’une réception à l’Elysée: «Continuez-vous à exercer votre coupable industrie?» Ainsi Cordier tourne-t-il ensuite le dos aux affaires, devient membre de la première commission d’achat de Beaubourg et historien afin de défendre la mémoire de Jean Moulin accusé par Henri Frenay fondateur du mouvement «Combat» d’être cryptocommuniste ; il écrit trois volumes et 1 200 pages. Douze années plus tard, en 1989 il donne quelque 500 œuvres au Centre Pompidou suivi dans la foulée d’une seconde donation.

Publicité

164 oeuvres contemporaines aux enchères

Aujourd’hui le collectionneur qui vit paisiblement à Cannes a décidé de mettre aux enchères chez Sotheby’s à Paris du 27 septembre au 1er octobre 164 œuvres contemporaines. Vente comprenant notamment Agam, Arman, Christo, Dubuffet, Erro, Hantaï, Hiquily, Mapplethorpe, Mathieu, Matta, Nevelson, Takis… dont la pièce maîtresse un Dubuffet est estimée 200 000 à 300 000 euros et la moins chère un Schultze 300 euros. Homme libre, l’esthète raconte sans détours sa longue existence, son quotidien désormais rythmé de marches, nourritures intellectuelles et repas à heures fixes. Il évoque avec flamme et poésie son homosexualité, fruit d’un joli roman au parfum autobiographique «Les feux de Saint Elme». Autre témoignage, ses mémoires «Alias Caracalla». S’il garde beaucoup de retenue dès qu’il s’agit de la Résistance, ce Bordelais avoue volontiers: «Il m’est intolérable de vivre les murs nus.» Ceci explique cela… Une sorte de boulimie; quand on aime on ne compte pas!

La suite après cette publicité

Lire aussi. Les compagnons de la Libération :  "Nous sommes des anticonformistes"

La suite après cette publicité

C’est naguère Jean Moulin peintre sur ses faux papiers mais vrai amateur d’art qui l’initie à la peinture. D’ailleurs pense-t-il même un temps devenir peintre. Personnage éclairé toujours plein d’enthousiasme, d’humour, peu sensible aux honneurs il ne porte pas au revers de ses vestes chics et british le discret ruban vert et noir de l’ordre fondé par de Gaulle en novembre 1940. Toutefois secrètement fier ce fameux 18 juin 2018 où le président Macron a déclaré au Compagnon de la Libération en le décorant de la Grand-croix de la Légion d’honneur: «Se trouver face à vous, c’est se trouver immédiatement irrésistiblement face à l’Histoire.» Ce jour-là, il a souri et avoué: «Ca me bouleverse» et s’est repris… Lui qui croit que «la chronologie est un toboggan quand on s’y laisse aller…» Pourtant dans son cas, elle devient un monument. Entré dans l’Histoire de France de son vivant, l’un des cinq Compagnons de la Libération toujours en vie parmi les 1 038 ayant reçu cet insigne glorieux mesure-t-il vraiment le prestige de cet ordre. Le dernier sera enterré dans la crypte du Mont Valérien où se trouve le mémorial de la France combattante, or ce héros n’aime guère compter. Il l’a prouvé toute sa vie!

Contenus sponsorisés

Publicité